CITÉ DES CERFS
À Nara, ancienne capitale du Japon située près d’osaka, les cerfs ont droit de cité absolu: protégés par la loi car historiquement considérés comme les serviteurs des dieux, ils ont fait de la ville leur terrain de jeu, véritable extension naturelle de la forêt environnante de laquelle ils descendent mystérieusement tous les matins pour venir frayer avec les humains, avant de s’y retirer à la nuit tombée. “Selon la légende, un dieu du temple shintoïste Kasuga-taisha serait venu à Nara sur un cerf blanc”, explique Yoko Ishii, documentariste et “photographe de cerfs” depuis 2011, dont les photos seront visibles à la Galerie Joseph, à Paris, du 7 au 10 novembre. La cohabitation entre les citadins et ces cervidés sacrés est globalement paisible. “Pour les habitants de la ville, la présence des cerfs est complètement normale, reprendelle. Les touristes peuvent les nourrir avec des biscuits spéciaux, et une organisation appelée Fondation pour la préservation du cerf de Nara se charge de prévenir les éventuels problèmes de cohabitation. Par exemple, elle s’occupe d’isoler les biches enceintes afin qu’elles puissent accoucher tranquillement au printemps, et coupe les ramures des cerfs à l’automne, seule période où ils peuvent être potentiellement dangereux.” Cette enthousiaste des bêtes à bois compare les visions de ces troupeaux gambadant dans le métro et autres infrastructures humaines aux images apocalyptiques post-fukushima, où les vaches abandonnées sur place se déplaçaient librement dans une zone désertée par l’homme, reprenant leurs droits sur Terre. “Dans le reste du Japon, les cerfs sont appréhendés comme des créatures nuisibles qui endommagent les cultures et les forêts, alors qu’ici, ils sont protégés. Pour moi, la figure du cerf est un miroir de la contradiction humaine.”