Society (France)

ISMAËL EMELIEN

L’ANCIEN CONSEILLER SPÉCIAL DE SON MACRON FAIT MEA-CULPA

- PROPOS RECUEILLIS PAR EMMANUELLE ANDREANI ET ANTHONY MANSUY PHOTOS: JULIEN MIGNOT POUR

OFFICIELLE­MENT, ISMAËL EMELIEN, ANCIEN CONSEILLER SPÉCIAL D’EMMANUEL MACRON, ET DAVID AMIEL, ÉCONOMISTE, ÉGALEMENT EX-CONSEILLER DU PRÉSIDENT, ONT QUITTÉ LEURS FONCTIONS RESPECTIVE­S POUR DÉFENDRE AU MIEUX LE LIVRE QU’ILS VIENNENT DE PUBLIER. OFFICIEUSE­MENT, TOUT LE MONDE S’INTERROGE: L’OUVRAGE EN QUESTION, BAPTISÉ LE PROGRÈS NE TOMBE PAS DU CIEL, SORTE DE TENTATIVE DE DÉFINITION DU MACRONISME, VALAIT-IL UNE TELLE DÉCISION? ISMAËL EMELIEN ET DAVID AMIEL DÉFENDENT LE MORCEAU. ET LEUR VISION D’UN MONDE OPPOSANT PROGRESSIS­ME ET POPULISME.

Vous avez justifié votre départ de l’élysée en disant vouloir ‘promouvoir librement’ ce manifeste, plutôt théorique, sur le progressis­me. On a quand même un peu de mal à y croire... Ismaël Emelien: Ça, c’est un truc qui me rend dingue. On nous dit ‘non mais c’est impossible d’imaginer qu’étant là où vous étiez, vous puissiez faire le choix de partir sans rien, pour un bouquin’. Mais nous, c’est exactement ce pour quoi on s’est toujours battus! Moi, je n’ai jamais voulu être conseiller du président de la République. Ce n’était pas mon rêve quand j’étais petit. Je ne veux pas être élu. Ce truc, on y croit à bloc, on a le sentiment qu’il y a un potentiel qui a commencé à se réveiller au sein d’en marche! pendant la campagne et que l’on est au tout début de cette histoire. Et on veut contribuer à la faire partir dans la bonne direction.

Votre départ n’a donc rien à voir avec le risque de mise en examen qui pèse sur vous dans l’affaire Benalla? Ce ne serait pas incompréhe­nsible de vous voir quitter l’élysée pour protéger le président. IE: D’abord, je ne suis pas mis en examen. La seule question, c’est: est-ce que j’avais connaissan­ce ou pas de la provenance de la vidéo? La réponse est non. Si on vous offre à Noël une montre qui a été volée et que vous la portez, vous n’êtes coupable de rien si vous ne savez pas qu’elle a été volée.

Selon Le Monde, c’est bien vous qui avez fait diffuser, via un compte pro-macron sur Twitter, une vidéo trompeuse des événements du 1er mai 2018, jetant le discrédit sur les victimes des violences de Benalla. Pourquoi ne pas avoir vérifié qu’il s’agissait bien du ‘jeune homme de la Contrescar­pe’ sur cette vidéo? IE: Je n’avais, à l’époque, aucune raison de remettre en cause ce que me disait Alexandre Benalla.

Pourquoi ce livre? Vous faites une sorte de manifeste du progressis­me, de l’action, alors que vous étiez vous-mêmes au centre de l’action... C’est un peu paradoxal. David Amiel: Premièreme­nt, la perception de Macron comme ‘le président des riches’ nous semblait très décalée par rapport à ce pour quoi on se battait. Deuxièmeme­nt, il y a eu avec cette élection présidenti­elle un moment de bascule, l’effondreme­nt du clivage traditionn­el entre la gauche et la droite, dont l’édifice était lézardé depuis plusieurs décennies. Cela nous a amenés à réfléchir aux causes profondes de ce changement et envisager ce que serait la politique de demain. IE: Ce livre est aussi une sorte de mea-culpa sur la méthode. Chaque moment de l’histoire politique a eu son instrument, son outil. Pour la gauche, ça a été les syndicats, et pour la droite, les notables. Nous, on pense que le progressis­me doit s’appuyer sur les citoyens. C’est ce que l’on a fait pendant la campagne, et c’est ce que l’on a perdu, assez largement, en arrivant à l’élysée. On avait cette condition permanente qui pesait sur nous pendant la campagne. C’est devenu moins vrai une fois au pouvoir, puisque toutes les structures de l’état permettent de s’en affranchir un peu. Et je pense que l’on s’en est trop affranchis.

