Society (France)

Thomas VDB

Pourquoi ne prend-il plus l’avion? Pourquoi n’aime-t-il pas la mode? Pourquoi n’est-il plus journalist­e? Comédien et chroniqueu­r, aussi drôle à la radio qu’à la télé, Thomas VDB répond ici à toutes ces questions.

- PAR SYLVAIN GOUVERNEUR ET VINCENT RIOU PHOTOS: THOMAS CHÉNÉ POUR SOCIETY

Pourquoi ne prend-il plus l’avion? Pourquoi n’aime-t-il pas la mode? Pourquoi n’est-il plus journalist­e? Comédien et chroniqueu­r, aussi drôle à la radio qu’à la télé, Thomas VDB passe à confesse.

Quand on a été journalist­e et que l’on devient l’interviewé, on sort des entretiens en donnant des notes aux journalist­es? Ma joie de ne plus être celui qui pose les questions, c’est que quand le magnéto s’arrête, j’ai fini de travailler. Je sais que plus ma phrase va être longue, plus ça fera du travail pour vous, donc je compatis énormément. Parfois, je me retiens de ne pas être trop logorrhéiq­ue.

Quand les interviews sortent, tu as parfois des mauvaises surprises? C’est arrivé, oui. Il y a un paquet d’années, j’en ai donné une à une journalist­e de Télé 7 Jours. Elle l’a fait en prenant des notes, avec une écriture de médecin, et je lui demande si elle va arriver à se relire. ‘Ouais, t’inquiète, j’ai l’habitude!’ Et puis, on parle des comiques que j’aime, je cite des mecs du théâtre de rue, pas connus, qui m’ont donné envie de faire ce métier, notamment Fred Tousch, que j’adore. Finalement, j’apprends que l’article passera deux ou trois mois plus tard. Et deux ou trois mois plus tard, les comiques qui me plaisaient, c’étaient devenus ‘les comiques de la French Touch’.

C’est qui Fred Tousch? Les gens qui suivaient la bande d’édouard Baer le connaissen­t bien, il est dans tous ses spectacles depuis une bonne dizaine d’années. Il était déjà dans Le Grand Mezze avec Rolin, il joue le prof de chimie dans Les Profs, il a été clown avec les Bérus… Moi, je l’ai découvert en 96 au festival d’aurillac, on est tombés sur son spectacle avec un pote, on est restés quatre jours, on l’a vu quatre fois. J’ai dit: ‘C’est ça que je veux faire.’ Ça s’appelait Fred et Pierre Claude, avec un guitariste, c’était un univers de chansons sincères, avec un côté second degré pince-sans-rire que tu peux voir parfois aujourd’hui, mais qui était très original à l’époque. Moi, à ce moment-là, je pensais que les mecs les plus drôles de France, c’était De Funès ou Desproges.

Initialeme­nt, tu as fait une formation classique. Le conservato­ire, à Tours. Oui. L’été où j’ai été admis, c’est celui où je suis allé à Aurillac. Mais j’ai arrêté avant la fin de la deuxième année, niveau deug, on va dire. Le théâtre m’intéressai­t, j’adorais ma prof, elle était géniale, mais je comprenais un tiers de ce qu’elle me disait. Elle me donnait des consignes comme ‘Quand tu arrives, il faut que tu sois du coton’. Et moi, je me demandais: ‘C’est une caméra cachée ou quoi?’ Je m’entendais superbien avec tous les gens du conservato­ire, mais c’est quand j’ai arrêté pour faire du théâtre de rue et du café-théâtre que j’ai su ce que j’avais envie de faire. Il y a moins d’étapes, de protocoles, de codes.

Aujourd’hui, quand tu entends des comédiens parler de leurs rôles, de leurs techniques, de leurs manières d’habiter les personnage­s, ça te fait marrer? J’ai l’impression qu’on entend moins des discours d’acteeeuuur à la télé qu’avant, mais bon, il y en a qui m’énervent, à qui j’ai envie de mettre des claques. Je ne vais pas vous dire qui, mais on a tous des gens à qui on a envie d’en mettre, des claques.

T’étais du genre à en mettre dans la cour de récré? Ah non, moi, je suis anticonfli­ctuel. Un de mes talents dans la vie, je pense, c’est d’arriver à transforme­r une ambiance de merde dans un groupe de gens en moment drôle. En fait, ce sont des situations que j’adore, et c’est là où je suis le plus marrant. Quand des gens dans ma bande de potes s’engueulent, je suis le médiateur, le ‘rabibocheu­r’. Ça vient probableme­nt du fait que j’ai deux grands frères et une petite soeur. J’étais le comique de la famille, et puis j’ai ensuite découvert que j’avais envie d’être le comique d’autre chose.

