Society (France)

Crimes d’honneur en Inde

Le drame avait secoué l’inde. En mars 2016, un jeune homme, Sankar, était sauvagemen­t assassiné en plein jour sous les yeux de sa compagne, Kausalya. Un meurtre commandité par les parents de la jeune femme pour une histoire de différence de caste entre le

- PAR GUILLAUME VÉNÉTITAY, AU TAMIL NADU / PHOTOS: ASMITA PARELKAR POUR SOCIETY

En mars 2016, Sankar était sauvagemen­t assassiné en plein jour sous les yeux de sa compagne, Kausalya. Un meurtre commandité par les parents de la jeune femme pour une sombre histoire de caste. Deux ans plus tard, les choses ont-elles changé?

n sortant du magasin, Sankar aperçoit dans la vitrine un t-shirt au vert éclatant. “Je crois que je préfère celui-ci”, indiquet-il à Kausalya, sa femme. Elle approuve. Le couple retourne dans la boutique pour échanger le haut rose fraîchemen­t acheté. Le jeune homme, qui est passé chez le coiffeur dans la matinée, tient à avoir un look impeccable. Le lendemain se déroule la cérémonie annuelle de son école d’ingénieurs, un rituel durant lequel les meilleurs élèves reçoivent des prix. Kausalya et Sankar repartent de l’échoppe et se faufilent à travers la foule. Le soleil cogne sur Udumalaipe­ttai, petite ville du Tamil Nadu, État du Sud de l’inde. Les amoureux décident de s’offrir une douceur. Deux sodas, sifflés d’un trait. Ils traversent la rue pour se rendre à l’arrêt de bus et rentrer à Komaraling­am, leur village, situé à une dizaine de kilomètres. Soudain, cinq hommes à visage découvert débarquent sur deux mobylettes. Ils dégainent des longs couteaux, des sabres, et attaquent le couple. En moins d’une minute, ils lacèrent le garçon. Trente-quatre coups de lame. Une gorge tranchée jusqu’à l’os. Et une mare de sang. Le commando s’enfuit sous le regard d’une foule aussi apathique qu’impuissant­e. Quelques instants plus tard, Sankar, 22 ans, meurt dans l’ambulance. Les images de l’agression, captées par des caméras de surveillan­ce, font le tour de l’inde. Très vite, les assassins sont arrêtés, et les commandita­ires identifiés. Ce sont les propres parents de Kausalya. Issus de la caste des Thevars, très puissante au Tamil Nadu, ils n’ont jamais accepté l’idylle de leur fille avec Sankar, simplement parce qu’il était dalit. Auparavant appelés Intouchabl­es, les Dalits, considérés comme impurs par les autres castes, restent stigmatisé­s et victimes de nombreux crimes, malgré l’abolition officielle des discrimina­tions liées aux castes.

C’était le 13 mars 2016. Deux ans ont passé depuis. La jeune femme rescapée de l’attaque est devenue un symbole national. Elle est partie en croisade contre les mal nommés “crimes d’honneur” pour qu’il n’y ait “plus d’autres victimes comme Sankar”. Kausalya, 21 ans aujourd’hui, loge dans une modeste maison coincée à l’angle de deux ruelles, à plus de cinq heures de route du village où elle vivait avec Sankar. Elle est surveillée par un officier de police 24h/24 et est tenue de ne pas révéler sa nouvelle ville d’accueil. “J’ai emménagé ici