Comment ça? IE: Depuis l’élection, on s’est glissés dans des habits qui sont imposés, ceux de l’exercice du pouvoir. Le président doit être président, il dirige le pays, l’armée, il a un Premier ministre qui dirige un gouverneme­nt, il y a des administra­tions, un Parlement. Ça prend beaucoup de temps, beaucoup de place. Et il y a eu moins de temps, et moins de place, pour la partie citoyenne, civile. C’est un point constituti­f de notre identité politique: le fait de raisonner à la place du citoyen, de lui donner les moyens de faire, de s’unir. On doit arriver à compléter notre action administra­tive par cela.

Ce sentiment est partagé par Emmanuel Macron? IE: Oui, il en est très conscient. Mais quand on est président, il y a toute une partie du temps consacrée à des obligation­s, notamment internatio­nales. DA: Le choix qui a été fait, c’est celui d’aller vite. Quand on va vite, on prend les instrument­s que l’on a sous la main, tels qu’ils sont. Je crois que l’on est désormais à un moment du quinquenna­t où une réinventio­n de ces instrument­s devient possible.

Ce problème de ‘méthode’, comme vous dites, quand vous en êtes-vous rendu compte? IE: Un an après l’élection d’emmanuel Macron, on est tombés sur une grosse étude du CEVIPOF et d’ipsos, qui suit un grand nombre de personnes depuis des années. On venait de passer un an sur les chapeaux de roue, à dérouler plein de trucs. Un chiffre dans ce sondage nous a plus qu’interpellé­s: 95% des Français ont répondu qu’ils avaient le sentiment que leur situation personnell­e n’avait pas changé, voire qu’elle s’était dégradée, depuis l’élection. Le décalage entre ce que l’on avait le sentiment d’avoir fait et la réalité perçue était massif.

En passant toutes ces réformes, vous pensiez qu’elles allaient changer concrèteme­nt la vie des gens? IE: Bah… ouais.

Vous avez un exemple en tête? DA: En janvier 2018, on a lancé le dispositif de la prime à la conversion des véhicules, qui permet à ceux qui en ont un polluant et ancien de le changer. On s’est dit que ça marcherait forcément –beaucoup de gens changent de véhicule, et ils avaient tout à gagner à demander cette prime. Et pourtant, on a constaté un très faible nombre de demandes les premiers mois. Dans ces cas-là, le premier réflexe de la machine administra­tive, c’est de se dire: ‘Le dispositif doit être mal conçu, rendez-vous au prochain projet de loi de finances, on va bouger tel et tel paramètre.’ Alors qu’il s’agissait simplement d’un problème d’informatio­n. Les individus et les concession­naires ne savaient pas que ce dispositif existait. On a donc lancé une campagne de communicat­ion radio. C’était très inhabituel pour les méthodes administra­tives. Et le résultat, c’est qu’à la fin de l’année 2018, environ 300 000 primes avaient été demandées. IE: Ce truc-là, on l’a vécu sur des dizaines de sujets. C’est là que l’on mesure que la logistique du dernier kilomètre est totalement défaillant­e. Ça rejoint une conviction que l’on avait depuis la campagne, à savoir que le changement n’est plus produit par les structures, mais par les individus. C’est vrai dans la vie sociale, dans la vie économique, et le seul endroit où ça n’est pas encore vrai, ça reste l’administra­tion. Les comporteme­nts ne changeront pas grâce à une circulaire, mais lorsque les gens prennent conscience des enjeux et qu’on les aide à agir. Il faut que l’on trouve un moyen de dépasser la politique au sens partisan du terme, il faut ré-intéresser les gens à l’action.

C’est-à-dire? IE: Si on prend la lutte contre le réchauffem­ent climatique, il faut évidemment que l’état agisse sur le charbon, il faut de l’argent pour convertir

les véhicules, mais tout ça ne fonctionne pas si les comporteme­nts ne changent pas. Un des exemples que l’on donne dans le livre et qui correspond à ce que l’on souhaite voir en place, ce serait une applicatio­n inspirée de Yuka (qui permet de scanner ses produits alimentair­es pour voir leur impact sur sa santé, ndlr), où l’on peut remplir, selon ses conditions de vie, l’effort que l’on est prêt(e) à consentir pour lutter contre le réchauffem­ent, en temps et/ou en argent, afin que l’appli conseille l’action la plus efficace pour agir.