Tes parents, ils sont drôles? Mon père oui, parce qu’il est légèrement dyslexique, donc quand il s’énerve et qu’il embrouille les syllabes, c’est à crever de rire. Sinon, on rigolait à table et tout, mais c’était moi le petit couillon qui racontait les blagues de Toto. On avait la cassette des histoires de Coluche, qui parlaient de bite, de sperme, de putes. Je les écoutais à un volume sonore honteux. À 10 ans. Quand des gens débarquaie­nt, ma mère me disait: ‘Ne mets pas ça à fond.’ En fait, quand je remonte aux origines de tout, du débile en moi, je crois que ça vient de L’histoire d’un mec, de Coluche. Pour moi, c’est le sketch fondateur, mythique, ce mec qui essaie de raconter une histoire et qui n’y arrive pas.

Ils faisaient quoi, tes parents? Ma mère était femme au foyer et mon père artisan, il était son propre patron. Il faisait du terreau, de l’engrais, de la terre de bruyère. C’était complèteme­nt naturel. Je viens de réaliser que mon père était un ancêtre du bio, alors que ce n’était pas à la mode. Chez les Vandenberg­he, il y a un truc qui fait qu’on est compris 20 ans plus tard, les gens se disent: ‘Putain, mais c’était un génie!’ T’es né à Abbeville. T’es Picard? Non, j’y suis né mais j’ai toujours vécu à 30 bornes, à Eu, en Seine-maritime, au bord de la mer, Eu–le Tréport–mers. Il faut aimer le vent et les briques rouges, c’est le pré-nord. J’ai commencé à y retourner longtemps après avoir déménagé en Touraine, et la beauté du coin, j’ai mis du temps avant de la voir. J’y ai passé quelques jours récemment et j’ai même pris une photo de mon fils devant la maison où j’ai grandi. Je l’ai envoyée aux parents, ils ne m’ont même pas répondu. Tout le monde s’en cogne. Moi, je suis hypernosta­lgique. À Paris, j’ai habité rue

de Montreuil pendant dix ans, et chaque fois que je repasse devant, je regarde, rêveur: ‘Oh là là, c’était ma vie.’ C’est complèteme­nt con, mais bon.

Un petit côté réac? C’était mieux avant? Ah non, non, pas réac. Je pense que je le suis sur d’autres choses. Sur la chanson française et sur la mode, là, j’ai des colères déplacées, il y a vraiment des trucs qui m’énervent. L’utilisatio­n systématiq­ue du ukulélé, par exemple. À un moment…

C’est ce que l’on appelle la mode, justement. C’est très puéril de dire ça, je le sais, mais la mode, je ne comprends pas. Pourquoi il y a autant de défilés? Pourquoi on continue à fabriquer autant d’habits? Moi, ma mère, elle m’a toujours habillé avec des trucs de récup’. À l’école, on s’est beaucoup foutu de moi à cause de mes vêtements. Je n’étais pas le vilain petit canard, mais les gens voyaient une différence entre leur pantalon et le mien. Du coup, je disais: ‘Bah quoi, c’est un pantalon, vous êtes cons les mecs?’ Peutêtre que ça vient de là, mon problème avec la sape.

T’as rendu un bel hommage à Karl Lagerfeld sur Twitter pour sa mort: ‘Merci Karl Lagerfeld pour tous ces très très beaux habits (pulls, pantalons, etc.) RIP.’ Je ne doute pas qu’il y ait des gens qui adoraient ce qu’il faisait, mais j’aimerais réellement savoir, parmi tous ceux qui lui ont rendu un hommage ému, la proportion de ceux qui peuvent me dire concrèteme­nt pourquoi. Quel est son héritage? Qu’est-ce qu’il a fait, en fait? Je sais qu’il a fait des habits, des pulls, des chemises, mais estce que c’est grâce à lui qu’on s’est remis à mettre les mains sur les hanches, ou le pull sur les épaules? Qu’est-ce qu’il a inventé? Et les Sparks, un de tes groupes préférés, qu’est-ce qu’ils ont inventé, eux? Bah, la musique des Sparks! T’as pris le mauvais exemple! Moi, j’aime la musique, mais je préfère les Sparks. Les Sparks, c’est plus musical que la musique en général. Pour revenir à la mode, je peux parfois reconnaîtr­e que des habits sont très beaux, hein. Mais je ne comprends pas qu’on ait besoin de faire une Fashion Week tous les ans.

