ISMAËL EMELIEN
L’ANCIEN CONSEILLER SPÉCIAL DE SON MACRON FAIT MEA-CULPA
OFFICIELLEMENT, ISMAËL EMELIEN, ANCIEN CONSEILLER SPÉCIAL D’EMMANUEL MACRON, ET DAVID AMIEL, ÉCONOMISTE, ÉGALEMENT EX-CONSEILLER DU PRÉSIDENT, ONT QUITTÉ LEURS FONCTIONS RESPECTIVES POUR DÉFENDRE AU MIEUX LE LIVRE QU’ILS VIENNENT DE PUBLIER. OFFICIEUSEMENT, TOUT LE MONDE S’INTERROGE: L’OUVRAGE EN QUESTION, BAPTISÉ LE PROGRÈS NE TOMBE PAS DU CIEL, SORTE DE TENTATIVE DE DÉFINITION DU MACRONISME, VALAIT-IL UNE TELLE DÉCISION? ISMAËL EMELIEN ET DAVID AMIEL DÉFENDENT LE MORCEAU. ET LEUR VISION D’UN MONDE OPPOSANT PROGRESSISME ET POPULISME.
Vous avez justifié votre départ de l’élysée en disant vouloir ‘promouvoir librement’ ce manifeste, plutôt théorique, sur le progressisme. On a quand même un peu de mal à y croire... Ismaël Emelien: Ça, c’est un truc qui me rend dingue. On nous dit ‘non mais c’est impossible d’imaginer qu’étant là où vous étiez, vous puissiez faire le choix de partir sans rien, pour un bouquin’. Mais nous, c’est exactement ce pour quoi on s’est toujours battus! Moi, je n’ai jamais voulu être conseiller du président de la République. Ce n’était pas mon rêve quand j’étais petit. Je ne veux pas être élu. Ce truc, on y croit à bloc, on a le sentiment qu’il y a un potentiel qui a commencé à se réveiller au sein d’en marche! pendant la campagne et que l’on est au tout début de cette histoire. Et on veut contribuer à la faire partir dans la bonne direction.
Votre départ n’a donc rien à voir avec le risque de mise en examen qui pèse sur vous dans l’affaire Benalla? Ce ne serait pas incompréhensible de vous voir quitter l’élysée pour protéger le président. IE: D’abord, je ne suis pas mis en examen. La seule question, c’est: est-ce que j’avais connaissance ou pas de la provenance de la vidéo? La réponse est non. Si on vous offre à Noël une montre qui a été volée et que vous la portez, vous n’êtes coupable de rien si vous ne savez pas qu’elle a été volée.
Selon Le Monde, c’est bien vous qui avez fait diffuser, via un compte pro-macron sur Twitter, une vidéo trompeuse des événements du 1er mai 2018, jetant le discrédit sur les victimes des violences de Benalla. Pourquoi ne pas avoir vérifié qu’il s’agissait bien du ‘jeune homme de la Contrescarpe’ sur cette vidéo? IE: Je n’avais, à l’époque, aucune raison de remettre en cause ce que me disait Alexandre Benalla.
Pourquoi ce livre? Vous faites une sorte de manifeste du progressisme, de l’action, alors que vous étiez vous-mêmes au centre de l’action... C’est un peu paradoxal. David Amiel: Premièrement, la perception de Macron comme ‘le président des riches’ nous semblait très décalée par rapport à ce pour quoi on se battait. Deuxièmement, il y a eu avec cette élection présidentielle un moment de bascule, l’effondrement du clivage traditionnel entre la gauche et la droite, dont l’édifice était lézardé depuis plusieurs décennies. Cela nous a amenés à réfléchir aux causes profondes de ce changement et envisager ce que serait la politique de demain. IE: Ce livre est aussi une sorte de mea-culpa sur la méthode. Chaque moment de l’histoire politique a eu son instrument, son outil. Pour la gauche, ça a été les syndicats, et pour la droite, les notables. Nous, on pense que le progressisme doit s’appuyer sur les citoyens. C’est ce que l’on a fait pendant la campagne, et c’est ce que l’on a perdu, assez largement, en arrivant à l’élysée. On avait cette condition permanente qui pesait sur nous pendant la campagne. C’est devenu moins vrai une fois au pouvoir, puisque toutes les structures de l’état permettent de s’en affranchir un peu. Et je pense que l’on s’en est trop affranchis.
