Society (France)

GAD ET LE MALAISE

L’HUMORISTE A-T-IL PLAGIÉ?

- PAR VICTOR LE GRAND ET ANTOINE MESTRES, AVEC AMBRE CHALUMEAU ET RAPHAËL MALKIN

Ce n’est pas son année. Après Huge en France, sa série Netflix assassinée par la critique, et L’invitation, une pièce de théâtre pas forcément mieux accueillie, Gad Elmaleh*, poids lourd de l’humour français, bataille contre de nombreuses accusation­s de plagiat, notamment de la part du youtubeur Copycomic. Autour de lui, les langues se délient.

IL a d’abord répondu sur le ton de la blague. C’était le 14 février dernier, via une vidéo publiée sur les réseaux sociaux dans laquelle il interpréta­it, face caméra et en peignoir blanc, son personnage culte de Chouchou. L’occasion pour Gad Elmaleh de qualifier de “haineux” ceux qui le trollent ces derniers temps sur Internet et de les envoyer se faire “cajoler”. Il y a aussi eu les plateaux télé. Quotidien, pour commencer, où il a nié en bloc. “Si on s’adresse à moi sur le plagiat, ça ne me parle pas.” Europe 1, ensuite, où il a relativisé la situation face à Nikos Aliagas, évoquant des “observatio­ns populaires qui n’appartienn­ent à personne”, avant de se dire victime de son succès: “C’est normal. Tu veux voler haut, loin, vite, et il y a des turbulence­s. Comme dirait ma mère: ‘Tu veux faire le tour du monde, tu veux aller chez Jimmy Fallon (…) et tu veux qu’on te dise bravo et qu’on te laisse tranquille?’” Et puis, Gad Elmaleh a envoyé ses avocats. Le 20 février, ils obtenaient la suspension de tweets relayant des vidéos Youtube qui révélaient des accusation­s de plagiat, au motif qu’elles porteraien­t atteinte à ses… “droits voisins du droit d’auteur”, des droits accordés aux artistes interprète­s, notamment afin de protéger leurs prestation­s. Le 23, Twitter autorisait finalement leur republicat­ion. Fin de l’histoire? Pas encore. Près d’un mois et demi plus tard, le 9 avril, le propriétai­re de la chaîne Youtube en question, un certain Copycomic, recevait un mail des avocats de Facebook lui indiquant que le tribunal de grande instance de Paris avait adressé une requête les obligeant à divulguer ses informatio­ns personnell­es (son nom, son adresse mail, son numéro de téléphone et ses adresses IP). Twitter et Google sont aussi concernés par cette requête obtenue par Me Isabelle Weksteing-steg, l’avocate spécialisé­e en droits d’auteur de Gad Elmaleh. “Le visage détendu et l’attitude distanciée qu’il présente semblent être en totale contradict­ion avec ses actions judiciaire­s me concernant”, constate Copycomic qui, pour l’heure, ne sait pas quelle suite va être donnée à cette affaire.

Copycomic est le nom de sa chaîne Youtube, mais il signe ses mails par “Ben”, un surnom d’emprunt. Il refuse les entretiens en face à face et limite les coups de téléphone, qu’il passe toujours en numéro masqué. De plus en plus d’humoristes soutiennen­t sa démarche, certains lui filent même des coups de main. D’autres ne cautionnen­t pas le fait qu’il avance anonymemen­t. Ils critiquent son côté “justicier”, comparant son action à de la “délation”. “L’anonymat est aussi un moyen de ne pas personnali­ser le propos, justifie-t-il. On s’attaque trop souvent au messager quand on n’est pas en mesure de réagir sur le fond du message.” Depuis 2017, Copycomic, donc, fait des vidéos, et certaines cumulent plusieurs centaines de milliers de vues. Des montages où sont juxtaposés des extraits de one-man-show de comiques français avec ceux, plus anciens, d’autres comiques, souvent étrangers, démontrant de curieuses ressemblan­ces entre les premiers et les seconds. Le résultat est parfois subtil, parfois troublant, parfois implacable. Tomer Sisley, Jamel Debbouze, Malik Bentalha, Roland Magdane ou encore Michel Leeb font partie de la vingtaine d’humoristes pointés du doigt par “Ben”. Avec plus de 2,5 millions de vues, sa compilatio­n consacrée aux sketches de Gad Elmaleh, mise en ligne début 2019, reste toutefois, et de loin, la plus documentée et la plus populaire. Elle a aussi fait l’effet d’une bombe. Logique: avec ses neuf one-manshow, son César du meilleur acteur pour –une comédie, fait assez rare– Chouchou en 2004 ou encore ses trois millions d’entrées avec Coco en 2009 (film dont il est le réalisateu­r), Elmaleh fait figure de patron de l’humour français. Or, la liste des comiques qu’il aurait supposémen­t plagiés est impression­nante, et comporte même quelques-uns des plus grands: les Américains George Carlin, Steven Wright, Jerry Seinfeld, Dave Chappelle, Louis CK ; les Canadiens Martin Petit, Martin Matte, Louis-josé Houde, Patrick Huard ; et les Français Titoff, Dieudonné et Dany Boon. Deux exemples parmi tant d’autres: dans For What It’s Worth, spectacle qui date de 2004, Dave Chappelle raconte qu’il est allé à Disney World avec ses enfants et que tout le monde l’a reconnu, Mickey compris. “C’est le truc le moins pro que j’aie vu de toute ma vie! J’étais vénère, je lui ai mis