il y a un an et demi, lorsque le ministère de la Défense m’a proposé un poste d’employée de bureau”, précise-t-elle, au milieu de son salon aux murs bleus. En dehors du fauteuil sur lequel Kausalya est assise, il n’y a pas grandchose dans la pièce. Un canapé banal, un carton à moitié déballé, une plaque électrique posée au sol. Et c’est tout. Comme si la jeune femme ne s’était pas encore faite à l’idée de vivre là-haut, au bout de ces innombrabl­es lacets bordés de plantation­s de thé qui couvrent l’ouest du Tamil Nadu, si loin de sa vie d’avant. Pour elle, tout a commencé dans un village à côté de Palani, bourgade connue dans la région pour ses ardents festivals hindous. Son père, Chinnasamy, gère une lucrative agence de voyages. “Mes parents me traitaient comme une princesse. Dès que je voulais quelque chose, ils me l’achetaient. Mais ce n’était pas forcément une enfance heureuse, car j’ai reçu une éducation très stricte, je ne pouvais jamais sortir toute seule”, dit-elle. Adolescent­e, Kausalya veut devenir hôtesse de l’air. Ses parents l’en dissuadent, refusant qu’elle porte des “jupes courtes”. Alors qu’elle passe ses examens de fin de lycée, ils se mettent à lui chercher un mari. “Je leur ai tenu tête. J’ai obtenu de bons résultats et ils ont accepté de me laisser poursuivre mes études”, se remémore la jeune fille. Rien ne la prédestine néanmoins à rencontrer Sankar, qui grandit à seulement dix kilomètres, mais dans un autre monde. Komaraling­am est un village où résident principale­ment des Pallars, une communauté dalit. Le père de Sankar, un paysan sans terre, s’abîme le corps dans les champs du coin pour une poignée de roupies. La mère meurt alors que les enfants sont encore petits. Sankar prend sa place. “C’est lui qui cuisinait, ses plats étaient très bons. C’était aussi un grand frère qui aimait passer du temps avec moi”, décrit Yuvaraj, le cadet de la fratrie de quatre garçons. Discret, habile joueur de carrom –le billard indien–,

“Sankar me traitait d’égal à égal, et c’est ce que représenta­it l’amour pour moi: l’égalité. Il m’a redonné une estime de moi-même” Kausalya

Sankar projetait de construire une maison de briques à la place de la fragile bicoque dans laquelle vivait sa famille. Il rêvait aussi de romance et de tendresse, dans un pays où l’on se marie avant de s’aimer.

L’amour en fuite

Leur histoire démarre dans un bus. À la rentrée 2014, Kausalya intègre une école d’ingénieurs à Pollachi, à une heure et demie de chez elle. Ses parents refusent qu’elle dorme dans une résidence universita­ire et elle doit effectuer le long trajet matin et soir. Le troisième jour, lorsqu’elle descend du bus devant l’établissem­ent, un bonhomme à frêle allure se présente face à elle. “Il a demandé à me parler, je me suis liquéfiée. Pourquoi est-ce que ce gars voulait discuter avec moi? Il m’a demandé: ‘Est-ce que tu es amoureuse de quelqu’un?’ Je n’ai pas répondu, j’avais peur que l’on me voie en train de parler à un mec.” Le lendemain, il revient à la charge. Même endroit, même heure. L’étudiante se fait chambrer par ses amies, et se retrouve au centre des potins. Elle apprend alors que ce garçon est en troisième année et qu’il s’appelle Sankar. “Un des jours suivants, je lui ai dit que je devais me marier à un homme qui convienne à mes parents, mais que l’on pouvait rester amis”, indique-t-elle. Les deux élèves échangent leurs numéros. Chaque matin, pendant des mois, Sankar monte dans le bus 20 minutes après Kausalya et s’assoit à proximité d’elle. Sans jamais s’adresser la parole, ils s’écrivent des textos, s’envoient des messages sur Whatsapp, dans lesquels ils partagent leurs péripéties d’étudiants: les cours fastidieux, les profs barbants, la pression des examens. Ils discutent du culte de Sankar pour Vijay, star du cinéma tamoul, des performanc­es de Kausalya lors de ses anciennes compétitio­ns de yoga. Puis l’amour s’invite sans prévenir. “Je ne sais pas comment, mais je suis tombée amoureuse de lui, raconte la jeune femme. On parlait de tout, c’étaient des messages affectueux, mais je ne lui ai jamais écrit ‘Je t’aime’ à ce moment-là. Il le savait.” En juillet 2015, après un cours du soir, Kausalya et Sankar discutent de vive voix dans le bus. Le chauffeur les aperçoit et le confie à la mère de la jeune fille. “Il n’a même pas dit ‘Elle parle à un garçon’, mais ‘Elle fréquente quelqu’un’.” Le début des ennuis. Le lendemain, la mère de Kausalya lui confisque son téléphone et découvre les innombrabl­es messages, malgré le subterfuge de sa fille, qui a enregistré Sankar sous un nom féminin, “Sree”. Une rapide enquête et les parents se rendent compte de la caste du jeune homme. “Ils l’ont appelé et insulté. Ils ont dit que c’était le genre de gars qui allait me mettre enceinte et se barrer”, détaille Kausalya. Cette violence des parents de Kausalya traduit le poids de la caste en Inde. Dans l’idéologie hindoue, le système des castes divise la société en quatre groupes hiérarchis­és selon un principe de pureté rituelle. Les Dalits sont considérés hors caste, et donc impurs, intouchabl­es. Pendant longtemps, ils ne pouvaient recevoir ou servir les autres communauté­s, étaient cantonnés à certains métiers –éboueurs, tanneurs, etc. Mais “c’est surtout dans le mariage que la caste joue le plus grand rôle. Si l’enfant est issu d’une union entre deux castes différente­s, il devient hors caste”, explique Catherine Bros, maîtresse de conférence à l’université Paris-est et auteure de plusieurs travaux sur l’intouchabi­lité. Les mariages arrangés et “intracaste­s” restent ainsi la norme, à plus de 90%. Y compris au Tamil Nadu, pourtant réputé progressis­te. Le jour suivant, les parents de Kausalya décident de reprendre le contrôle sur leur fille. La mère file à Madurai, grande agglomérat­ion située à deux heures de route, et écume les agences matrimonia­les pour lui trouver un bon parti. Seule à la maison, Kausalya déniche facilement son téléphone confisqué. Elle cogite, échange avec Sankar sur Whatsapp. “Pourquoi est-ce que tu ne t’enfuirais pas? Je n’ai pas envie de perdre une autre mère, c’est ce que tu es pour moi”, lâche le garçon. Elle fait son sac et s’en va. À l’approche de l’arrêt de bus, un oncle la repère. “–Qu’est-ce que tu fous là? Il n’y a personne pour t’accompagne­r dehors? –Non, j’attends une amie, à qui je dois donner ce sac d’affaires.” L’homme ne pose pas plus de questions et s’éloigne. Kausalya embarque, son téléphone sonne. C’est Chinnasamy, son père. Elle éteint l’appareil et une vie de fugitifs commence.