Comment ça? IE: Depuis l’élection, on s’est glissés dans des habits qui sont imposés, ceux de l’exercice du pouvoir. Le président doit être président, il dirige le pays, l’armée, il a un Premier ministre qui dirige un gouvernement, il y a des administrations, un Parlement. Ça prend beaucoup de temps, beaucoup de place. Et il y a eu moins de temps, et moins de place, pour la partie citoyenne, civile. C’est un point constitutif de notre identité politique: le fait de raisonner à la place du citoyen, de lui donner les moyens de faire, de s’unir. On doit arriver à compléter notre action administrative par cela.
Ce sentiment est partagé par Emmanuel Macron? IE: Oui, il en est très conscient. Mais quand on est président, il y a toute une partie du temps consacrée à des obligations, notamment internationales. DA: Le choix qui a été fait, c’est celui d’aller vite. Quand on va vite, on prend les instruments que l’on a sous la main, tels qu’ils sont. Je crois que l’on est désormais à un moment du quinquennat où une réinvention de ces instruments devient possible.
Ce problème de ‘méthode’, comme vous dites, quand vous en êtes-vous rendu compte? IE: Un an après l’élection d’emmanuel Macron, on est tombés sur une grosse étude du CEVIPOF et d’ipsos, qui suit un grand nombre de personnes depuis des années. On venait de passer un an sur les chapeaux de roue, à dérouler plein de trucs. Un chiffre dans ce sondage nous a plus qu’interpellés: 95% des Français ont répondu qu’ils avaient le sentiment que leur situation personnelle n’avait pas changé, voire qu’elle s’était dégradée, depuis l’élection. Le décalage entre ce que l’on avait le sentiment d’avoir fait et la réalité perçue était massif.
En passant toutes ces réformes, vous pensiez qu’elles allaient changer concrètement la vie des gens? IE: Bah… ouais.
Vous avez un exemple en tête? DA: En janvier 2018, on a lancé le dispositif de la prime à la conversion des véhicules, qui permet à ceux qui en ont un polluant et ancien de le changer. On s’est dit que ça marcherait forcément –beaucoup de gens changent de véhicule, et ils avaient tout à gagner à demander cette prime. Et pourtant, on a constaté un très faible nombre de demandes les premiers mois. Dans ces cas-là, le premier réflexe de la machine administrative, c’est de se dire: ‘Le dispositif doit être mal conçu, rendez-vous au prochain projet de loi de finances, on va bouger tel et tel paramètre.’ Alors qu’il s’agissait simplement d’un problème d’information. Les individus et les concessionnaires ne savaient pas que ce dispositif existait. On a donc lancé une campagne de communication radio. C’était très inhabituel pour les méthodes administratives. Et le résultat, c’est qu’à la fin de l’année 2018, environ 300 000 primes avaient été demandées. IE: Ce truc-là, on l’a vécu sur des dizaines de sujets. C’est là que l’on mesure que la logistique du dernier kilomètre est totalement défaillante. Ça rejoint une conviction que l’on avait depuis la campagne, à savoir que le changement n’est plus produit par les structures, mais par les individus. C’est vrai dans la vie sociale, dans la vie économique, et le seul endroit où ça n’est pas encore vrai, ça reste l’administration. Les comportements ne changeront pas grâce à une circulaire, mais lorsque les gens prennent conscience des enjeux et qu’on les aide à agir. Il faut que l’on trouve un moyen de dépasser la politique au sens partisan du terme, il faut ré-intéresser les gens à l’action.
C’est-à-dire? IE: Si on prend la lutte contre le réchauffement climatique, il faut évidemment que l’état agisse sur le charbon, il faut de l’argent pour convertir
les véhicules, mais tout ça ne fonctionne pas si les comportements ne changent pas. Un des exemples que l’on donne dans le livre et qui correspond à ce que l’on souhaite voir en place, ce serait une application inspirée de Yuka (qui permet de scanner ses produits alimentaires pour voir leur impact sur sa santé, ndlr), où l’on peut remplir, selon ses conditions de vie, l’effort que l’on est prêt(e) à consentir pour lutter contre le réchauffement, en temps et/ou en argent, afin que l’appli conseille l’action la plus efficace pour agir.