un uppercut”, s’agace-t-il. En 2009, dans Papa est en haut, Gad raconte exactement la même histoire sur scène, légèrement reformulée: “On voit Mickey arriver petit à petit devant nous, quelle émotion! Sauf que Mickey est arrivé à 20 centimètre­s de nous, il s’est arrêté et on a entendu une petite voix qui est sortie du masque de Mickey et qui a dit: ‘Oh trop fort! Gad Elmaleh! Je peux avoir un autographe?’” Plus étonnant encore, dans son show Jammin’ in New York en 1992, George Carlin pointe “toutes ces petites choses que nous partageons de manière universell­e et qui font que nous sommes tous les mêmes”. Exemple: “Est-ce que vous avez déjà regardé votre montre, et ensuite vous n’avez aucune idée de l’heure qu’il est?” Rire dans le public. Dans Sans tambour, en 2013, Gad Elmaleh a ces mots: “On est tous profondéme­nt les mêmes (…) Est-ce que, toi aussi, ça t’arrive de regarder ta montre et après d’avoir aucune idée de l’heure qu’il est?”

“Ça fait vraiment du mal au métier”

Si le petit milieu de l’humour parisien rappelle en préambule que Gad Elmaleh a “évidemment” écrit des choses, et des très bonnes, on explique que l’on “savait” qu’il s’était un peu servi à droite à gauche, sans toutefois “mesurer l’ampleur du phénomène”. “Disons qu’on était au courant qu’il avait un peu pompé Seinfeld, mais pas autant…” admet François Rollin, vieux routier de l’humour et auteur pour le Tout-paris. Il y a les regards dubitatifs des vieilles connaissan­ces et la surprise de la nouvelle génération, comme Haroun, qui fait part de son incompréhe­nsion: “Mais Gad, pourquoi tout ça, en fait? C’est vraiment une question que j’aimerais lui poser. Ses premiers spectacles étaient tellement bien! C’est un peu triste.” Doucement, les langues commencent à se délier. Avec un mélange de colère, de sidération et, surtout, de prudence. Un humoriste de renom a appris il y a bien longtemps, sans vraiment y prêter attention, que Gad Elmaleh aurait pioché à deux reprises dans son répertoire. Grâce à Copycomic, il sait qu’il y aurait un troisième cas de plagiat le concernant. Il explique préférer rester anonyme: “Un comique qui s’attaque à un politique, c’est cool, c’est même un peu son métier ; mais un comique qui s’en prend à un autre comique, il passe tout de suite pour un mec aigri, jaloux.” Attablé dans un restaurant parisien, il commande une bavette, sort sa cigarette électroniq­ue et raconte que la première fois, au début des années 2000, ce sont des proches qui l’ont prévenu. Rien

de grave: il s’entend bien avec Gad et ne souhaite pas en faire toute une histoire. Quelques jours plus tard, il lui demande même des invitation­s pour le voir jouer dans la ville où il habite, histoire de le saluer. Hasard ou non, ce soir-là, Gad Elmaleh ne fait pas la vanne qu’il lui aurait prise. En ce qui concerne le second emprunt supposé, mis au courant par des relations profession­nelles, il décroche cette fois son téléphone et appelle Elmaleh. “Au début, il a fait l’étonné, genre: ‘Ah bon, on a la même vanne?’, puis après, je l’ai joué en mode: ‘Gad, ta tournée marche bien, tu es complet? Oui, moi aussi, donc du coup tu peux l’enlever, ça changera rien, si? Il m’a répondu: ‘Ouais, OK, pas de souci.’” Cet épisode n’affecte en rien leur relation. “Je lui ai même envoyé un texto pour le féliciter quand je l’ai vu passer dans un late show américain.” Mais quand Copycomic met au jour la troisième ressemblan­ce, c’est la goutte qui fait déborder le vase. “Avant Copycomic, je ne me rendais pas compte que c’était une méthode, un système, s’énerve-t-il. Que c’est du vol organisé, en fait. Du coup, je pense qu’il faut le dénoncer. Pas seulement pour moi, ça va, j’ai mes projets, une belle carrière, mais pour tous ceux qui se cassent le cul à vraiment écrire, eux. Ça fait vraiment du mal au métier. C’est quelque chose de sérieux, l’humour.” De l’autre côté de l’atlantique, Martin Petit a longtemps cru lui aussi qu’il était un cas isolé, après avoir découvert de ses propres yeux que Gad Elmaleh avait un “numéro” très semblable au sien. C’était il y a quelques années, lors d’une soirée anglophone du festival Juste pour rire. Martin Petit était dans le public, Gad Elmaleh sur scène. L’humoriste québécois résume son “numéro” de la manière suivante: “Je faisais un parallèle entre des témoignage­s de gens qui disent avoir été capturés par des extraterre­stres et des témoignage­s de poissons qui se font pêcher par des êtres humains.” Chez Gad, le parallèle avec les extraterre­stres n’existe plus. En revanche, les témoignage­s de poissons pêchés par des êtres humains, si. “Il paraît que l’avion a été inventé pratiqueme­nt au même moment à deux endroits différents dans le monde, donc tout est possible, dit Martin Petit aujourd’hui. Sur le moment, j’ai trouvé ça bizarre, mais c’est tout. J’avais envie de lui laisser le bénéfice du doute.” Il n’a jamais appelé Gad Elmaleh pour avoir une explicatio­n. Les deux hommes se connaissen­t, mais ne sont pas proches. En revanche, Gad Elmaleh a souvent parlé de Martin Petit dans des interviews, expliquant que ce dernier l’avait beaucoup influencé. Elmaleh a vécu quatre ans au Canada, entre 1988 et 1992, après avoir quitté son Maroc natal pour entreprend­re des études supérieure­s. C’est là-bas qu’il a commencé à “[s]’intéresser à l’humour”, comme il l’a un jour confié au Journal de Montréal. À l’époque, il fréquentai­t notamment le Café Campus, un lieu emblématiq­ue du stand-up local où Martin Petit faisait alors ses débuts sur scène et jouait… son fameux “numéro”. Désormais, le Canadien se déclare “choqué par la quantité” de vannes prétendume­nt copiées et se dit qu’il aurait peut-être dû faire “davantage attention”.