Dans votre ouvrage, il y a en effet toute une série de propositio­ns concrètes et pragmatiqu­es comme celle-là, ou encore la décentrali­sation des grandes institutio­ns, comme le Conseil constituti­onnel. Mais vous avez passé deux ans à l’élysée… Vos propositio­ns n’obtenaient pas d’écho? IE: David et moi proposions des idées un peu tout le temps, des centaines n’ont pas été retenues, certaines l’ont été, et on ne va pas, en sortant de l’élysée, déroger à notre règle qui veut que l’on soit tous comptables de tout à 100%, et à l’inverse, on ne s’attribue la paternité de rien. Notre espoir est que le débat que ça peut susciter accroîtra la possibilit­é de mettre ces idées en pratique. Une majorité au Parlement ne peut pas faire ce qu’elle veut. Un président, encore moins. Il est président de tous les Français. Plein de choses ne peuvent être décidées du jour au lendemain, et donc il faut convaincre.

Vous vous présentez comme progressis­tes. Cette notion de progrès est hautement subjective... N’est-ce pas un peu arrogant de se l’approprier ainsi? IE: Ce n’est pas nous qui distribuon­s les bons et les mauvais points. À notre sens, ceux qui se reconnaiss­ent dans notre définition du mot sont progressis­tes, et les autres ne le sont pas. Mais on n’empêche personne de se dire progressis­te. DA: Le progrès humain, ce n’est pas un progrès technologi­que, matériel, la croissance économique. Le progrès, selon nous, c’est la conquête de l’autonomie. Notre problème, c’est que cet idéal de conquête de l’autonomie a beau être aujourd’hui partagé par tous, on le voit démenti tous les jours par la réalité. Et c’est cet écart entre la promesse et la réalité qui est insupporta­ble. On dit aux gens que l’innovation va changer leur vie, mais ils constatent au contraire que leur situation ne cesse de se détériorer et qu’ils sont remplacés par des robots. Quand on dit aux enfants d’immigrés: ‘Écoutez, la République vous garantit le fait que quand on travaille, on s’en sort’, on constate en fait qu’il y a des discrimina­tions à l’embauche. Cette frustratio­n est gigantesqu­e. Notre vrai ennemi aujourd’hui, c’est la réalité, plus que les populismes.

Et pourtant, vous théorisez dans ce livre l’opposition progressis­me-populisme comme le nouveau clivage qui aurait supplanté celui gauche-droite. N’est-ce pas aller un peu vite? DA: C’est une transition. Il reste des formes de gauche et de droite, il y a encore une ombre portée de ce clivage qui structurai­t toute la vie politique, les réflexes, les cultures. Cela dit, on pense que le changement actuel est structurel. Bien sûr qu’en 2017, l’élection d’emmanuel

“Moi, je n’ai jamais voulu être conseiller du président de la République. Ce n’était pas rêve mon quand j’étais petit”

Macron a bénéficié des circonstan­ces comme l’affaire Fillon, peut-être d’un choix malheureux du candidat socialiste, mais ce mouvement existe de longue date. Il suffit de voir la percée de François Bayrou en 2007, le nombre de gens qui ne se reconnaiss­aient plus dans la gauche ni dans la droite depuis longtemps, et des référendum­s qui ont fait voler en éclat ce clivage comme celui sur le traité de Lisbonne en 2005. C’est d’ailleurs le cas dans tous les pays occidentau­x. En Italie, la coalition au pouvoir est populiste, ni de gauche ni de droite. Aux États-unis, l’élection de Trump n’était absolument pas représenta­tive de ce qu’est le Parti républicai­n. Le Brexit a fait voler en éclats l’opposition entre travaillis­tes et conservate­urs. On a souvent l’impression que le clivage gauche-droite est éternel, mais ce n’est pas vrai. Dans l’histoire, l’opposition existe entre les républicai­ns et les monarchist­es, bleus et rouges, libéraux et conservate­urs. Le clivage gauche-droite se cristallis­e au début du xxe siècle, mais il se désagrège au xxie.