Dans votre ouvrage, il y a en effet toute une série de propositions concrètes et pragmatiques comme celle-là, ou encore la décentralisation des grandes institutions, comme le Conseil constitutionnel. Mais vous avez passé deux ans à l’élysée… Vos propositions n’obtenaient pas d’écho? IE: David et moi proposions des idées un peu tout le temps, des centaines n’ont pas été retenues, certaines l’ont été, et on ne va pas, en sortant de l’élysée, déroger à notre règle qui veut que l’on soit tous comptables de tout à 100%, et à l’inverse, on ne s’attribue la paternité de rien. Notre espoir est que le débat que ça peut susciter accroîtra la possibilité de mettre ces idées en pratique. Une majorité au Parlement ne peut pas faire ce qu’elle veut. Un président, encore moins. Il est président de tous les Français. Plein de choses ne peuvent être décidées du jour au lendemain, et donc il faut convaincre.
Vous vous présentez comme progressistes. Cette notion de progrès est hautement subjective... N’est-ce pas un peu arrogant de se l’approprier ainsi? IE: Ce n’est pas nous qui distribuons les bons et les mauvais points. À notre sens, ceux qui se reconnaissent dans notre définition du mot sont progressistes, et les autres ne le sont pas. Mais on n’empêche personne de se dire progressiste. DA: Le progrès humain, ce n’est pas un progrès technologique, matériel, la croissance économique. Le progrès, selon nous, c’est la conquête de l’autonomie. Notre problème, c’est que cet idéal de conquête de l’autonomie a beau être aujourd’hui partagé par tous, on le voit démenti tous les jours par la réalité. Et c’est cet écart entre la promesse et la réalité qui est insupportable. On dit aux gens que l’innovation va changer leur vie, mais ils constatent au contraire que leur situation ne cesse de se détériorer et qu’ils sont remplacés par des robots. Quand on dit aux enfants d’immigrés: ‘Écoutez, la République vous garantit le fait que quand on travaille, on s’en sort’, on constate en fait qu’il y a des discriminations à l’embauche. Cette frustration est gigantesque. Notre vrai ennemi aujourd’hui, c’est la réalité, plus que les populismes.
Et pourtant, vous théorisez dans ce livre l’opposition progressisme-populisme comme le nouveau clivage qui aurait supplanté celui gauche-droite. N’est-ce pas aller un peu vite? DA: C’est une transition. Il reste des formes de gauche et de droite, il y a encore une ombre portée de ce clivage qui structurait toute la vie politique, les réflexes, les cultures. Cela dit, on pense que le changement actuel est structurel. Bien sûr qu’en 2017, l’élection d’emmanuel
“Moi, je n’ai jamais voulu être conseiller du président de la République. Ce n’était pas rêve mon quand j’étais petit”
Macron a bénéficié des circonstances comme l’affaire Fillon, peut-être d’un choix malheureux du candidat socialiste, mais ce mouvement existe de longue date. Il suffit de voir la percée de François Bayrou en 2007, le nombre de gens qui ne se reconnaissaient plus dans la gauche ni dans la droite depuis longtemps, et des référendums qui ont fait voler en éclat ce clivage comme celui sur le traité de Lisbonne en 2005. C’est d’ailleurs le cas dans tous les pays occidentaux. En Italie, la coalition au pouvoir est populiste, ni de gauche ni de droite. Aux États-unis, l’élection de Trump n’était absolument pas représentative de ce qu’est le Parti républicain. Le Brexit a fait voler en éclats l’opposition entre travaillistes et conservateurs. On a souvent l’impression que le clivage gauche-droite est éternel, mais ce n’est pas vrai. Dans l’histoire, l’opposition existe entre les républicains et les monarchistes, bleus et rouges, libéraux et conservateurs. Le clivage gauche-droite se cristallise au début du xxe siècle, mais il se désagrège au xxie.