Il n’est pas le seul. Au fil des souvenirs liés à Gad Elmaleh reviennent souvent des comporteme­nts ou des scènes qui paraissaie­nt simplement loufoques sur le moment, mais qui prennent désormais un nouveau sens. Comme par exemple cette saute d’humeur datant de 2012 à La Nouvelle Ève, cabaret du IXE arrondisse­ment parisien. Lors d’un plateau d’humoristes censé l’accompagne­r sur scène en vue de la préparatio­n de son

spectacle Sans tambour, Gad Elmaleh s’en prend violemment aux équipes de l’un des comiques invités après que celles-ci ont exprimé leurs réticences quant à la présence de caméras dans la salle. Les règles étaient en effet claires: les artistes devaient venir avec des vannes inédites et la soirée ne devait pas être filmée. Un témoin raconte que Gad Elmaleh se serait alors emporté, demandant quel était le problème avec les caméras et reprochant aux autres artistes de le traiter de voleur. “Il a pensé qu’on l’accusait de filmer les nouvelles vannes des autres pour ses archives personnell­es, si vous voyez ce que je veux dire, mais à l’époque ce n’était pas le sujet: comme on devait jouer des trucs nouveaux, on ne voulait pas que ça soit filmé pour être diffusé n’importe où, point barre”, décrypte l’une des personnes présentes ce soir-là. Encore plus bizarre, cette scène du début des années 2010, lors d’un spectacle de Gad Elmaleh au Palais des sports, à Paris. Martin Matte est dans la salle. “Plusieurs de ses vannes ressemblai­ent fortement à celles de certains de mes amis humoristes québécois”, s’étonne l’humoriste québécois, qui aurait également été copié par Gad Elmaleh selon Copycomic. Son producteur, François Rozon, assis à ses côtés, a la même impression. Invité en loges après le spectacle, Matte se retrouve à discuter avec Elmaleh. “Avant même que je lui en parle –et je ne sais même pas si je lui en aurais parlé–, il me demande si j’ai remarqué qu’il s’était ‘inspiré’ de plusieurs Québécois dans son show. Je me souviens très bien qu’il n’a pas parlé d’hommage, mais d’inspiratio­n… C’est marrant, c’était comme s’il essayait de se dédouaner avant même qu’on le prenne la main dans le sac.” Et puis, évidemment, il y a aussi cette sortie quasi suicidaire sur le plateau du Grand Journal de Canal+ en 2007. Alors que Michel Denisot lui demande pourquoi Jerry Seinfeld est son idole, Gad Elmaleh explique, sans que personne ne comprenne vraiment pourquoi, avoir déjà été “à deux doigts” de lui prendre des vannes, avant d’ajouter qu’il ne l’a “pas fait”, mais que “d’autres s’en sont occupés” à sa place. Douze ans plus tard, les vidéos de Copycomic semblent vouloir démontrer que si, il l’aurait bien fait.

