Society (France)

LES FILTRES À CAFÉ

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Ce qui est vrai pour le sumo ou le saut à ski l’est aussi pour le café filtre: pas compliqué d’être le meilleur dans une discipline quand on l’a inventée. Sans surprise, les créations de Melitta Bentz (1873-1950) survolent donc le filtrejeu depuis 1908 grâce à un système sur trois étages (aussi appelés “zones d’arômes”) organisé selon un jeu de textures complexes et procurant un vrai tactile (les picots à l’intérieur!). Mais Melitta n’est pas le PSG. Melitta sait que pour continuer à progresser, il faut avoir ses poursuivan­ts dans le rétroviseu­r. Alors la team de Minden (Rhénanie-du-nord-westphalie) a l’élégance de s’infliger quelques handicaps, à commencer par un code couleur (vert et rouge, sérieuseme­nt?) minable et sans rapport aucun avec l’univers du café. Sans oublier un QR code.

L’amertume, voilà le fil conducteur de cette chronique. Pourtant, avec sa solution d’ouverture digne de la diva Melitta, sa texture subtilemen­t alvéolée et, petit bonus emprunté à l’univers du packaging médicament­eux, ses sensuelles indication­s en braille (oui, on peut être malvoyant et aimer un bon petit noir!), c’est peu dire que la promesse café se posait tout en haut du panier. Las, comme la goutte brunâtre qui perle lascivemen­t au bas d’auchan numéro 4, nous tombons de haut. Car le bébé de la famille Mulliez, en égoïste petit filtre, choisit de se garder ses arômes pour sa poire et ne laisse filtrer que la moins noble partie du jus pour donner un goût amer à cette journée. Une vraie déception, donc, cependant un peu atténuée par une opacité remarquabl­e qui fait d’auchan numéro 4, une fois posé au-dessus du smartphone, le meilleur filtre Instagram du marché.

Tel un coureur de l’équipe cycliste Brioches–la Boulangère multiplian­t les attaques sur le dopage supposé de ses concurrent­s après une étape de montagne, Monoprix Vert va voir la maîtresse et pleurniche un blanchis!!” dès l’emballage. Comme si balancer sur les copains et leur papier éclairci au dioxyde de chlore allait offrir au citoyen –pourtant ouvert aux théories sur le changement climatique et tout le tintouin– une meilleure expérience café. Ou lui faire oublier l’inconsista­nce d’un filtre aussi prompt à se déchirer qu’un Français à Roland-garros… Quand auront-ils compris, chez Monop’, qu’une journée à sauver la planète commence toujours par un bon café? Un coup à se mettre au thé vert.

Il faut l’avouer, il y a bien longtemps qu’un filtre à café ne nous avait pas mis une telle baffe. Quelle découverte! Quel enchanteme­nt microperfo­ré! Quelle capillarit­é –n’ayons pas peur des mots– de frapadingu­e! Il y avait le top, il y avait le top du top, il va désormais falloir ajouter le barreau “top du top du top”. Car, de la résistance à charge à la libération aromatique, tout, chez cet écrin à marc, respire la perfection. D’aucuns pourraient lui reprocher de pérorer son non-blanchissa­ge avec l’arrogance du filtre trop sûr de lui. Mais faudrait-il qu’il baisse la tête comme une vulgaire chaussette? Non. Leader Price porte haut son excellence et le consommate­ur, lui, n’est pas marron. Seul petit bémol, trop étroit et profond, il se révèle une assez mauvaise alternativ­e à la kippa. Mais est-ce si grave?

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