“Tu devrais revenir chez nous, sinon on va te tuer”

À Komaraling­am, son amoureux l’accueille, le teint blafard. Lui aussi a le vertige. Anticipant la haine et la venue du père de Kausalya, le couple se cache chez une cousine de Sankar, à une trentaine de kilomètres, change une fois de refuge par sécurité, et rentre finalement au milieu de la nuit. Dès l’aube, ils se rendent dans un temple de Palani, en compagnie d’une vingtaine d’amis. Kausalya et Sankar se marient sans ivresse ni sourires. Aucune musique, repas ou séance photo interminab­le, comme c’est le cas lors d’un mariage indien. On est le 12 juillet 2015. “Ce matin-là, on était inquiets. Ce n’était pas la fête, il y avait de la peur, on savait que le pire pouvait arriver. On se demandait ce qu’il fallait faire”, se souvient Kausalya. Trois heures après leur union, les époux se rendent au commissari­at. Ils savent que Chinnasamy a déjà déposé une plainte pour un prétendu kidnapping de sa fille. Les deux clans débarquent à leur tour. Le père de Sankar approuve le mariage, offre son modeste toit pour accueillir le couple. De son côté, l’inspecteur de police tance Kausalya: “L’amour dure 60 jours. Tu viens de te marier à un pauvre, un garçon d’une basse caste. Comment allez-vous vivre?” Puis sa famille se rue sur elle. “La police s’est interposée, mais ma tante a exigé que je rende les bijoux et les vêtements que je portais, resitue-t-elle. J’ai enlevé mes boucles d’oreilles, mes bracelets. En sortant, ma mère a pris mes sandales et les a déchirées avec ses dents, pour montrer son dégoût.” Trois jours plus tard, le tribunal de Palani classe la plainte pour kidnapping. “Tu devrais revenir chez nous. Sinon, on va te tuer”, la prévient Chinnasamy.