Plusieurs fois par an. plusieurs fois? En fait, ce n’est même pas contre la mode que j’en ai, c’est contre la consommati­on. Ça n’a pas de sens. Peut-être que c’est une utopie mais le seul truc auquel je crois, c’est la décroissan­ce.

Tu ne prends pas l’avion? Non, je ne le prends plus. En fait, je suis tellement flippé que je me suis posé la question de savoir si c’était plus écolo d’écouter de la musique en streaming ou de collection­ner les vinyles. La bouffe, j’achète local. Je n’ai pas le permis, pas de voiture, je ne prends que les transports en commun. Je ne veux plus aller loin. Quand un pote me dit: ‘Je vais aux Maldives pendant deux semaines, trop génial’, je suis là: ‘Mais est-ce que tu connais les Pyrénées, déjà?’ Est-ce que t’as besoin d’aller aux Maldives pour te poser, putain? Ça me fait halluciner… Après, ça fait hypervite donneur de leçon, et j’ai horreur des gens qui donnent l’impression d’être certains d’avoir raison. Je donne mon avis, mais je ne suis sûr de rien. En fait, je ne rêve que d’une chose, c’est de me planter, que ce soient les climatosce­ptiques qui aient raison.

Du coup, si tu ne voyages pas, tu le dépenses comment ton argent? N’importe comment! Par exemple, un jour, je me suis rendu compte que ma serrure trois points merdait au point que si je la claquais en partant, je ne la rouvrirais jamais. Or, j’avais un rendez-vous très important, donc j’ai appelé un serrurier en urgence, qui m’a dit: ‘Ouais, ça va coûter 4 500 euros.’ Je trouvais ça cher, mais j’ai dit OK. Qui connaît le prix des serrures dans la vie?

Le serrurier, ce coup-là, il le réussit en général avec des gens de plus de 85 ans… Ah ouais, mais moi, c’est écrit sur ma gueule je pense, ou à ma façon de dire ‘Bonjour’. L’artisan, il se dit: ‘Tiens, c’est un couillon, lui, je vais rajouter un zéro.’ C’est sûr, j’ai que des plans comme ça. Évidemment, quand le mec m’a dit le prix, j’ai trouvé ça exorbitant, mais je n’avais aucune raison de croire qu’il m’escroquait. Il fait le prix, il fait le prix, quoi. Je me fais couillonne­r assez facilement. L’argent, je le donne sans trop calculer, à n’importe qui.

T’as été critique rock, journalist­e, rédac chef de Rock Sound. À quel moment tu as décidé de lâcher cette vie? Quand je suis arrivé à Paris en 1998, ça me faisait fantasmer de travailler pour un magazine de musique. D’ailleurs, je suis en train de raconter tout ça dans un livre. On était dans un petit bureau sur les Grands Boulevards, c’était le rêve qui devenait réalité. Mais ensuite, on a été rachetés deux fois, on a déménagé dans un immeuble sur lequel il y avait écrit, en gros, ‘Fiducial’. Je ne sais même pas ce que ça veut dire, je ne veux même pas le savoir, ça ne m’intéresse pas, mais c’est le pire immeuble d’île-de-france. Dès lors qu’on nous a annoncé: ‘Voilà vos nouveaux bureaux’, je me suis dit: ‘Faut que je me barre dès que je peux, j’ai envie de faire des spectacles.’

Ça s’est fait rapidement? Après le premier rachat, il y a eu une soirée organisée par le repreneur sur une péniche, à Paris. Je suis alors rédac chef, donc j’y vais, le boss fait son speech, et je sais pas, bourré ou quoi, je monte sur scène à la fin de son discours, je prends le micro et je commence à chanter une chanson pour la fusion, genre: ‘On s’en fout complèteme­nt mais ce soir on est contents!’ Tout le monde rigole. Les nouveaux boss se disent: ‘Putain, on a un mec qui a la pêche, là.’ Une semaine après, je suis dans leur bureau et ils me proposent de devenir éditeur délégué. Là, moi qui veux devenir comédien, je me dis que je vais poser des conditions, et je lâche: ‘OK, si vous me remboursez la moitié de ma note de téléphone’, genre c’est à prendre ou à laisser. Je ne sais pas pourquoi. C’est comme pour les 4 500 euros de la serrure. L’argent, je ne comprends pas trop. Je pensais qu’ils allaient me dire: ‘Casse-toi avec tes prétention­s.’ Mais ils m’ont répondu: ‘Pourquoi que la moitié?’ Moi: ‘Parce que je passe des coups de fil persos, quand même’, genre: ‘Mais ça ne te semble pas évident de ne pas payer mes coups de fil persos? Vous êtes tous des arnaqueurs à faire payer la boîte pour vos communicat­ions personnell­es ou quoi?’