Cette situation ne trahit-elle pas surtout une crise démocratique, notamment due au fait que la gauche sociale-démocrate a beaucoup trahi ses promesses électorales? D’ailleurs, Macron a été élu par un électorat de centre gauche, aujourd’hui déçu par ce qu’il perçoit comme une politique de droite. IE: L’avenir montrera si l’élection d’emmanuel Macron n’était qu’une parenthèse. On ne le croit pas. Si on regarde vers l’avenir plutôt que vers le passé, on voit que la gauche et la droite ne disent rien sur les sujets de demain. Quelle est leur position sur l’écologie? Sur l’intelligence artificielle? Sur le numérique? On est passés d’une situation, au début du siècle dernier, où une avantgarde disait ‘Suivez-nous, on a réfléchi’, à une autre dans laquelle ce sont les citoyens qui disent aux politiques ‘Mais où êtes-vous?’ La gauche et la droite sont en train de sortir de l’histoire, elles ont trahi leurs valeurs, et cela crée une crise démocratique. C’est facile de dire que la gauche, c’est l’égalité, et que la droite, c’est la liberté. Le fait est que la gauche a laissé un système scolaire qui est le plus inégalitaire de toute L’OCDE et que la droite a oublié que la première chose qui rend un individu libre, c’est d’avoir un travail. Elle s’est satisfaite de rentes, de protections des grandes entreprises. DA: Ismaël et moi, on a été au sein de la gauche, on y a été attachés sentimentalement, on ne se réjouit pas de cet état de fait. Et pour une raison simple: on voit bien que le clivage populistesprogressistes est très dangereux. C’est une situation très instable, qui crée une énorme pression sur le gouvernement actuel, parce que si on échoue, on aura le Rassemblement national la prochaine fois. On ne souhaite pas que ce clivage s’inscrive dans la durée, qu’il y ait une alternance confortable entre Marine Le Pen et nous. Ce serait un désastre.
“Un an après l’élection d’emmanuel Macron, on est tombés sur une étude qui disait 95% que des Français avaient le sentiment que leur situation n’avait pas changé, voire qu’elle s’était dégradée”
Le but, c’est de traverser un moment de transition, d’assécher la colère qui a nourri les populistes et d’espérer que dans dix ou quinze ans, on reviendra à un débat démocratique normal entre les forces progressistes, qui s’opposeront sur des sujets d’avenir comme l’environnement ou l’intelligence artificielle.
Dans votre livre, vous exposez ce qui doit être, à votre sens, la méthode progressiste. Vous dites qu’elle doit partir du bas pour aller vers le haut. Or, vous ne parlez jamais des institutions de la Ve République, héritées du contexte de 1958. Un système qui ne favorise absolument pas la remontée des informations ‘par le bas’. DA: Pour nous, ce n’est pas si essentiel que ça. Les appareils administratif et étatique sont orientés vers la production de lois, de textes, et non vers leur appropriation par les citoyens. Aussi, ils valorisent l’exécution des consignes, et ne donnent pas la capacité aux gens de faire. IE: Plutôt que les institutions elles-mêmes, ce qui compte, c’est leur pratique. Rien n’empêcherait le Parlement de passer plus de temps à échanger avec l’administration sur le devenir des textes votés, de faire venir le directeur de l’administration du travail pour discuter des emplois francs, histoire de revenir en arrière si besoin ou de l’améliorer. Rien n’empêche le Parlement de faire ça! Et ça, ça participe simplement d’une inversion du regard.
Pourtant, la réforme constitutionnelle qui est dans les tiroirs contribue à davantage affaiblir le Parlement. Il y a une contradiction dans le macronisme: vous vous réclamez d’une horizontalité, mais ce que l’on voit, c’est une volonté d’appliquer coûte que coûte le programme, alors même que vous avez été plutôt ‘mal’ élus. C’est difficile d’assembler les morceaux. Où est la logique? IE: La réforme parlementaire n’est pas du tout conçue pour réduire le pouvoir du Parlement. Plein d’exemples à l’étranger montrent qu’il ne dépend pas du nombre de parlementaires. Il n’y a que 100 sénateurs au Sénat américain, qui est très puissant. Ça dépend des moyens et de la manière de se positionner. Il faut mettre fin à ce théâtre parlementaire que l’on voit depuis des décennies et qui est une perte de temps monstrueuse. Ce temps économisé pourra être utilisé à la vérification, à se demander si ce que l’on a voté est appliqué, utile, produit les effets escomptés. DA: À notre sens, il y a trois temps dans l’action politique. D’abord, celui du diagnostic, qui est souvent négligé par le politique habituel, et qui est horizontal. On l’a fait avec la ‘grande marche’. Ensuite, il y a le moment de la décision, qui est par définition vertical. Je crois que dans le malaise démocratique ressenti par les Français, il y a le sentiment que les politiques ne répondent pas aux bonnes questions et que le système n’est plus efficace. Emmanuel Macron a incarné cette reprise en main par l’efficacité. Et enfin, il y a un troisième temps, plus horizontal celui-là, qui est celui de l’application: comment on permet à chacun de s’emparer des sujets?
