Society (France)

Le Mooch

- TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR RM

Le New-yorkais Anthony Scaramucci détient un record: embauché en juillet 2017, il a été le directeur de la communicat­ion le plus éphémère de l’histoire de la Maison-blanche. Onze jours seulement. Dont il n’a rien oublié.

Le New-yorkais Anthony Scaramucci, dit “le Mooch”, détient un record mondial: il a été le directeur de la communicat­ion le plus éphémère de l’histoire de la Maison-blanche. Onze jours seulement, en juillet 2017, avant d’exploser en vol et d’être viré manu militari. Le symbole de la folie de la présidence Trump? Un an et demi plus tard, on est allé lui demander.

Le compte est vertigineu­x, effarant, et même sacrément baroque: en étant contraint de remettre sa démission dans les premiers jours du mois de novembre, le ministre de la Justice, Jeff Sessions, est devenu le 39e officiel* à devoir quitter l’administra­tion du président américain Donald Trump depuis que celui-ci a prêté serment, il n’y a même pas deux ans. Pour rendre compte de cette pagaille monstre, le New York Post, le premier tabloïd de la mégapole américaine, s’est amusé à représente­r en première page la Maison-blanche à la manière d’une brousse redoutable dont personne ne réchappe ou presque, bordée par la mention “Survivor”. Comme le titre de la version américaine de la célèbre émission Koh-lanta. Sur le journal, au milieu d’un montage onirique de fougères et de roseaux épineux, apparaisse­nt le visage du pauvre Sessions, ainsi que ceux de quelques autres personnali­tés de premier rang débarquées avec fracas par Donald Trump, piteusemen­t badigeonné­s pour l’occasion d’une croix rouge sang. Installé comme un pacha dans ce bureau dont les larges fenêtres donnent sur le capharnaüm klaxonnant de New York, Anthony Scaramucci examine un instant le cimetière qui s’affiche ce jour-là en une du quotidien et, d’un coup, presque bouffon, s’exclame: “Ah!

Quand même, je suis là!” L’index et le pouce enduits d’un peu de la mayonnaise du sandwich à étages qu’il vient tout juste d’engloutir, l’homme isole sa tête pixellisée à l’aide d’un gros feutre. Puis, dans un nouveau mouvement brusque, il saisit le Post et fait mine de prendre la pose à côté de sa photo, en dégainant un doigt d’honneur et un sourire béat. Ainsi va celui que tout le monde appelle “le Mooch”.

Parmi la foule de ceux qui ont subi la vindicte de Washington et de son roi, le Mooch détient, à 54 ans, un record personnel. Il est celui dont la mission aura duré le moins longtemps. Pas quelques mois ni même quelques semaines, mais seulement quelques jours. Intronisé “directeur de la communicat­ion du président Trump” le 20 juillet 2017, Anthony Scaramucci fut viré manu militari le 31 juillet, après s’être fendu dans la presse d’une série de saillies embarrassa­ntes au sujet de ses collègues de cabinet les plus éminents. Un moment fugace, plus rapide encore que le passage d’une étoile filante dans le ciel. Derrière le pupitre de la Maison-blanche, le Mooch, gamin de Long Island, parlait en tordant la bouche et brassait l’air de ses mains charnues, pareil à un charretier des bas quartiers italiens du New York de son enfance. On aurait dit le héros rouleur de mécaniques d’un classique à la ringardise eighties, comme si John Travolta dans Grease avait avalé le Michael Douglas de Wall Street. Très vite, les médias en firent une coqueluche. Il était celui que l’on invitait plus que les autres sur les plateaux de télévision, parce qu’il était toujours la promesse d’une séquence électrique. Mais cela ne dura que onze jours, donc. Ce qui provoqua en retour autant de railleries. D’un coup, Anthony Scaramucci n’était plus qu’une triste quille, une huile fantoche, symbole à lui tout seul de l’absurdité du gouverneme­nt trumpien. “J’ai explosé

de manière spectacula­ire devant tout le pays, reconnaît-il aujourd’hui. J’ai eu l’impression que ma voiture s’était crashée.” Mais le Mooch est gaillard, il porte la veste sur mesure comme une cotte de maille et l’on aurait tort de penser que cette violente embardée l’a profondéme­nt accablé. Son doigt d’honneur de tout à l’heure n’était qu’une boutade. “En vérité, je suis le mec le plus chanceux sur Terre!” s’exclame-t-il.

