Society (France)

Souriez, vous échangez

Basées sur la volonté de dynamiser la vie locale et de recréer du lien entre habitants d’un même quartier, les applicatio­ns d’aide entre voisins fleurissen­t dans l’hexagone. En témoigne l’exemple de la réussite de Smiile.

- – LAURE GIUILY / ILLUSTRATI­ON: HECTOR DE LA VALLÉE POUR SOCIETY

Besoin d’une caméra pour un week-end ou d’un escabeau pour accrocher un cadre? Fini les dépenses inutiles. C’est du moins le pari de l’applicatio­n Smiile, lancée en 2014 à Saint-malo par David Rouxel avec un objectif simple comme bonjour, mais précieux pour quiconque a déjà dû s’équiper en vitesse pour filmer un mariage ou se lancer dans des petits travaux: créer un réseau de voisinage afin de favoriser l’entraide et le partage entre voisins. La conception de Smiile –à l’époque appelée Mon P’ti Voisinage– remonte à 2012. “Le déclic, c’est quand je me suis rendu compte que je ne connaissai­s pas mes voisins et que je ne pouvais pas partager leurs ressources,

raconte son fondateur. Je me suis dit qu’il y avait moyen de créer un outil utilisable au quotidien pour tout le monde. Une plateforme de mutualisat­ion pour mieux consommer ensemble.”

L’inscriptio­n sur Smiile permet de rejoindre le réseau de voisinage de son quartier, sur lequel “chaque personne peut partager ses compétence­s et ses savoir-faire ou répondre à des missions

rémunérées entre voisins”, explique David Rouxel. C’est ce qu’a fait Rozenn. Cette Bretonne de 51 ans avait besoin d’un coup de main pour réparer la chambre à air de son vélo. Elle a posté son annonce sur la plateforme et c’est Lucien qui lui a répondu. “J’avais acheté la chambre à air et on s’est donné rendez-vous. C’était très sympathiqu­e. Comme c’est bénévole, je lui ai apporté deux bouteilles de cidre et une petite verrine”, raconte la quinquagén­aire, visiblemen­t conquise par son expérience. Elle a aussi proposé à ses voisins de venir prélever des boutures de son laurier et de son framboisie­r. Trois personnes ont

répondu à l’appel. “C’est l’occasion d’échanger, de discuter, c’est toujours enrichissa­nt. Et puis, j’aimerais qu’elles fassent plein de petits lauriers dans d’autres jardins”, confie la Malouine. Andrea, étudiante à l’université de Toulouse, a elle aussi été séduite par cet

élan collaborat­if. “J’ai fabriqué des boucles d’oreilles en origami, que j’ai proposées. Et j’ai donné mes cartons de déménageme­nt à un voisin qui en cherchait, détaille la jeune femme avec enthousias­me. C’est magnifique de voir que l’on peut échanger d’une autre façon.”

Originaire de Colombie, elle a aussi décidé de proposer des cours d’espagnol contre des leçons de français. Un échange de bons procédés.

400 000 utilisateu­rs

Sur Smiile, il est également possible de monnayer son service à un prix évidemment plus avantageux qu’un

profession­nel. “On peut louer sa Gopro un week-end pour amortir son coût, par

exemple”, illustre David Rouxel, qui appelle ce volet payant le “jobbing”. Baby-sitting, aide à domicile, cours particulie­rs…. Les services pullulent. C’est ce qui a attiré Paul vers une autre applicatio­n d’entraide entre voisins, Mon Super Voisin, qui propose la même formule. Ce Parisien de 25 ans travaille dans la finance et avait peu de temps à consacrer à ses tâches quotidienn­es. Il a ainsi pu trouver une voisine volontaire pour faire le ménage chez lui moyennant

rémunérati­on. “L’idée, c’était de me faire gagner du temps, de rencontrer mes voisins et de partager un moment plus convivial que si j’étais passé par une autre entreprise, qui m’aurait en plus coûté plus cher”, raconte le jeune

homme. Selon David Rouxel, le “jobbing” ne représente que 20% des échanges de Smiile, le reste étant bénévole. Comme Rozenn et Andrea, ils sont aujourd’hui 400 000 à utiliser ce réseau en France. Selon son fondateur, la plateforme compterait aussi plus de 500 000 objets à prêter, louer ou mutualiser. Un succès qui a pu rebuter quelques pionniers. David, 37 ans, s’était inscrit sur l’applicatio­n au moment de son lancement, et l’a quittée depuis. “Je trouvais l’idée sympa mais au bout d’un moment, il y avait trop de monde, j’avais l’impression de recevoir des spams en permanence. Et puis les gens n’étaient pas toujours corrects”, détaille le Strasbourg­eois. À vouloir trop s’agrandir, le réseau de voisinage risque-t-il de perdre ses atouts de proximité? Simple crise de croissance, selon David Rouxel,

qui avoue voir encore plus loin: “Smiile n’en est qu’au début de son histoire. On est en train de devenir une forme de média de la vie locale.”

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