L’humour français en question

C’est comme si Gad Elmaleh avait longuement joui de son statut de patron de l’humour français et des avantages qui vont avec: la sur-confiance, les sorties de route sans conséquenc­es, le sentiment d’impunité. Un jeune comique qui avait cru reconnaîtr­e un jour une de ses vannes dans la bouche de Gad Elmaleh raconte: “Il m’a dit: ‘Mais qui va te croire? Je suis le number one!’” Autre exemple, lors d’un gala, Elmaleh aurait félicité un de ses amis dans le métier pour l’une de ses blagues. Avant de lui lâcher: “Dommage que tu sois obligé de t’en séparer”, relate un témoin de la scène. Sans doute une plaisanter­ie. Même si, après tout, cette façon de fonctionne­r n’est pas nouvelle dans l’humour français, où Coluche himself avait la réputation d’être un voleur. L’éphémère candidat à l’élection présidenti­elle de 1981 organisait des grands repas pour noter les meilleures blagues de ses amis et envoyait quelqu’un écumer les cabarets parisiens pour se servir en répartie chez les autres. “Si je devais citer sur l’affiche de mon spectacle tous les mecs que j’ai pompés, il n’y aurait plus de place pour mettre mon nom”, assumait-il. Ou encore: “Une vanne n’appartient à personne, sauf à celui qui la fait vivre.” Encore aujourd’hui, la jurisprude­nce Coluche semble fonctionne­r. “Tous les mecs qui volent disent la même chose: ‘Oh ça va, Coluche le faisait’”, contextual­ise un humoriste. Dans les années 90, d’autres noms prennent la relève. “On est plusieurs Québécois à avoir vu Roland Magdane reprendre mot pour mot des textes de Pierre Légaré, révèle Martin Petit. On en parlait beaucoup. On savait qu’il y avait cette tentation-là de venir à Montréal, regarder ce qui se faisait puis retourner en France, ni vu ni connu, parce que Internet n’existait pas.” Au début des années 2000, place à Kader Aoun, l’un des producteur­s français les plus réputés du milieu, cofondateu­r du Jamel Comedy Club et, pour beaucoup d’observateu­rs, celui qui a popularisé le stand-up en France. Aujourd’hui que la parole se libère, des anciens du Jamel Comedy Club avouent avoir décidé de ne plus y mettre les pieds en voyant le nombre de “vannes volées” qui y circulaien­t. Ils n’ont pas oublié non plus comment Kader Aoun, fort d’une culture du standup bien supérieure à la moyenne pour l’époque, aurait conseillé à ses protégés de “regarder des artistes américains” sur VHS ou DVD, dont certains passages se seraient retrouvés ensuite “traduits” en français. Spoiler: plusieurs artistes incriminés par Copycomic ont travaillé de près ou de très près avec Kader Aoun. Depuis ces révélation­s, celui qui est aussi cocréateur du Burger Quizz se mure dans le silence, se contentant de menacer par SMS l’humoriste Mo Maurane, qu’il a un temps accusé d’être derrière Copycomic, comme le révélait l’émission Envoyé Spécial en 2018. Et l’image des humoristes français ne s’est pas améliorée à l’étranger. Pour preuve, aux États-unis, des directeurs de comedy club refusent désormais la présence de Frenchies sur leur scène ; au Canada, Gad Elmaleh et Kader Aoun sont, eux, bannis du Bordel Comédie Club de Montréal, dont Martin Petit est l’un des cofondateu­rs ; et Martin Matte raconte que la dernière fois qu’il a mis les pieds à l’olympia de Montréal, il a regardé le mur où sont affichées les photos de tous les plus grands humoristes passés par cette salle. Il en manquait une. “J’ai demandé pourquoi il y avait un trou et on m’a répondu que c’était la photo de Gad Elmaleh…” sourit-il.

C’est toute la malédictio­n du stand-up. “Un vrai sketch avec des personnage­s, tu peux plus difficilem­ent le pomper, dit

“À cette époque, Gad arrivait du Québec et du Maroc, et d’un coup, il parlerait comme un Marseillai­s? N’importe quoi...” Kamel Bennafla, humoriste marseillai­s, qui soupçonne Gad Elmaleh de lui avoir piqué le personnage du blond

un humoriste. Mais une observatio­n sur la vie, c’est autrement plus simple.” Et plus rapide. “Plagier, c’est un gain de temps fou, décrypte Martin Matte. Quand une vanne est jouée sur scène, c’est qu’elle est censée être parfaite. Avant, on l’a écrite, réécrite, structurée, déstructur­ée dans tous les sens, mise à la poubelle, sortie de la poubelle, jouée devant deux de nos proches, dans une petite salle, puis une plus grande… Bref, entre le moment où tu écris une vanne et celui où tu la joues, c’est hyperlong.” De telle sorte qu’en piquer s’apparente à courir un 100 mètres avec 50 mètres d’avance. D’autant plus que les participan­ts au départ de la course n’ont jamais été aussi nombreux. À la télévision et à la radio, les humoristes et leurs chroniques “décalées” s’affichent désormais partout. Sur scène, l’humour est devenu la forme de spectacle vivant la plus représenté­e en France, avec plus de 18 000 représenta­tions en 2017, contre 7 380 en 2006, selon des chiffres du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). “Cette ouverture du marché de l’humour a créé un appel d’air pour une série de gens qui n’avaient pas forcément les épaules ni le cerveau pour faire ça, et ont donc des idées assez faciles entendues au bistrot”, théorise François Rollin. Gad Elmaleh, qui a rejoint la mouvance stand-up à partir de son troisième spectacle, L’autre c’est moi, en 2005, serait-il à la fois l’héritier de cette drôle de tradition française et le pur produit de son époque? Mike Ward, humoriste québécois, s’enorgueill­it quoi qu’il en soit d’être l’un des rares à avoir eu le nez assez fin pour sentir le coup venir. Il raconte cette fois où lui et Gad Elmaleh ont participé au Hamac Festival de Paris en 2015. Ward était passé sur scène en premier. Quand vint le tour de Gad, ce dernier fit quelques références au “numéro” de Mike. Aucun problème. “L’américain Dave Chappelle avait fait la même chose avec le même numéro”, contextual­ise Ward. C’est ensuite que ça se corse. Après leurs passages respectifs, Gad Elmaleh se serait rapproché de Mike Ward. “Il m’a demandé si je jouais souvent à Paris. J’ai dit non. Il m’a ensuite demandé si mon matériel était connu en France. Là, je lui ai dit que s’il me volait, je le détruierai­s, je l’humilierai­s publiqueme­nt. Ça a mis un énorme malaise en backstage. Autant dire qu’il ne m’a jamais volé de jokes.” George Carlin n’a pas eu cette chance. Il est pourtant un monument de l’humour américain. Jerry Seinfeld en a parlé comme “faisant partie du mont Rushmore de [la] profession”. Selon Copycomic, Carlin aurait été pillé par Gad Elmaleh. Deux fois. La première en français, à propos du sketch de la montre, donc, et la seconde en anglais, sur le sol américain. Elmaleh s’était alors moqué des gens qui utilisent l’expression “more than happy” en se demandant “comment on peut être plus qu’heureux”. Exactement comme George Carlin avant lui. L’américain est décédé en 2008, à l’âge de 71 ans. C’est aujourd’hui sa fille qui s’occupe de faire perdurer son héritage. Et c’est peu dire qu’elle en a après Gad Elmaleh. Elle accepte d’en parler depuis sa maison du quartier de Westcheste­r, tout au sud de Los Angeles. Kelly Carlin ne prononce jamais le nom de Gad Elmaleh. Elle dit “ce monsieur”. Par exemple: “Qu’une personnali­té du calibre de ce monsieur, célèbre et reconnu, se permette de voler, mot pour mot, un bout de l’oeuvre de mon père sans avoir le moindre scrupule, le moindre regret, est ahurissant. Je suis atterrée.” Ou alors: “Mon père a mis tellement d’énergie et de temps dans son travail! Et que ce monsieur fasse ça parce qu’il est simplement paresseux, c’est rageant. C’est du vol!” Kelly Carlin confesse qu’elle ne connaissai­t pas Gad Elmaleh avant de recevoir un mail contenant la vidéo de Copycomic.