Il ajoute: “Peu importe si j’ai été viré: Trump m’a rendu célèbre. Et pour ça, je n’ai pas eu besoin de coucher avec lui comme la First Lady!”

“Juste un businessma­n qui filait du cash”

Depuis peu, Anthony Scaramucci a repris les rênes de l’affaire juteuse qu’il avait abandonnée du jour au lendemain pour rejoindre Donald Trump. Logé dans les hauteurs de l’un des majestueux belvédères en plexiglas de Madison Avenue, à Manhattan, Skybridge est un cabinet s’occupant de faire fructifier l’épargne de dizaines de milliers d’américains, du petit notaire sudiste au patricien de Boston. Sur tout un étage fumant comme une bétaillère, plusieurs cohortes de beaux jeunes gens dont les chemises claires ne souffrent d’aucune froissure draguent le chaland au téléphone et compilent des rangées de dollars à donner le tournis dans d’immenses tableaux d’ordinateur. Depuis que le Mooch est devenu une figure nationale, les chiffres de Skybridge ont gonflé, dit-on. “Tous les jours, je reçois des coups de fil de gens qui me disent qu’ils ont vu Anthony Scaramucci à la télévision, qu’il leur a plu et qu’ils veulent lui confier leur argent. Son passage à la Maison-blanche nous a donné du souffle. Grâce à lui, tout

le monde sait qui nous sommes”, frétille Jérôme Hayden. Ce jeune homme originaire d’un faubourg lugubre de l’east Side a été recruté par le Mooch alors qu’il n’avait pas tout à fait terminé ses études de finance. Il raconte aussi comment il arrive que son patron le supplée au débotté au bout du fil pour faire signer un nouveau client. “Les gens se retrouvent à parler au Mooch, et ils hallucinen­t. Je ne connais personne d’autre qui fait ça.”

Le reste du temps, du lundi au vendredi, Scaramucci est occupé à recevoir, derrière la large table en chêne verni qui lui sert de bureau, toutes sortes de gens venus lui demander

conseil. Comme si son étroite parenthèse présidenti­elle l’avait oint d’un genre d’autorité suprême. Aujourd’hui s’avance un homme aux joues rouges, coiffé d’une amusante choucroute de cheveux noirs laqués. Pépé Breton est un chicano qui, depuis le Colorado, dirige avec réussite un

business de cannabis légal. “C’est la fumette qui vous donne cet air?” hoquète Scaramucci. L’autre: “Cela fait un an que j’essaye de vous rencontrer. Je vous ai poursuivi. Vous êtes un homme qui connaît tout le monde.” Scaramucci: “J’en ai rien à foutre du cannabis, mais quand on m’a dit que vous vouliez

me voir, j’ai trouvé ça sympa!” Après quoi le Mooch dit à Pépé le fumeur d’attendre avant d’ouvrir le capital de son petit empire puis, sans aucune transition, se met à lui parler de son frère cocaïnoman­e et du danger des drogues dures, cite Montaigne ainsi que des présidents américains nés il y a deux siècles et promet de l’aider à devenir le plus riche dans sa discipline. “Mon vieux, vous allez vous asseoir avec tous les fumeurs de Wall Street”, lui assure-t-il enfin, avant de le guider vers la sortie. Parfaiteme­nt minuté, l’agenda du Mooch ne laisse jamais la place aux effusions superflues. Au suivant, donc. Celuilà s’appelle Matthew Brooks, figure de proue de la coalition des Juifs républicai­ns et lobbyiste réputé. En guise de présentati­on, il annonce: “Je suis pour Israël, des impôts réduits au minimum et une défense nationale forte.” Il est venu proposer au Mooch de monter à la tribune de la grande conférence printanièr­e organisée par son rassemblem­ent. Ce serait un honneur. “Même si cela n’a pas duré très longtemps, le fait qu’anthony Scaramucci ait travaillé à la Maison-blanche lui donne une véritable légitimité aujourd’hui. Il en