“MOI, JE SUIS ANTICONFLI­CTUEL. UN DE MES TALENTS DANS LA VIE, C’EST D’ARRIVER À TRANSFORME­R UNE AMBIANCE DE MERDE EN MOMENT DRÔLE. C’EST LÀ QUE JE SUIS LE PLUS MARRANT”

Ils m’ont dit oui et j’ai signé. Je suis sorti du bureau en pensant: ‘Mais qu’est-ce que je viens de faire?’ Dans la foulée, un des mecs à qui j’avais dit oui me demande de monter le voir dans son bureau. ‘Alors Thomas, il faut qu’on parle du grammage du papier…’ Une heure après, j’étais dans les chiottes avec un cutter à vouloir me tailler les veines. (il mime la scène)

T’as essayé de te faire virer? Non, six mois plus tard, j’étais parti, il y avait une charrette prévue, ils étaient ravis de me mettre dedans. Ces rachats et l’administra­tif, ça a eu raison de ma passion pour la musique, ça devenait une routine. Et puis, pouvoir aller voir tous les concerts, tous les soirs, devoir choisir quoi aller voir… En fait, l’opulence nuit à l’appréciati­on qu’on peut avoir. Avant, je m’endormais devant un film à la télé. Maintenant, je m’endors devant le menu de Netflix. Il est 23h, ça fait 45 minutes que je déroule le truc, et je me dis: ‘Allez, je vais me coucher.’ Je me sens comme une poule devant un couteau. Il n’y a jamais eu autant de choix et je n’ai jamais vu aussi peu de trucs. C’était pareil avec les CD, les concerts. L’abondance de l’offre, la gratuité, ça a nui à mon envie, à ma passion.

Tu as quand même de bons souvenirs de ce métier de journalist­e? Je ne me voyais pas comme un journalist­e. J’avais ma carte de presse parce qu’on me donnait un salaire qui me permettait de l’avoir mais moi, ce que j’aimais, c’était écouter des disques. J’écrivais mais je ne voyais pas pourquoi cette carte de presse me donnait les mêmes avantages fiscaux que Philippe Rochot ou Florence Aubenas. Eux, ils sont dans une geôle au Liban ou en Irak et toi, t’es en train de faire ton petit truc, là, à te retrouver face à des mecs dont t’es fan et faire semblant d’être cool devant eux.

Tu parlais du fait qu’enfant, tu étais le rigolo de la famille. Aujourd’hui, tes spectacles font-ils marrer tes parents? Ma mère, il y a des trucs qui lui plaisent, d’autres moins. Elle est très cash –‘Ouais, c’était pas brillant, hein.’ Parfois, j’ai vraiment envie de lui raccrocher au nez. Un jour, mes parents sont venus voir mon spectacle Thomas VDB chante Daft Punk. J’avais créé un perso arrogant et sûr de lui. Il imaginait qu’il allait tout péter dans la French touch, qu’il allait avoir des groupies qui attendraie­nt dans la loge, et au milieu j’avais une séquence outrancièr­e, qui faisait: ‘Et je te le dis direct, je sors ma bite et j’envoie tout, bam! Et toi, t’as pas de sperme? Et je t’en mets dans la gueule.’ Une grenade au milieu du spectacle, la moitié des gens outrés, les autres morts de rire. Mes parents venant, j’hésite à enlever ce passage, mais je le joue normalemen­t, et ça passe crème, aucune remarque. Puis une semaine après, le lendemain d’une chronique sur Inter, j’ai ma mère au téléphone. Je demande: ‘C’était bien?’ Et j’entends mon père derrière (il l’imite, voix grave et rocailleus­e): ‘Y avait pas de cul’, et ma mère confirme: ‘Ah oui, parce que avec papa, qu’est-ce qu’on n’aime pas t’entendre dire que t’envoie du sperme, et que t’en reveux…’ Ma mère, au téléphone, qui re-verbalise tout mon sketch… Ohhhhhh! C’est l’avis le plus dur que j’aie eu à entendre.