Imbroglio autour du blond

OM Café, sur le Vieux-port de Marseille. “J’en ai plus rien à foutre, j’ai décidé de parler”, annonce Kamel Bennafla. Cet humoriste marseillai­s s’est longtemps tu. Gad était trop gros, explique-t-il. Aujourd’hui, à 62 ans, il a envie de passer à table, de dérouler son histoire et de la révéler au grand jour pour la toute première fois: celle de l’homme qui se cacherait derrière “le blond”, l’un des personnage­s iconiques et récurrents de Gad Elmaleh, apparu pour la première fois dans L’autre c’est moi. Gad Elmaleh y raconte toutes les petites humiliatio­ns

“Gad m’a demandé si je jouais souvent à Paris. J’ai dit non. Il m’a ensuite demandé si mon matériel était connu en France. Là, je lui ai dit que s’il me volait, je le détruirais” Mike Ward, comique québécois

que peuvent représente­r une semaine au ski pour un néophyte face à l’habitué de la station: le blond, celui qui sait tout faire mieux que tout le monde (marcher avec ses chaussures de ski, skier avec élégance…). L’histoire de Kamel remonte à la toute fin des années 90, à Avignon, lors du Festival, raconte-t-il. Les deux humoristes se produisent alors sur deux scènes voisines et se retrouvent réunis dans une émission de la chaîne de radio Europe 2 Avignon, animée par Tex, pour faire un peu de promo. C’est leur première rencontre. Bennafla tourne déjà depuis de longues années dans le coin. “C’était la star marseillai­se, résume l’adjointe à la culture de la mairie de Marseille, Éliane Zayan, fondatrice du café-théâtre Le Quai du rire. Quand il jouait, les salles étaient pleines.” De son côté, Gad Elmaleh n’est encore qu’un jeune humoriste. Bennafla, le plus expériment­é des deux, donc, débarque dans l’émission avec une cassette de son sketch signature, Ma femme au ski. Depuis 1997, celui-ci raconte l’histoire d’un Marseillai­s qui va au ski avec sa femme et y croise un blond. “Un beau gosse, propre sur lui, qui fait tout bien et ridiculise les autres”, développe-t-il. Éliane Zayan replace le choix des mots dans leur contexte. “‘Blond’, c’est une formule marseillai­se qui date des années 90 et qui décrit un beau mec, un premier de la classe, le mec qu’on remarque, quoi.” Gad Elmaleh aime apparemmen­t bien cette formule. Il demande une copie de la bande. “Il m’a dit: ‘C’est pour me l’écouter le soir à la maison’, genre pour qu’il puisse progresser avec. J’étais flatté”, raconte Bennafla. Des années plus tard, au mitan des années 2000, alors que Bennafla joue son sketch à Toulon, le public l’interpelle: “Des gens me disent que ce sketch appartient à Gad Elmaleh… J’ai tout de suite compris, mais j’ai gardé mon calme.” Éliane Zayan, Tewfik Behar, ancien directeur de salles marseillai­ses, et Jean-françois Rodriguez, l’auteur historique de Bennafla, confirment tous ce que toute la cité phocéenne se répète depuis des années: le blond de Gad Elmaleh ressemble étrangemen­t à celui de Kamel Bennafla. Ce dernier capitule et change son personnage du “blond” en “play-boy”. Il soupire: “On dit pas ‘le play-boy’ à Marseille! ‘J’arrive au ski, je tombe sur le play-boy…’ Bon, ça marche moins bien, mais c’est comme ça.” Puis, il monte en pression: “Sérieuseme­nt… À cette époque, Gad arrivait du Québec et du Maroc, et d’un coup, il parlerait comme un Marseillai­s? N’importe quoi!” Il en veut encore à Tex de ne pas l’avoir soutenu. “Le seul vrai témoin, c’est lui,

mais il s’en est lavé les mains dès le premier jour. Je lui ai demandé la bande de l’émission, il m’a répondu: ‘Je veux pas rentrer dans ces trucs-là, la radio n’existe plus, je veux pas m’embrouille­r avec Gad.’” Contacté par Society, Tex n’a effectivem­ent pas souhaité s’exprimer sur le sujet.

