Marianne Williamson
Sur qui misera le Parti démocrate pour renverser Donald Trump? Adepte de l’amour et de réconciliation, Marianne Williamson est prête. Sait-on jamais.
À un an et demi de l’élection présidentielle aux États-unis, le Parti démocrate américain se noie sous les candidats. Et les questions. Bernie Sanders peut-il renverser Donald Trump? Elizabeth Warren peut-elle éviter les erreurs d’hillary Clinton? Ou faut-il se tourner vers une célébrité et accepter l’avènement de la politique-télé-réalité? Au milieu du chaos, une candidate parle d’amour et de réconciliation. Elle s’appelle Marianne Williamson.
Quelques jours après avoir annoncé en vidéo sa candidature à la primaire démocrate dans une vidéo sur fond de grand drapeau américain, Marianne Williamson, 66 ans, a lancé sa campagne dans l’iowa à la librairie Prairie Lights. “Je sais qu’il y a 1 736 candidats à cette élection, mais je suis honorée d’être l’un d’eux!” a-t-elle déclaré ce jour-là. Pour rire? Pas seulement. Cette primaire, visant à élire celui ou celle que le parti enverra à la présidentielle de 2020 dans l’espoir de détrôner Donald Trump, compte pas moins de seize concurrents. Un joli bazar en perspective, dont Marianne Williamson préfère déjà s’amuser. “Je ne fais pas campagne contre les autres, je fais campagne avec les autres”, dit-elle. Comme pour mieux signifier sa différence. Avant d’être une femme politique, Marianne Williamson est l’auteure de douze manuels de développement personnel et une “leader spirituelle” validée par Oprah Winfrey depuis le début des années 90. Originaire du Texas, elle a décrit dans ses livres une jeunesse sans sens ni but. “J’ai sombré dans mes névroses toujours plus profondément, cherchant du réconfort dans la nourriture, la drogue, les gens, et toutes les choses
capables de me distancer de moi-même”,
écrit-elle dans Un retour à l’amour, manuel de psychothérapie spirituelle: lâcher prise, pardonner, aimer. Après deux ans dans une fac californienne, elle fuit donc vers le Nouveau-mexique et vit un temps au sein d’une communauté sous un dôme géodésique, avant de déménager à New York pour lancer sa carrière de chanteuse de cabaret. Puis de faire la découverte qui changera sa vie: le livre Un cours en miracles, écrit en 1976 par la psychologue Helen Schucman. Un classique de la littérature New Age qui argue que rien n’existe à l’extérieur de nous et que la réponse (le miracle) réside toujours à l’intérieur. En 1983, éclairée sur le sens de la vie, Marianne Williamson déménage à nouveau, à Los Angeles, et commence à donner des cours basés sur cet ouvrage à la Philosophical Research Society. Sa qualité de spécialiste de l’oeuvre l’amènera à donner des conférences dans le monde entier. Jusqu’à la publication, en 1992, d’un retour à l’amour. Un premier livre qui devient best-seller et fait d’elle une star. La décennie suivante, Williamson profite de sa popularité pour fonder plusieurs associations destinées à aider les malades du sida, les plus démunis et les femmes en difficulté. Son charisme et sa télégénie sont tels qu’un journaliste de Psychology Today écrit bientôt que “son langage est celui de la sensualité. Son charisme est sexuel et humoristique. La voir parler en public, c’est plus comme se battre nu avec Vénus que de s’agenouiller avec les saints”.