Mais vous dites que vous avez constaté à l’élysée le manque d’impact des politiques publiques. Et que c’est aux individus de pallier cela en se les appropriant. N’est-ce pas un constat d’échec du système en vigueur? DA: L’état et la société civile doivent être complémentaires. IE: La politique sans les individus, ça a marché pendant très longtemps, et c’est pour ça qu’il y avait très peu de gens dans les partis, dans les syndicats, ça n’empêchait pas le pays et l’économie de fonctionner. Ça, on pense que c’est fini. Et que la politique sans les individus, ça ne fonctionnera plus... DA: Le grand défi, c’est d’avoir des organisations qui permettent à des individus qui, par ailleurs, n’ont jamais été aussi éduqués, d’agir de manière autonome. Ces vieilles structures partisanes étaient conçues pour, d’une part, transmettre une doctrine du haut vers le bas, et d’autre part, mobiliser des électeurs avec des consignes d’actions précises et dures. Aujourd’hui, ce n’est plus accepté par les gens. C’est pour ça que le PS a vu ses adhérents fuir en masse, plus personne n’avait envie d’aller dans une réunion de section pour voter des motions qui partaient dans des congrès obscurs où il se passait on ne sait quoi. IE: Ce n’est pas un hasard si la courbe d’appartenance aux partis et aux syndicats a croisé celle de l’adhésion aux associations. Il y a une soif d’engagement, d’action et d’utilité qui n’est pas juste une envie de donner son avis ou de voter. Et cette soif n’a pas trouvé de réceptacle dans le monde politique. On considère qu’il y a beaucoup d’associations et d’entreprises dont les actions progressistes sont aussi importantes que celles des partis ou des syndicats. Le problème, c’est que l’on n’a aucun contrôle démocratique sur les associations ni sur les entreprises. IE: Une entreprise dépend de ses salariés et de ses clients. Si on permet aux salariés, d’une part, et aux clients, d’autre part, d’exercer un jugement sur l’entreprise, ça leur donne un pouvoir qui permet de l’influencer. Il faut beaucoup moins tenter, contre vents et marées, d’imposer des choses aux entreprises. Par exemple, quel est le bon niveau des hauts salaires? Cette question est un serpent de mer de l’action politique. En revanche, c’est beaucoup plus efficace d’obliger les entreprises à publier les salaires. C’est de la pression sociale.
Quelle est la prochaine étape pour vous, après la publication de ce livre? DA: Une chose est certaine: on continuera tous les deux à avoir un engagement politique, militant, intellectuel. On va profiter des mois qui viennent pour faire la promotion du livre, mais plus loin des médias. On va aller voir les militants LREM, les sympathisants... IE: On va aussi essayer d’exporter ailleurs ce qui devrait être fait et comment, voire créer une internationale progressiste qui puisse se reconnaître, avec une doctrine commune, et du coup agir ensemble. Ce que font déjà les populistes sur des sujets électoraux, et maintenant sur des sujets politiques... DA: Le grand paradoxe de l’époque, c’est quand même que ce sont les populistes nationalistes qui s’unissent, et pas les progressistes internationalistes comme nous…
Donc vous allez faire comme Steve Bannon, l’ancien conseiller stratégique de Donald Trump, qui essaie de lancer son internationale populiste? IE: Oui. Ce sera à titre individuel, indépendamment du président. De la même manière que Steve Bannon est indépendant de Trump. DA: Notre objectif, c’est aussi de dépersonnaliser le progressisme. La vie politique se cristallise autour de personnes, c’est comme ça, on le subit plus qu’on ne le choisit. Mais être progressiste, ça ne doit pas être lié à l’opinion que l’on se fait d’emmanuel Macron. Tous les problèmes ne peuvent pas être résolus par un seul homme. IE: Dans trois ans, il y aura d’autres poids lourds progressistes ....