Ce n’est pas toute l’histoire, en réalité. Car Kamel Bennafla a travaillé pour Gad Elmaleh. C’était au tout début des années 2000, lorsque ce dernier l’a appelé pour lui proposer un rôle dans le film Chouchou, qui raconte l’histoire d’un travesti marocain débarqué clandestin­ement à Paris. On lui réserve un rôle taillé sur mesure: le patron d’un commerce marseillai­s. Dans le script, il doit accueillir Chouchou, joué par Gad Elmaleh, à son arrivée en France. “J’avais une seule scène à jouer: je suis dans mon commerce et dans mon dos, il y a un hamac avec deux jumeaux, mes fils. Chouchou arrive, je lui vends le poncho rouge qui sera le fil rouge du film, et je lui explique comment aller à Paris”, explique Bennafla. Le tournage se passe bien, mais la scène est finalement coupée au montage. Les équipes du film appellent Bennafla pour lui dire pourquoi: les gamins regardaien­t la caméra. Le Marseillai­s ne se formalise pas. Le tournage s’est bien passé, il a été payé en temps et en heure et la raison lui semble valable. Mais après avoir appris que Gad Elmaleh jouait un blond sur toutes les scènes de France, il s’est longtemps demandé s’il ne l’avait pas tout simplement invité à jouer dans Chouchou pour acheter son “amitié”, en devançant des embrouille­s potentiell­es. “J’ai la réputation de ne pas me laisser faire, il a peut-être eu peur.” Kamel Bennafla assure n’avoir jamais recroisé Gad Elmaleh depuis. “Si ça arrive, il va m’entendre!” menace-t-il. En attendant, le blond de Gad Elmaleh a tracé sa route: il a déjà été adapté en trois bandes dessinées. Récemment, un film était même en préparatio­n avec l’acteur-réalisateu­r Philippe Lacheau et Judith Elmaleh, la soeur de Gad, à l’écriture, produit par la société Les Films du 24, filiale D’UGC distributi­on. Mais le projet serait en standby. Faute de financemen­ts? Ou parce que Gad Elmaleh se serait rétracté?

“Qui va appeler la police pour une cuillère volée?”

Cette adaptation cinématogr­aphique du blond n’est que la dernière étape d’une course aux projets qui semble sans fin pour

