Society (France)

“Il y a des fois où l’on ne mange plus à la fin du mois”

- – GB

Steven, 27 ans sans emploi Flirey (Meurthe-et-moselle) “A ctuellemen­t, la vie n’est pas facile, comme pour tout le monde. J’habite en Meurthe-et-moselle. Je suis au chômage depuis sept ans. On ne peut pas payer toutes les factures tous les mois, on est obligés de les décaler. On a six enfants. La première a 7 ans, la dernière, 1 mois. On arrête là au niveau des enfants, je vous rassure. Ma femme est sans emploi elle aussi, elle s’occupe des enfants pendant que moi, je cherche. Je vais à Pôle emploi, dans les boîtes d’intérim. Je démarche. Mon pouvoir d’achat a diminué, bien sûr. À nous deux, avec ma femme, on a 1 600 euros par mois. Avec ça, il faut payer les factures et les courses. On va au Leclerc et chez Aldi. À l’époque, pour 50 euros, on avait un Caddie plein. Maintenant, on a un Caddie presque vide. Ce qui coûte le plus cher, c’est la viande. Il y a des mois où l’on ne mange plus à la fin du mois pour leur laisser, aux petits. Pendant plusieurs jours, jusqu’à ce qu’on retouche des sous pour refaire des courses. On va manger un petit gâteau, une connerie, mais c’est tout.

Les restaurant­s, les sorties avec les enfants, on ne peut plus les faire. La piscine, on ne peut plus. Le cinéma, on ne fait plus. Le restaurant, non plus. On fait jouer les enfants dans la maison, on va se promener dans le village. On fait tout ce qui est un peu gratuit autour de chez nous. Aller se balader dans un parc, ça va encore, mais on se demande bien si un jour ça ne va pas devenir payant de mettre les pieds dans la rue. Je n’espère pas. Sinon, je creuse mon trou tout de suite. J’ai une voiture. Une Picasso. Elle n’a que cinq places, et je ne peux pas m’en acheter une autre parce qu’on n’a pas les moyens. Il faut la prendre pour amener les enfants à l’école, faire les courses. L’école est à quatre kilomètres, les magasins les plus proches sont à onze kilomètres. Il faut mettre de l’essence. Ça va, on a le Luxembourg pas loin, donc on y va. Le gasoil est carrément moins cher là-haut, on fait des économies là-dessus. On reste tout le temps à la maison, on ne voit plus personne. À part quand on fait des courses, là on voit des gens. Mais c’est tout. Ce n’est plus la vie que j’ai connue quand j’étais enfant. Les gens étaient plus agréables avant. Maintenant, on est tous renfermés. On se dit qu’on ne va pas sortir parce qu’il faut faire attention avec l’essence de la voiture au cas où il faut amener les enfants chez le médecin ou quoi. Mais à part le ménage, on ne fait rien chez nous. On se met sur Facebook, mais pour moi, c’est pas un loisir. C’est mieux de discuter avec les gens en face-à-face.

Je ne peux pas partir en vacances. Les dernières que j’ai passées, c’était avec mes parents quand j’étais enfant, il y a quelques années en arrière. Je suis allé sur l’île d’oléron, en Ardèche, plein de petits coins comme ça. J’aimerais bien amener mes enfants en vacances, mais il faut le pouvoir.

La recherche d’emploi, c’est toujours la même réponse: ‘Pas les moyens pour embaucher.’

Je recherche dans les espaces verts, tout ce qui est mairie, pour faire l’entretien des jardins. Je prends tout ce qui est bon à prendre. J’ai été optimiste pendant longtemps, maintenant je commence à en avoir marre. Ça ne sert plus à rien de chercher si c’est des refus à chaque fois.

Bien sûr qu’on est pauvres. Avant, je ne voulais pas trop dire qu’on ne mangeait pas, parce que je me disais: ‘Les gens, qu’est-ce qu’ils vont penser de nous?’ Maintenant, comme j’ai dit à ma compagne, je m’en fous. J’assume complèteme­nt. Il n’y a pas de honte à avoir. On se sent tous pauvres.”

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