a fait un levier”, justifie-t-il. Flatté par ce bref commentair­e, presque rougissant, le Mooch tope la pogne de

son interlocut­eur. “Vous et moi, nous sommes les mêmes! Si nous avions grandi ensemble, nous aurions joué aux dés en bas de la rue!” Un marchand de ganja et un porte-parole conservate­ur: les deux visiteurs du jour disent quelque chose d’anthony Scaramucci. Un homme qui se revendique de gauche et de droite en même temps. Il avance par exemple qu’il ne trouve absolument rien à redire à propos du mariage gay et qu’il soutient par ailleurs la souplesse aiguë du marché du travail américain. “Je suis libéral sur tous les plans. Un vrai centriste.” De quoi expliquer ses manières volatiles quand il s’est agi de choisir sa crèmerie politique. En 2008, le Mooch faisait don au candidat démocrate Barack Obama d’un chèque de 5 600 dollars. Quatre ans plus tard, il devenait trésorier en chef de la campagne du républicai­n Mitt Romney. Lors de la dernière élection présidenti­elle, il annonça d’abord soutenir Hillary Clinton puis se mit à applaudir Jeb Bush, le cadet de George W., et lorsque Donald Trump s’imposa comme le candidat final de la droite américaine, il en fit son favori. Un ralliement pas si étonnant que ça, en fin de compte: le boursicote­ur et le magnat de l’immobilier sont tous les deux des figures des hauteurs de Manhattan, et ils se connaissen­t depuis des années. “Trump et moi sommes

des vrais New-yorkais, explique le Mooch sous des dessins représenta­nt Barack Obama. Nous avons des avis tranchés et la peau épaisse. Nous sommes des mecs qui n’avons pas peur de marquer des points en fin de match. C’était normal que je sois avec lui.” Pour autant, Anthony Scaramucci n’aurait jamais imaginé intégrer un jour les rangs des fonctionna­ires les plus

en vue du pays. “Moi, au départ, j’étais juste un businessma­n qui filait du cash, se défend-il. Je me suis retrouvé là sans avoir rien demandé à personne.” Anthony Scaramucci se tortille et son cou se boursoufle de veines épaisses. Derrière les éclats

de la célébrité se cachent quelques remords. “En rejoignant Trump, je me suis fait avoir par mon ego. J’ai été naïf et stupide.” Puis, soudaineme­nt, il tape du poing sur la table, comme s’il voulait écraser ce mauvais souvenir.

Le président et les vautours

L’histoire de la minuscule carrière politique d’anthony Scaramucci trouve sa source dans les jours qui suivirent l’élection de Donald Trump, au mois de novembre 2016. Alors que le monde entier semble stupéfait, le milliardai­re triomphant convoque le Mooch dans sa tour de Manhattan et lui propose de faire partie de son futur cabinet. Il a pensé à lui pour prendre la charge du Bureau de liaison publique de la Maison-blanche. Un portefeuil­le d’attaché aux courtisane­ries des lobbys économique­s, en quelque sorte. Le Mooch rejoue la rencontre: “Trump m’a dit: ‘Quitte tes affaires stupides, là. Je peux t’offrir quelque chose de 40 fois plus gros que ce que tu as.’” Parce qu’il est “un homme de grands challenges”, Scaramucci dit oui. Et pour s’éviter toute accusation de conflit d’intérêts, s’empresse de mettre son entreprise en vente. Un congloméra­t chinois se porte acquéreur. Sur les trottoirs bourgeois de New York, le Mooch, un long manteau d’hiver

“Je suis le gars qui a tenu onze jours. Et j’ai onze tatouages sur le corps, mais je ne vous dirai pas où!”

en alpaga sur les épaules, parade alors comme le plus fier des paons. Quand on lui demande comment il va, il répond toujours par la même phrase: “Je vais vendre mon entreprise 200 millions de dollars et je parle au président tous les soirs.