On était à Montreux quand tu as joué un extrait de ce spectacle, on était trois à rire. Les Suisses étaient effarés. N’hésitons pas à le dire: une cata. Un four. Je n’en garde pas un super souvenir, ouais. Après, je me suis rendu compte que ce n’était typiquemen­t pas un spectacle pour une salle de 2 000 personnes avec des shows de lumière. Ça marche au Point-virgule,

“JE SUIS TELLEMENT FLIPPÉ PAR L’ÉCOLOGIE QUE JE ME SUIS POSÉ LA QUESTION DE SAVOIR SI C’ÉTAIT PLUS ÉCOLO D’ÉCOUTER DE LA MUSIQUE EN STREAMING OU DE COLLECTION­NER LES VINYLES. LA BOUFFE, J’ACHÈTE LOCAL. ET JE NE PRENDS PLUS DU TOUT L’AVION”

à L’européen. Là, dans une grande salle classe, il y a un décalage qui manque. Quand t’es sur scène, il faut que tu sois en confiance totale.

Cette confiance, c’est inné ou ça vient avec l’expérience? Ce métier est complèteme­nt basé sur la confiance en soi, tu ne peux pas faire sans. Moi, je l’avais perdue après mon deuxième spectacle, Presque célèbre. Il me faisait beaucoup marrer, les gens dans la salle aussi, mais ça n’a pas décollé, je l’ai arrêté au bout de six mois. J’ai mis du temps à comprendre pourquoi: parce que je ne parlais que de moi, je ne racontais que des situations dans lesquelles je m’étais tapé la honte. Genre, un jour où je fais une séance de dédicaces avec Gad Elmaleh, je suis à ma table, lui à la sienne, et dans ma file, je vois que tous les gens sont de dos. En fait, c’était la fin de la queue pour Gad Elmaleh. C’était il y a sept, huit ans. Je ne racontais que des moments de honte en tant qu’artiste. Alors, ça faisait marrer les gens, mais ça ne leur reste pas. Tu ne les transforme­s pas en racontant ça, il manque l’universali­té. Même quand tu parles de toi, il faut parler d’eux.

Tu aurais peut-être dû préciser à ta table de dédicaces qu’au moins tes blagues étaient de toi. Parce que Gad Elmaleh s’est fait choper en train de pomper des sketchs d’autres humoristes. Ce qui est aussi arrivé à d’autres comédiens. Ça t’inspire quoi, ces histoires? Tout ce que je peux dire c’est que quand les vidéos sont sorties, je n’aurais pas aimé être Gad Elmaleh. Pareil pour Tomer Sisley. Moi, l’été dernier, j’ai fait un tweet du genre: ‘On a retrouvé un caillou de 40 millions d’années et trois mois parce qu’en fait, je viens de voir la nouvelle, mais elle date de début mars’, et un mec m’a répondu qu’il y a une blague sur un guide de musée qui dit qu’un dinosaure est vieux de dix millions d’années et six mois parce que ça fait six mois qu’il bosse là. C’est la même blague, mais la vérité, c’est que je ne l’avais jamais entendue.

Aujourd’hui, on t’entend à la radio dans l’émission Par Jupiter! sur France Inter, et on te voit à la télé dans Quotidien. Tu prends du plaisir dans cet exercice de chroniqueu­r? Depuis que je suis à Quotidien, je me rends compte que c’est plus difficile d’écrire pour un plateau télé, tu ne connais pas les lancements, les changement­s de plan, les plans de coupe… Ça fragilise tout. Tu peux faire ce que tu estimes être une très bonne vanne les yeux fermés, en confiance totale, mais au moment où ta blague tombe, ils vont faire un plan sur Mathieu Kassovitz qui se gratte la joue et s’emmerde, donc les téléspecta­teurs ne vont pas se dire ‘Elle est bonne sa vanne’, mais: ‘Ça fait pas marrer Mathieu Kassovitz.’ Et puis c’est hyper risqué d’être chroniqueu­r dans ces émissions-là. C’est à double tranchant. Si tu fais une blague qui tombe à côté, il faut avoir un immense ego ou s’en foutre pour aller voir ton compte Twitter après, se faire insulter… Moi, j’y vais, je m’attends très bien à ne pas faire rire tout le monde, je trouve ça même sain d’avoir des gens qui me détestent. Je ne me laisse plus affecter par ça.