Kanye West, The Rock et Oprah Winfrey
La politique? Au fil de ses interventions, Marianne Williamson se livre parfois à quelques sorties engagées. Elle propose par exemple que l’état offre des réparations financières aux Afro-américains et déclare, à propos du conflit israélo-palestinien, que “la réponse ne viendra pas des colonies et des checkpoints, mais du travail du coeur”. En 2014, elle lève deux millions
“Je ne fais pas campagne contre les autres, je fais campagne avec les autres”
de dollars pour financer une campagne dans le but de devenir députée à Beverly Hills, en Californie. Malgré le soutien de nombreuses célébrités, elle ne recueille que 13% des suffrages. Un premier pied en politique soldé par une défaite, donc, mais qui constitue toujours plus que l’expérience de Donald Trump lorsqu’il annonce sa candidature en juin 2015. “Marianne Williamson s’appuie sur cette idée désormais très répandue aux Étatsunis qu’il n’y a pas besoin d’expérience politique pour espérer gagner une élection, remet Jean-éric Branaa, maître de conférence à l’université Assas, à Paris, et auteur du récent livre sur le président américain, Et s’il gagnait encore?. La victoire sans précédent de Trump a montré à quel point la notoriété pèse très fort. Cela a immanquablement ouvert la porte à d’autres personnalités.” La porte est en effet grande ouverte. Les noms de The Rock et de Michael Moore sont parfois évoqués. Celui de Kanye West aussi. Moins controversée que West et tout aussi populaire que Barack Obama, la présentatrice Oprah Winfrey est néanmoins la célébrité la plus demandée. Et si son engagement en politique reste peu probable, sa popularité peut cependant déteindre sur son amie et “guide spirituel”, Marianne Williamson. Cette étiquette de “gourou”, l’intéressée ne la révoque pas. Pour elle, il n’est plus franchement l’heure de mépriser le New Age: “La crise écologique est avant tout une crise spirituelle, c’est notre échec à aimer la planète et les créatures qu’elle abrite, disait-elle à Fémininbio en 2018. Il y a 30 ans, c’était très courant que des travaux spirituels soient marginalisés. Les temps ont changé. Désormais, des séminaires professionnels se servent des valeurs du yoga et de la méditation. Ce qui se passe aujourd’hui nous oblige à penser différemment. Beaucoup des choses que les gens comme moi disent depuis de nombreuses années ne semblent plus, à la lumière du terrorisme actuel, si idiotes.” Pour Gerard, Texan de 33 ans, “la présidence de Trump est une sonnette d’alarme pour tout le monde”. Il ne s’était jamais engagé en politique avant que Williamson ne le convainque. “Ça nous a fait réfléchir à ce que l’on attend chacun de la démocratie. Williamson amène une philosophie de l’amour. C’est facile de s’en moquer, mais regardez où en est notre monde! On a tous besoin d’une politique d’amour et de compassion.” Ce message, Gerard l’a découvert il y a quelques années en lisant Un retour à l’amour. “C’est assez évident à la lecture que cette philosophie transformatrice peut s’appliquer non seulement au personnel, mais aussi aux sphères politiques et sociales”, dit-il. Pour lui, le manque d’expérience de sa candidate n’a rien de choquant: “Franchement, je suis plus inquiet du fait que nos politiciens professionnels soient tous corrompus, blasés et malhonnêtes. Ce sont eux qui nous ont mis dans la situation dans laquelle on se trouve.” Pour Tammy, la porte-parole du groupe de soutien Massachussetts for Marianne, Williamson aborde des sujets que les autres politiciens ignorent. “Elle demande aux citoyens américains de répondre de leurs engagements et d’enfin réfléchir aux conséquences de leurs choix collectifs. Elle pense au futur. Elle privilégie l’humain et l’intérêt général”, dit-elle. George, un autre supporter, voit les choses de la même façon: “Le gouvernement américain actuel a complètement renoncé à montrer un certain respect pour les immigrés et les minorités. Cela doit changer et Marianne peut le faire.” Quant à “ses compétences politiques limitées”, George “ne doute pas qu’elle aurait un tas de conseillers pour l’aider à la Maisonblanche”. Mais Gerard, George et Tammy sont largement minoritaires. Marianne Williamson “ne décolle pour le moment pas de 4% de bonnes opinions dans les sondages d’intention de vote, indique Jean-éric Branaa. Les questions importantes pour les Américains demeurent: est-ce qu’elle s’attaquerait au sacro-saint droit de porter une arme? Comment résoudrait-elle la crise face à un système de santé qui laisse tant de gens sur le bas-côté? Quelle serait sa réponse face aux fractures de la société américaine actuelle?” L’amour et la paix, ce sera pour plus tard.