Kausalya et Sankar passent plusieurs nuits à se cacher, à dormir à même le sol chez des amis. Pendant ce temps, des membres de la famille de la jeune fille entament des allées et venues devant la maison du père de Sankar, où les amoureux décident finalement de résider. Il y a ceux qui profèrent des insultes. Et il y a ce grandpère, Jeyaraman. Il a les mots doux, les gestes tendres. Kausalya l’adore. Il leur apporte des plats délicieux et assure que la colère de la famille “passera avec le temps”. Fin juillet, le vieux se sent mal et demande à ce que sa petite-fille l’amène à l’hôpital. Elle s’exécute. En sortant des soins, Kausalya est prise dans une embuscade. Sa famille l’embarque de force dans une voiture. C’est le début de cinq jours terrifiant­s. Elle est emmenée chez un sorcier. “Il a commencé à faire de la magie noire, à me prescrire des potions que mes parents m’ont fait boire. Puis on m’a traînée au domicile de ma tante. Ma famille m’a aspergée d’eau, comme s’il fallait me laver parce que je m’étais mariée à un Intouchabl­e. Ils ont enlevé et brûlé mes vêtements”, récite-t-elle. On la traite de “pute”, on l’arrose de coups, on la conduit chez d’autres sorciers. Sous la pression d’une plainte de Sankar, la famille lâche finalement l’affaire. “Va-t’en, tu es tellement butée. Ferme-la, ne dis jamais que nous t’avons kidnappée, on ne veut pas être les méchants”, lui lancent-ils.

Les menaces et les rancoeurs auraient pu s’arrêter là. Kausalya et Sankar l’ont cru. Les sept mois suivants, les mariés vivent dans une apparente tranquilli­té, à Komaraling­am. Une fois, ils se font courser par des oncles de Kausalya sur un marché. “Le reste du temps, on a vécu comme un couple normal. Les plus beaux mois de ma vie”, confie-t-elle aujourd’hui, la mine soudain éclatante. Une paisible routine s’installe. Sankar se lève aux aurores et cuisine les repas du jour pour sa femme, ses frères et son père. Il part à 7h pour l’école et revient après 18h30. Le vendredi, il achète toujours du muttai parotta –une galette finement hachée, mélangée avec des oeufs, des oignons et des épices–, le plat préféré de Kausalya, qui a arrêté les cours et pris un job de vendeuse dans un magasin de vêtements afin d’aider financière­ment toute la famille. Le week-end, le couple s’offre des grasses matinées, trompe l’ennui en visionnant des séries et des films sur smartphone, s’adonne à des longues lessives à la main, s’imagine un futur lorsque le jeune homme sera diplômé en fin d’année. “Sankar me traitait d’égal à égal, et c’est ce que représenta­it l’amour pour moi: l’égalité. Je pouvais faire ce que je voulais, il m’a redonné une estime de moimême. Ce n’était pas le cas avec ma famille, où tout était sous contrôle”, juge Kausalya. Le dimanche 6 mars 2016, le tandem reçoit la visite des parents de la mariée. “Je n’y croyais pas, on ne les avait pas vus depuis des mois. Ils n’ont pas voulu entrer dans la maison. Mon père m’a demandé de revenir, a offert un million de roupies (environ 12 500 euros, ndlr) à Sankar pour qu’il renonce au mariage. J’ai répondu que même pour dix millions, je ne le quitterais pas.” En repartant, Chinnasamy, regard noir, insulte le garçon et avertit sa fille. “S’il vous arrive quelque chose, on ne sera pas responsabl­es.” Une semaine plus tard, Sankar sera assassiné.

Tentative de suicide et condamnati­ons à mort

À la suite de l’agression, Kausalya passe, elle, un mois à l’hôpital. Trente-six points de suture au crâne et des profondes blessures aux bras. Un homme lui rend visite régulièrem­ent. Kathir Vincent Raj a fondé L’ONG Evidence, qui défend les droits des Dalits depuis treize ans. Le voici aujourd’hui dans son bureau à Madurai, où des dizaines de dossiers débordent des armoires poussiéreu­ses. Il commence par

Les statistiqu­es du gouverneme­nt fédéral mentionnen­t 288 meurtres liés aux mariages intercaste­s en Inde entre 2014 et 2016. Un chiffre largement sous-estimé, d’après les associatio­ns.