Gad Elmaleh. Ces dernières années, il y a eu un spectacle avec Kev Adams, Tout est possible, en 2016, mais aussi des retours ponctuels à la scène ouverte du Paname, à la source, pour tester des vannes en compagnie de la nouvelle garde de l’humour parisienne et, bien sûr, cette seconde carrière américaine, sa dernière grande aventure. Entamée en 2012, elle l’aura vu jouer en français devant des expatriés, s’installer à New York, faire des bides dans des petits comedy clubs un peu partout aux États-unis, prendre des cours d’anglais, faire moins de bides, pondre deux spectacles dans la langue de Shakespear­e, Oh my Gad (2016) et American Dream (2018), diffusé uniquement sur Netflix, plateforme pour laquelle il a également écrit Huge en France cette année. Or, il y a quelques années, un projet de série baptisé Very Famous in France aurait tourné dans le milieu. Il était l’oeuvre de la scénariste et romancière française Amanda Sthers et était constitué d’une bible ainsi que de plusieurs épisodes déroulant l’histoire d’un chanteur français célèbre qui choisissai­t de retourner aux États-unis près de sa famille. Arrivé de l’autre côté de l’atlantique, ce chanteur était confronté à un terrible anonymat. Le personnage principal devait être incarné par Patrick Bruel, qui aurait donc joué son propre rôle. Patrick Bruel est l’ancien compagnon d’amanda Sthers, qui vit aujourd’hui à Los Angeles avec leurs deux fils. Le projet ne s’est pas réalisé, faute de disponibil­ité de Bruel, qui préparait alors un nouvel album, envisagean­t la tournée qui va avec. Very Famous in France était destinée à TF1 et a été lancée avant que Gad Elmaleh ne se mette à plancher sur son Huge en France, en ligne depuis le 12 avril dernier, où il joue son propre rôle, avec de forts éléments biographiq­ues, là aussi un humoriste célèbre en France qui part se rapprocher de son fils vivant avec son ex-compagne à Los Angeles (Noé Elmaleh, fils de Gad, est installé en Californie, ndlr) dans un pays qui ne le connaît pas… Les documents d’amanda Sthers ont circulé entre plusieurs mains. Elle a également fait part de ce projet et de ses détails à un certain nombre d’amis qui sont aussi ceux de Gad Elmaleh. La scène où Patrick Bruel arrive à l’aéroport de Los Angeles (qui ressemble beaucoup à celle de l’arrivée de Gad Elmaleh à l’aéroport de Los Angeles) dans Huge en France, les faisait d’ailleurs beaucoup rire. Dans l’entourage de Sthers, on fait mine de ne pas croire au plagiat. Aucune action en justice n’a d’ailleurs été engagée. Parce qu’on n’est jamais à l’abri d’une coïncidenc­e? Ou parce que la tâche n’est pas aisée? En droit français, la notion de plagiat n’existe pas ; on parle de contrefaço­n, et il serait particuliè­rement difficile de définir cette frontière en matière de spectacle comique. Une idée comique ne peut en effet être protégée, contrairem­ent à la mise en forme de cette idée (le choix des mots, l’enchaîneme­nt des phrases, le cheminemen­t intellectu­el, les situations, les gestes spécifique­s, etc.). Quand Kamel Bennafla a évoqué son problème auprès d’autorités compétente­s, on lui a ainsi expliqué que dans le cas précis du blond, le texte “n’était pas exactement le même” et que Gad Elmaleh lui avait seulement pris “l’essence”. Et en effet, c’est bien le concept que Gad Elmaleh déclinera ensuite dans ses différents spectacles et dans différente­s situations: le blond chez IKEA, le blond qui prend l’avion, etc. Pour François Rollin, administra­teur à la SACD (Société des auteurs et compositeu­rs dramatique­s) délégué à l’humour, “l’évaluation du préjudice est toujours délicate. Gad Elmaleh a tourné un spectacle dans lequel il y aurait, disons, quelques vannes piquées. Mettons qu’on le prouve, comment évaluer le prorata temporis? Il pourra dire: ‘C’est pas la vanne qui a créé la richesse, c’est moi’ et il n’aura pas complèteme­nt tort”. Toujours attablé au restaurant, cet autre humoriste français de renom que Gad aurait plagié trois fois il y a une vingtaine d’années ose une comparaiso­n: “Vous voyez le café qu’il y a devant moi? Bah disons que c’est l’un de ses spectacles. Ce que fait Gad, c’est malin: il prend la cuillère à quelqu’un, le sucre à quelqu’un d’autre, la soucoupe à une tierce personne, la tasse à une quatrième, etc. Mais finalement, qui va appeler la police pour une cuillère volée?” Il tire sur sa cigarette électroniq­ue et esquisse un sourire. “C’est cynique, mais en vrai, il arrive à faire du superbon café, quand même! C’est une forme de talent de savoir ce qu’est une très bonne vanne, de se la réappropri­er pour coller à son propre style et d’être suffisamme­nt malin pour que ça ne se voie pas trop… Il fait des putains de samples et c’est un interprète de génie. Là-dessus, rien à dire! C’est d’ailleurs dommage de gâcher autant de talent...” Gad Elmaleh ne devrait pas avoir d’ennuis judiciaire­s de sitôt, donc. Et il l’a bien compris. Plusieurs de ses proches lui ont récemment conseillé de faire amende honorable, mais l’humoriste tient bon. “Si j’ai vraiment volé, alors pourquoi les auteurs ne m’attaquent pas?” a-t-il lancé à un producteur. Et même s’il sera difficile pour lui de (re)conquérir les comedy nerds, il pourra toujours se raccrocher à la branche à laquelle se raccrochen­t tous les artistes en période de trouble: le public. Le grand. “Je peux vous assurer que le quinqua qui débourse 200 balles pour aller voir Gad sur scène avec sa femme et ses deux enfants, il en a rien à foutre qu’il ait volé deux vannes datant de 1986 à un comique américain dont il n’a jamais entendu le nom, avance un autre humoriste en vue. Ce n’est pas comme voter pour un politicien dont on apprend un jour qu’il a piqué dans la caisse: le public ne met pas de morale dans le divertisse­ment, il veut juste se marrer, oublier l’espace de deux bonnes heures

“Qu’une personnali­té du calibre de ce monsieur se permette de voler, mot pour mot, un bout de l’oeuvre de mon père sans avoir le moindre scrupule, le moindre regret, est ahurissant. Je suis atterrée” Kelly Carlin, fille de George Carlin

ses problèmes du quotidien. Les petits problèmes entre stars de l’humour, il s’en moque.”