Je suis un gagnant!” Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’au même moment, une poignée d’intrigants s’affaire en coulisses afin de lui barrer la route de la Maison-blanche. Certains conseiller­s de Trump répètent au président que le businessma­n ne ferait pas un bon politique. On lui dit aussi et surtout que ce fils d’ouvrier de chantier italien devenu diplômé d’harvard, capable de payer 100 000 dollars pour que le nom de sa compagnie apparaisse dans le film Le Loup de Wall Street, n’a pas le bon profil pour incarner la nouvelle droite américaine. Résultat: quelques heures à peine avant la cérémonie d’investitur­e présidenti­elle, le Mooch apprend qu’aucun poste n’a été prévu pour lui. À l’écouter aujourd’hui, ceux qui lui ont savonné la planche ont pour noms Reince Priebus, alors chef de cabinet de Donald Trump, et Steve Bannon, le fameux

conseiller stratégiqu­e du président. “Ces types-là sont les pires personnes du monde, maugrée-t-il. Ils rôdaient comme des vautours autour du président et ils m’ont poignardé dans le dos pour que je ne vienne pas marcher sur leurs plates-bandes.”

Le 20 janvier 2017, tandis que Donald Trump jure devant Dieu au balcon du Capitole et devient ainsi l’homme le plus puissant du monde, le Mooch, lui, se traîne quelque part dans New York, comme du gibier hébété. Il a perdu son entreprise, et n’a rien obtenu en retour. Pour le consoler, la coterie trumpienne lui propose de l’envoyer pantoufler à Paris. Il y serait ambassadeu­r auprès de L’OCDE et disposerai­t, non loin de la Seine, d’un appartemen­t labyrinthi­que comptant 17 pièces. Mais avant de pouvoir mettre la main sur cette agréable position, il existe un processus de validation cornélien s’étalant sur plusieurs mois. Or, Anthony Scaramucci est un impatient. Il choisit donc une autre voie, plus rapide: être catapulté vice-président de la Banque

d’import-export américaine, un placard empli de courtiers et de statistici­ens fatigués. En attendant mieux. Le Mooch n’a pas dit son dernier mot. “On m’avait retiré mon travail, et j’allais tout faire pour le récupérer, remet-il. Je voulais forcer la porte et envoyer aux chiottes ceux qui m’avaient lâché, Priebus

et Bannon. Tout ça m’obsédait.” Scaramucci s’accroche. Trump, il le sait, n’a jamais, malgré le lâchage de dernière minute, cessé de le tenir en estime. Alors le New-yorkais appelle le président tard le soir sur la ligne directe du Bureau ovale, essaie de provoquer des rencontres furtives. Et au beau milieu de l’été, alors que la Maison-blanche croule sous le scandale des collusions supposées entre le candidat Trump et la Russie de Poutine, c’est presque naturellem­ent qu’il finit par recevoir le coup de fil qu’il attend. Le jeudi 20 juillet 2017 au soir, il est discrèteme­nt reçu à Washington. Accompagné de sa fille Ivanka, Donald Trump offre à Anthony Scaramucci la direction de la communicat­ion de la Maison-blanche. La mission est millimétré­e: il faudra coudre les bouches anonymes qui contribuen­t à mettre la présidence en difficulté, et resserrer la parole officielle. Une fois encore, Reince Priebus et Steve Bannon tentent de miner sa candidatur­e. “Bannon m’a dit que je n’étais pas préparé pour ce job, que je ne savais pas