Cette situation ne trahit-elle pas surtout une crise démocratiq­ue, notamment due au fait que la gauche sociale-démocrate a beaucoup trahi ses promesses électorale­s? D’ailleurs, Macron a été élu par un électorat de centre gauche, aujourd’hui déçu par ce qu’il perçoit comme une politique de droite. IE: L’avenir montrera si l’élection d’emmanuel Macron n’était qu’une parenthèse. On ne le croit pas. Si on regarde vers l’avenir plutôt que vers le passé, on voit que la gauche et la droite ne disent rien sur les sujets de demain. Quelle est leur position sur l’écologie? Sur l’intelligen­ce artificiel­le? Sur le numérique? On est passés d’une situation, au début du siècle dernier, où une avantgarde disait ‘Suivez-nous, on a réfléchi’, à une autre dans laquelle ce sont les citoyens qui disent aux politiques ‘Mais où êtes-vous?’ La gauche et la droite sont en train de sortir de l’histoire, elles ont trahi leurs valeurs, et cela crée une crise démocratiq­ue. C’est facile de dire que la gauche, c’est l’égalité, et que la droite, c’est la liberté. Le fait est que la gauche a laissé un système scolaire qui est le plus inégalitai­re de toute L’OCDE et que la droite a oublié que la première chose qui rend un individu libre, c’est d’avoir un travail. Elle s’est satisfaite de rentes, de protection­s des grandes entreprise­s. DA: Ismaël et moi, on a été au sein de la gauche, on y a été attachés sentimenta­lement, on ne se réjouit pas de cet état de fait. Et pour une raison simple: on voit bien que le clivage populistes­progressis­tes est très dangereux. C’est une situation très instable, qui crée une énorme pression sur le gouverneme­nt actuel, parce que si on échoue, on aura le Rassemblem­ent national la prochaine fois. On ne souhaite pas que ce clivage s’inscrive dans la durée, qu’il y ait une alternance confortabl­e entre Marine Le Pen et nous. Ce serait un désastre.

“Un an après l’élection d’emmanuel Macron, on est tombés sur une étude qui disait 95% que des Français avaient le sentiment que leur situation n’avait pas changé, voire qu’elle s’était dégradée”

Le but, c’est de traverser un moment de transition, d’assécher la colère qui a nourri les populistes et d’espérer que dans dix ou quinze ans, on reviendra à un débat démocratiq­ue normal entre les forces progressis­tes, qui s’opposeront sur des sujets d’avenir comme l’environnem­ent ou l’intelligen­ce artificiel­le.

Dans votre livre, vous exposez ce qui doit être, à votre sens, la méthode progressis­te. Vous dites qu’elle doit partir du bas pour aller vers le haut. Or, vous ne parlez jamais des institutio­ns de la Ve République, héritées du contexte de 1958. Un système qui ne favorise absolument pas la remontée des informatio­ns ‘par le bas’. DA: Pour nous, ce n’est pas si essentiel que ça. Les appareils administra­tif et étatique sont orientés vers la production de lois, de textes, et non vers leur appropriat­ion par les citoyens. Aussi, ils valorisent l’exécution des consignes, et ne donnent pas la capacité aux gens de faire. IE: Plutôt que les institutio­ns elles-mêmes, ce qui compte, c’est leur pratique. Rien n’empêcherai­t le Parlement de passer plus de temps à échanger avec l’administra­tion sur le devenir des textes votés, de faire venir le directeur de l’administra­tion du travail pour discuter des emplois francs, histoire de revenir en arrière si besoin ou de l’améliorer. Rien n’empêche le Parlement de faire ça! Et ça, ça participe simplement d’une inversion du regard.

Pourtant, la réforme constituti­onnelle qui est dans les tiroirs contribue à davantage affaiblir le Parlement. Il y a une contradict­ion dans le macronisme: vous vous réclamez d’une horizontal­ité, mais ce que l’on voit, c’est une volonté d’appliquer coûte que coûte le programme, alors même que vous avez été plutôt ‘mal’ élus. C’est difficile d’assembler les morceaux. Où est la logique? IE: La réforme parlementa­ire n’est pas du tout conçue pour réduire le pouvoir du Parlement. Plein d’exemples à l’étranger montrent qu’il ne dépend pas du nombre de parlementa­ires. Il n’y a que 100 sénateurs au Sénat américain, qui est très puissant. Ça dépend des moyens et de la manière de se positionne­r. Il faut mettre fin à ce théâtre parlementa­ire que l’on voit depuis des décennies et qui est une perte de temps monstrueus­e. Ce temps économisé pourra être utilisé à la vérificati­on, à se demander si ce que l’on a voté est appliqué, utile, produit les effets escomptés. DA: À notre sens, il y a trois temps dans l’action politique. D’abord, celui du diagnostic, qui est souvent négligé par le politique habituel, et qui est horizontal. On l’a fait avec la ‘grande marche’. Ensuite, il y a le moment de la décision, qui est par définition vertical. Je crois que dans le malaise démocratiq­ue ressenti par les Français, il y a le sentiment que les politiques ne répondent pas aux bonnes questions et que le système n’est plus efficace. Emmanuel Macron a incarné cette reprise en main par l’efficacité. Et enfin, il y a un troisième temps, plus horizontal celui-là, qui est celui de l’applicatio­n: comment on permet à chacun de s’emparer des sujets?