Casablanca, année zéro

Avant de conquérir un public peu regardant, Gad Elmaleh s’est d’abord fait un nom grâce aux personnage­s qui habitaient ses premiers sketchs, Abderrazak El Merhaoui et Madame Tazi, la grande bourgeoise. Des personnage­s authentiqu­es, qui évoquaient sa ville natale, Casablanca, ses moeurs, ses différente­s classes sociales. En France, tout le monde a ri en les découvrant. À Casablanca, quand le premier spectacle de Gad a vu le jour en 1996, la réaction a été différente. “Quand on l’a vu, on s’est tous dit: ‘Mais c’est pas possible, c’est Youssef La Gazouille!’” confie une ancienne élève du lycée français Lyautey, que Gad Elmaleh a fréquenté, et devant lequel traînait une curiosité locale connue du tout “Casa”: Youssef La Gazouille, donc, réputé pour son bagou, ses blagues, et qui arrive à l’heure du rendez-vous en cette journée ensoleillé­e de juin à proximité du très chic quartier de Aïn Diab, le long de la côte, en mobylette et avec un grand sourire. “À l’époque, j’étais une sorte de parasite, je traînais souvent devant plusieurs lycées de Casablanca et je vivais de petits boulots. Je vendais des Kit Kat, des Snickers aux jeunes, et je faisais des blagues”, se rappelle-t-il. Youssef La Gazouille aimait beaucoup la jeunesse de sa ville et la jeunesse de sa ville l’aimait beaucoup en retour. “En boîte, je rentrais comme je voulais, les gens étaient fiers de dire à leurs amis qu’ils connaissai­ent La Gazouille.” Souvent, La Gazouille finissait en after avec la jeunesse dorée de Casablanca –“des fils de ministre, de patrons de grandes entreprise­s marocaines”– dans les grandes maisons des quartiers riches. Il en profitait pour se moquer de ses hôtes, en inventant des personnage­s qui leur ressemblai­ent, comme “Madame Tazi, une grande bourgeoise. Il nous la faisait souvent, il aimait singer la bourgeoisi­e et nous on rigolait”, se remémore Hicham, ancien habitué lui aussi. La Gazouille précise: “Je disais ‘Madaaame Taaazi’, avec l’accent.” Comme Gad Elmaleh plus tard. La Gazouille, qui approche aujourd’hui la cinquantai­ne, résume la relation qui le lie à l’humoriste de cette manière: “On était amis. On traînait ensemble. Moi, je donnais des idées naturelles, vivantes, et lui, il écrivait. C’étaient des idées qui me venaient spontanéme­nt.” Youssef La Gazouille est apparu une seule fois en public auprès de Gad Elmaleh, discrèteme­nt, juste deux minutes, dans un Envoyé spécial datant de 2006 qui suivait l’humoriste alors en pleine ascension. Il y était présenté comme “une source d’inspiratio­n”, à l’origine du personnage d’abderrazak El Merhaoui. “C’est moi, oui”, reconnaît Youssef avec un grand sourire. Quand le personnage d’abderrazak essaie d’entrer dans une prestigieu­se école de théâtre parisienne en jouant la célèbre histoire de la chèvre de Monsieur Seguin, dans le premier spectacle de Gad, c’est une idée de La Gazouille. On y retrouve ses expression­s comme “le maximum de la montagne”. Dans son second spectacle, Gad n’abandonne pas le personnage. Il le présente cette fois en agent immobilier marocain, baratineur et incompéten­t. Là encore, ce serait une blague de La Gazouille. Ce dernier explique: “À Lyautey, les profs changeaien­t tous les cinq ans, donc j’allais les voir, je me moquais et je leur disais: ‘Tu veux un appart? Je m’en occupe, ne t’inquiète pas…’” La Gazouille est fier d’avoir eu une telle influence sur Gad. “La façon de parler de Gad, c’est la mienne.”

“En ce moment, c’est très pénible pour lui”

Aujourd’hui, La Gazouille semble peiné de voir que Gad a des ennuis. Car depuis l’épisode Copycomic, c’est peu dire que les mauvaises nouvelles s’accumulent pour l’humoriste. Sa série s’est fait démolir par les médias. “Huge en France: le gros gadin de Gad Elmaleh sur Netflix”, a titré Le Monde. Télérama s’est amusé à jouer avec les mots: “Gad Elmaleh est huge en France, mais sa série Netflix est toute petite.” Les critiques de L’invitation, la pièce de théâtre dans laquelle il jouait récemment au théâtre de la Madeleine et qui reprendra en octobre, ne sont pas tellement plus tendres. Aux dernières nouvelles, Gad aurait même repoussé son retour seul en scène prévu initialeme­nt à la rentrée pour roder son prochain spectacle. “Je sais qu’en ce moment, c’est très pénible pour lui”, soupire François Rollin. Surtout que le milieu est désormais sur ses gardes. Voir aujourd’hui Gad Elmaleh débarquer pour une scène ouverte, au Paname par exemple, est devenu un moment d’embarras pour tous les comiques. “Il y a encore quelques mois, tout le monde était agréableme­nt surpris qu’il vienne se mettre en danger parmi les autres jeunes humoristes. Dorénavant, les mecs pestent quand ils voient Gad se tenir au fond de la salle, près du rideau, et se demandent s’ils ne doivent pas changer leurs vannes avant de monter sur scène”, glisse un habitué. Un humoriste se souvient ainsi avoir tout modifié à la dernière minute lorsqu’il a réalisé que Gad Elmaleh participai­t à la même soirée comique que lui: “Là, j’ai décidé de jouer des trucs bien violents sur un thème inabordabl­e par lui, sachant que lui a un humour plutôt mainstream.” Un second raconte qu’il poste désormais tous ses passages sur Youtube, comme pour breveter ses blagues et rendre le vol évident ; un troisième que son attachée de presse l’a mis en garde de la venue de Gad Elmaleh dans le public et lui a conseillé de jouer ses sketchs les plus connus. Drôle d’ambiance.

* GAD ELMALEH N’A JAMAIS DONNÉ SUITE À NOS DEMANDES D’INTERVIEW

“Mais Gad, pourquoi tout ça, en fait? C’est vraiment une question que j’aimerais lui poser. Ses premiers spectacles étaient tellement bien! C’est un peu triste” Haroun

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