donner le nombre de crimes d’honneur liés aux mariages intercaste­s au Tamil Nadu: 157 sur les cinq dernières années, selon les comptes de son organisati­on. Les statistiqu­es fournies par le gouverneme­nt fédéral mentionnen­t 288 meurtres pour ce motif au niveau national entre 2014 et 2016, un chiffre largement sous-estimé d’après les associatio­ns. “Très peu d’atrocités contre les Dalits sont jugées. Dans ces affaires, la loi indique que l’acte d’accusation doit se faire dans un délai de 60 jours, mais en réalité, les dossiers restent trois à quatre ans dans les commissari­ats”, détaille Kathir. Il y a aussi la réticence de la communauté à porter plainte, avec la conviction –souvent vérifiée– que l’état, la police et les castes dominantes marchent main dans la main. Kathir a dû retourner voir “quatre fois” le père de Sankar, Veluchamy, avant de le convaincre d’intenter des actions en justice. Onze personnes, dont les parents de Kausalya, ont finalement été renvoyées devant le tribunal. En décembre dernier, les cinq assaillant­s ont été condamnés à mort pour meurtre, tout comme le père de Kausalya. La mère, Annalakshm­i, a été acquittée, mais les parties civiles pourraient faire appel. “En temps normal, peu d’affaires vont jusque-là, mais ce procès tient à Kausalya, qui a trouvé le courage de faire face à sa famille”, témoigne avec admiration le directeur d’evidence, qui l’a assistée durant toute la procédure. Avant d’avoir la force inouïe de se relever et de se présenter au procès, la rescapée a dû encaisser. Son absence aux funéraille­s à cause de son hospitalis­ation, la médiatisat­ion, les traumatism­es physiques, le corps de Sankar qu’elle ne pourra plus serrer, les insultes de la communauté thevar sur les réseaux sociaux. Éprouvée, Kausalya a même tenté de mettre fin à ses jours. “Mais j’ai ensuite reçu pas mal de soutien de groupes dalits, de la famille de Sankar. Et j’ai réalisé que personne ne devrait subir cela à nouveau”, dit-elle en se levant de son fauteuil. La jeune femme amène dans la chambre adjacente. Un amas de vêtements recouvre le lit deux places. Accrochée sur un mur, la photo de mariage, recouverte d’un film plastique. En-dessous, une bibliothèq­ue soigneusem­ent rangée, où l’on retrouve l’autobiogra­phie de Malala Yousufzai et plusieurs ouvrages de Periyar, célèbre militant athée et anticastes. “Il avait aussi un discours fort pour l’égalité hommefemme, qu’il articulait avec la fin des castes. Lire les ouvrages de Periyar m’a permis de renaître. Et j’ai réalisé que l’amour triomphera lorsque les castes disparaîtr­ont”, assène Kausalya. Quasiment tous les week-ends, la jeune femme prend désormais la route pour raconter son histoire aux quatre coins du vaste Tamil Nadu. Kausalya défend aussi la création d’une loi spécifique sur les crimes d’honneur. “Il faut protéger ces amoureux en amont, lorsqu’il y a toute la pression mentale, comme celle que nous avons subie”, précise celle qui aide actuelleme­nt trois couples intercaste­s menacés par leur entourage. Afin de se jouer des stéréotype­s, elle a gardé les cheveux courts et s’est mise à jouer du parai, un tambour habituelle­ment associé aux Dalits. Kausalya monte également sa propre associatio­n caritative. Pour en voir le premier pilier, il faut quitter les montagnes des Nilgiris, rouler plusieurs heures sur des routes esquintées avant d’atteindre Komaraling­am, le village de Sankar. Au bout d’un dédale de cahutes bleues, un bâtiment municipal accueille une douzaine de gosses et deux professeur­s. “Kausalya nous a embauchés pour que l’on donne quotidienn­ement des cours du soir à ces enfants dalits du coin. On fait du soutien scolaire, mais on amène aussi cette perspectiv­e d’égalité”, signifie Nisha Jabar, enseignant­e. En face, une bâtisse à deux étages surplombe le voisinage. C’est la nouvelle maison de la famille de Sankar. Il y a des murs en béton, un sol carrelé, une chambre pour chacun: c’était le rêve du garçon, finalement réalisé par Kausalya.

 ??  ?? Sur les routes des Nilgiris, à l’ouest du Tamil Nadu, où Kausalya vit sous protection policière.
Sur les routes des Nilgiris, à l’ouest du Tamil Nadu, où Kausalya vit sous protection policière.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Photo de mariage.
Photo de mariage.
 ??  ?? Hommage à Sankar dans la maison de son père.
Hommage à Sankar dans la maison de son père.

Newspapers in French

Newspapers from France