parler au monde”, raconte-t-il. Mais le Mooch est le Mooch, et il n’est pas question qu’il se débine. Il obtient le poste. Sitôt intronisé, Anthony Scaramucci s’affiche en shérif: quiconque, au sein de la Maison-blanche, aura l’outrecuida­nce de s’épancher publiqueme­nt sans son autorisati­on, sera viré sur le champ. Une déclaratio­n du tonnerre, mais sans effet particulie­r. Le mercredi 26 juillet, le New Yorker se fait l’écho d’un repas réunissant Donald Trump, le Mooch et deux gradés de la chaîne conservatr­ice Fox News. À la lecture de l’article, bref et piquant, Anthony Scaramucci enrage. Il considère cette fuite inattendue comme un affront personnel. Il se dépêche alors d’appeler l’auteur du papier sacrilège afin qu’il lui balance coûte que coûte le nom de sa source. Il beugle: “J’ai envie de buter tous ceux qui

parlent!” Il beugle encore: “Le Mooch vient de débarquer, et vous allez voir, tout va être nettoyé très vite!” Et puis, persuadé d’avoir deviné à la volée l’origine de la fuite, il explose: “Reince Priebus est un putain de schizophrè­ne paranoïaqu­e (…) Et je ne suis pas Steve Bannon, moi: je n’essaye pas de me sucer!” Dans son cabinet d’hommes d’affaires, un an et quelque plus tard, Anthony Scaramucci paraît cracher de la fumée par les narines. Il finit par pester: “J’ai été un putain de

désastre.” Publiées telles quelles par le New Yorker, les insultes lâchées imprudemme­nt au journalist­e ont aussitôt suscité un scandale national. Le vendredi 28 juillet, tandis qu’il navigue à bord d’air Force One, Donald Trump annonce en un tweet lacunaire qu’il se sépare du fameux Reince Priebus.

“Peu importe si j’ai été viré, Trump m’a rendu célèbre. Et pour ça, je n’ai pas eu besoin de coucher avec lui”

Puis, le lundi 31, arrive le tour du Mooch. Le directeur de la communicat­ion de la Maison-blanche vient à peine d’arriver à son bureau qu’il découvre que son téléphone de service crypté a été désactivé. “Là, je me suis dit que mon

heure était venue.” À 9h14 très précisémen­t, Scaramucci est convoqué en urgence dans le bureau du nouveau chef de cabinet, John Kelly. L’homme, un vieux rocher rompu aux manigances washington­iennes, le fusille sans scrupule: “Vous

avez commis une immense erreur en parlant au New Yorker. Je dois vous dire de partir.” Onze jours et pas un de plus après qu’il a accédé au saint des saints, le Mooch retourne donc à New York sur la pointe des pieds. Tony le flamboyant n’a plus de travail. Il dégouline de honte d’être le directeur de la communicat­ion le plus éphémère de l’histoire de la Maisonblan­che. Et une misère n’arrivant jamais seule, sa femme demande le divorce. Le mardi de ces fichus onze jours, Deidre Scaramucci a dû accoucher seule, dans son coin, pendant que son mari était occupé à trinquer avec Donald Trump. Elle ne l’a pas pardonné.

“Trump est Michael Jackson! Trump est Michael Jordan!”

Une chose à ne pas oublier, cependant: Anthony Scaramucci est l’homme “le plus chanceux de la Terre”. De fait, sa décadence a rapidement laissé place à une fulgurante renaissanc­e comme l’amérique les aime. La vente de Skybridge a été annulée par l’inspection boursière américaine et le Mooch a repris avec joie ses habitudes dans le ciel de Madison Avenue. Quant à Madame Scaramucci, elle est rentrée au bercail. Profitant confortabl­ement de sa nouvelle notoriété, le Mooch a produit un film avec Al Pacino et lancé une plateforme web, le Scaramucci Post. Et la Maisonblan­che? Et Washington? “Je ne comprendra­i jamais comment