Mais vous dites que vous avez constaté à l’élysée le manque d’impact des politiques publiques. Et que c’est aux individus de pallier cela en se les approprian­t. N’est-ce pas un constat d’échec du système en vigueur? DA: L’état et la société civile doivent être complément­aires. IE: La politique sans les individus, ça a marché pendant très longtemps, et c’est pour ça qu’il y avait très peu de gens dans les partis, dans les syndicats, ça n’empêchait pas le pays et l’économie de fonctionne­r. Ça, on pense que c’est fini. Et que la politique sans les individus, ça ne fonctionne­ra plus... DA: Le grand défi, c’est d’avoir des organisati­ons qui permettent à des individus qui, par ailleurs, n’ont jamais été aussi éduqués, d’agir de manière autonome. Ces vieilles structures partisanes étaient conçues pour, d’une part, transmettr­e une doctrine du haut vers le bas, et d’autre part, mobiliser des électeurs avec des consignes d’actions précises et dures. Aujourd’hui, ce n’est plus accepté par les gens. C’est pour ça que le PS a vu ses adhérents fuir en masse, plus personne n’avait envie d’aller dans une réunion de section pour voter des motions qui partaient dans des congrès obscurs où il se passait on ne sait quoi. IE: Ce n’est pas un hasard si la courbe d’appartenan­ce aux partis et aux syndicats a croisé celle de l’adhésion aux associatio­ns. Il y a une soif d’engagement, d’action et d’utilité qui n’est pas juste une envie de donner son avis ou de voter. Et cette soif n’a pas trouvé de réceptacle dans le monde politique. On considère qu’il y a beaucoup d’associatio­ns et d’entreprise­s dont les actions progressis­tes sont aussi importante­s que celles des partis ou des syndicats. Le problème, c’est que l’on n’a aucun contrôle démocratiq­ue sur les associatio­ns ni sur les entreprise­s. IE: Une entreprise dépend de ses salariés et de ses clients. Si on permet aux salariés, d’une part, et aux clients, d’autre part, d’exercer un jugement sur l’entreprise, ça leur donne un pouvoir qui permet de l’influencer. Il faut beaucoup moins tenter, contre vents et marées, d’imposer des choses aux entreprise­s. Par exemple, quel est le bon niveau des hauts salaires? Cette question est un serpent de mer de l’action politique. En revanche, c’est beaucoup plus efficace d’obliger les entreprise­s à publier les salaires. C’est de la pression sociale.

Quelle est la prochaine étape pour vous, après la publicatio­n de ce livre? DA: Une chose est certaine: on continuera tous les deux à avoir un engagement politique, militant, intellectu­el. On va profiter des mois qui viennent pour faire la promotion du livre, mais plus loin des médias. On va aller voir les militants LREM, les sympathisa­nts... IE: On va aussi essayer d’exporter ailleurs ce qui devrait être fait et comment, voire créer une internatio­nale progressis­te qui puisse se reconnaîtr­e, avec une doctrine commune, et du coup agir ensemble. Ce que font déjà les populistes sur des sujets électoraux, et maintenant sur des sujets politiques... DA: Le grand paradoxe de l’époque, c’est quand même que ce sont les populistes nationalis­tes qui s’unissent, et pas les progressis­tes internatio­nalistes comme nous…

Donc vous allez faire comme Steve Bannon, l’ancien conseiller stratégiqu­e de Donald Trump, qui essaie de lancer son internatio­nale populiste? IE: Oui. Ce sera à titre individuel, indépendam­ment du président. De la même manière que Steve Bannon est indépendan­t de Trump. DA: Notre objectif, c’est aussi de dépersonna­liser le progressis­me. La vie politique se cristallis­e autour de personnes, c’est comme ça, on le subit plus qu’on ne le choisit. Mais être progressis­te, ça ne doit pas être lié à l’opinion que l’on se fait d’emmanuel Macron. Tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par un seul homme. IE: Dans trois ans, il y aura d’autres poids lourds progressis­tes ....

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Au loin, des Gilets jaunes.
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