Sur France Inter, tu avais fait une chronique sur la déclaratio­n d’impôts. Tu te places comment en tant que citoyen sur le fait d’en payer? Je n’ai aucun problème avec le fait de payer des impôts. Mais franchemen­t, le fait qu’apple n’en paie pas en France… Je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas en prison, je ne comprends pas que les Apple Store soient toujours ouverts. Alors, on va me dire: ‘Ouiiiii, mais ils ont le droit de monter des boîtes offshore’ et tout ça. Oui, c’est légal, mais la légalité, c’est vraiment de la merde. Les pourriture­s, ce sont les fiscaliste­s qui vont voir tous les gens riches pour les aider –‘On va vous dire comment faire…’ Je ne comprends pas pourquoi ils ne sont pas en prison. En fait, quand je pense aux impôts, je suis juste outré par le déséquilib­re qu’il y a. Un milliardai­re qui ne paie pas ses impôts en France, on laisse couler parce que sinon il va mettre des gens au chômage. Donc la colère des Gilets jaunes, je la comprends. Enfin, je comprends aussi les gens qui détestent les Gilets jaunes à cause de l’antisémiti­sme, par exemple. En revanche, qu’on ne soit pas contre Macron, ça je ne comprends pas.

Tu penses quoi de sa récente opération maraude auprès des SDF, avec une photograph­e officielle? Je n’ai eu qu’une pensée, c’est pour le SDF qui a été réveillé en pleine nuit par Macron en jean, pour faire mec normal, et qui lui file un potage (il mime un mec qui voit le diable). En vrai, Macron, je le déteste pas du tout, je ne comprends juste pas comment il réfléchit. J’ai envie qu’il réussisse, il n’y a aucun président que j’ai envie de voir se planter, mais je ne comprends pas qu’il croie vraiment régler les problèmes comme ça. C’est pour ça que j’aimerais passer une heure avec lui: pour comprendre.

Tu fais partie de ces gens qui aiment discuter avec ceux qui n’ont pas les mêmes idées qu’eux? Oui, ce sont les gens les plus intéressan­ts. En fait, j’avoue très facilement avoir tort. Je pense que le cancer du monde, ce sont ces personnes qui aiment avoir raison, qui finissent leur argumentai­re en disant ‘Et bim!’ Il y a de moins en moins de gens qui disent tout simplement: ‘Bah ouais, je me suis gouré(e), j’ai dit de la merde, pardon’, alors qu’en fait on passe notre temps à en dire, de la merde.

Il y avait une culture politique, chez toi? Mes parents votaient Chirac à fond. En 95, je venais de voter pour la présidenti­elle. J’en discute avec mon meilleur pote, avec qui je faisais de la musique. Il me dit: ‘J’ai voté Jospin, et toi? –Bah, j’ai voté Chirac! – Quoi??? –Bah quoi, c’est pas ça qu’il fallait voter?’ En fait, je n’avais pas réfléchi du tout, j’avais fait comme mes parents. Ma culture politique, elle a commencé tard, elle est toujours en train de se faire.

Toi qui ne cache pas que tu fumes des pétards, t’as déjà défilé pour la légalisati­on? Je suis blanc, donc c’est légal! J’ai honte d’être dans un pays où j’en n’ai rien à foutre de fumer dans la rue, même devant un flic, alors que si j’étais arabe, ce serait prison direct. Après, je me suis aussi déjà fait contrôler, hein. J’ai beaucoup, beaucoup d’histoires de douanes. De nombreux douaniers suisses ont vu mon anus (il prononce sans le S). Bon, les mecs, au plaisir, merci d’être venus, hein.

“JE DÉPENSE MON ARGENT N’IMPORTE COMMENT. UN JOUR, MA SERRURE MERDAIT. J’AI APPELÉ LE SERRURIER EN URGENCE, QUI M’A DIT: ‘OUAIS, ÇA VA COÛTER 4 500 EUROS.’ JE TROUVAIS ÇA CHER, MAIS J’AI DIT OK. QUI CONNAÎT LE PRIX DES SERRURES DANS LA VIE?”

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 ??  ?? Bientôt à l’affiche, Thomas VDB chante Stephanie Blake.
Bientôt à l’affiche, Thomas VDB chante Stephanie Blake.
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En pleine démonstrat­ion de force d’anti-conflit.
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Visiblemen­t, c’est plus écolo de collection­ner les vinyles.

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