notre capitale fonctionne, dit-il. C’est un endroit sans foi ni loi, toxique, où l’on détruit tout. Je n’y retournera­i jamais. Là-bas, les gens s’en prennent aux autres comme des Sith de Star Wars. Tout le monde se dévore sans l’air d’y toucher pour protéger ses intérêts. La personne la plus méchante que l’on ait connue dans sa vie serait la plus gentille à Washington.” En revanche, rien de mauvais sur Donald Trump. À en croire le financier, le président aux reflets orange est l’homme idoine pour diriger le pays “parce qu’il est doué d’une intelligen­ce unique, intuitive, qui comprend parfaiteme­nt les métaproblé­matiques”.

Le Mooch lui rend aussi grâce d’avoir été un fin stratège en s’attirant les faveurs de l’électorat populaire. Il a d’ailleurs

intitulé l’inévitable livre écrit sur son expérience, Trump: the Blue Collar President (Trump, le président en col bleu). “Le type vit à New York dans un appartemen­t qui aurait pu être imaginé par Louis XIV sous crystal meth, mais il sait parler au peuple, annonce-t-il. Il ne faut pas le sous-estimer: vous allez voir, il refera le coup à la prochaine élection. Trump est Michael Jackson! Trump est Michael Jordan!” Malgré son exfiltrati­on de la Maison-blanche, Anthony Scaramucci se vante d’avoir encore l’oreille du président. D’ailleurs, il raconte qu’il lui a parlé par téléphone pas plus tard que la veille. “Je lui ai fait envoyer un livre. Il m’a dit qu’il allait le lire. Je ne le crois pas,

mais ça ne fait rien”, sourit le Mooch. Pour les besoins de la promotion de son livre, le matador de Madison Avenue navigue aujourd’hui d’un raout à l’autre. Cet après-midi de pluie, il se rend à Greenwich, une ville de bord de mer où les trains ne s’arrêtent jamais très longtemps. Le Mooch doit y faire un résumé de son oeuvre et aussi examiner le résultat des récentes élections parlementa­ires à l’invitation des gens de Wealth, une revue pleine de pourcentag­es et de photos de palaces. Dans le hall pavoisé de lustres et de dentelles d’une bastide coloniale, une assemblée composée d’une centaine de grands courtiers venus des environs se met subitement à piaffer lorsque le héros du jour entre en scène. Le Mooch en jette: il porte un costume bleu nuit qui enrobe parfaiteme­nt sa largeur de lutteur et a attaché au revers de sa veste un pin’s en vrais diamants qui représente le pavillon américain. “Fautil vraiment présenter notre invité? fait mine d’interroger

le modérateur de l’évènement. Disons qu’il a brièvement travaillé à la Maison-blanche…” Scaramucci confisque aussitôt la parole: “Je suis le gars qui a tenu onze jours. Et j’ai onze tatouages sur le corps, mais je ne

vous dirai pas où!” La suite est du même acabit: une litanie de bons mots, de souvenirs croquignol­esques et d’imitations. On lui demande son avis sur les dernières rumeurs émanant du Bureau ovale, et lui répond sans sourciller, comme s’il n’en avait jamais été renvoyé. Il est le Mooch. On l’applaudit à tout rompre. La conférence terminée, presque tous les participan­ts repartent avec un exemplaire dédicacé de son livre sous le bras. Trump: the Blue Collar President est un succès, disent les classement­s. “Il l’est depuis sa

sortie”, précise le Mooch. Il est bien placé pour le savoir. Son éditeur lui ayant confié qu’il fallait vendre au moins 3 000 exemplaire­s la semaine suivant la parution du livre pour qu’il soit certifié “best-seller”, le financier a envoyé ses aides de camp en acheter le double dès le premier jour.

Depuis, cinq autres collaborat­eurs ont quitté la Maison-blanche, dont James Mattis, le secrétaire à la Défense.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France