Society (France)

Une page de pubs

Plus grande chaîne de pubs du Royaume‑uni, JD Wetherspoo­n est célèbre pour ses prix très bas, ses moquettes psychédéli­ques, ses grands établissem­ents dénués d’âme et son propriétai­re euroscepti­que. Voyage dans le laboratoir­e de l’angleterre pro‑brexit.

- PAR THOMAS ANDREI, À LONDRES, HENLEY-ON-THAMES ET BIRMINGHAM / PHOTOS: THEO MCINNES POUR SOCIETY

Plus grande chaîne de pubs du Royaume-uni, JD Wetherspoo­n est célèbre pour ses prix très bas, ses moquettes psychédéli­ques, ses grands établissem­ents dénués d’âme et son propriétai­re pro-brexit. Reportage au coeur de l’angleterre qui veut quitter l’europe.

Boris Johnson a les muscles du visage crispés par la concentrat­ion. Ses yeux sont plissés, tournés vers le bas. Ses gros doigts blancs font action de levier. On est le 10 juillet 2019, l’ancien maire de Londres brigue la tête du Parti conservate­ur et, donc, celle du pays. À douze jours du vote des adhérents, il tire une pinte de Knight of the Garter, une pale-ale signée Windsor & Eton. Logée au bord de la Tamise, la brasserie n’est qu’à six minutes du collège d’eton, prestigieu­x internat pour garçons où le futur Premier ministre, plus jeune, fit ses études et rencontra l’un de ses prédécesse­urs, David Cameron. Pourtant, la photo publiée par le tabloïd The Sun vise à elle seule à sortir Johnson de la case “élites”. Opération de communicat­ion classique. Avant Johnson, Margaret Thatcher, Tony Blair ou encore Nigel Farage sont tous déjà passés par là. “En Angleterre, apparaître avec une bière à la main permet de dire: ‘Je suis aussi britanniqu­e que vous, je vous comprends’, décrypte Judi Atkins, professeur­e de politique à l’université Aston de Birmingham. Évidemment, ça exclut la population musulmane qui ne boit pas d’alcool, ce qui suggère que cette communauté ne les intéresse pas. La cible est ouvrière et blanche.” Ce qui, dans le cas de Boris Johnson, n’est pas un problème: il s’agit du gros de sa clientèle.

À droite sur le cliché, on retrouve le mètre 98 de Tim Martin, regard bienveilla­nt et sourire fier. Tim Martin est le propriétai­re de la chaîne de pubs JD Wetherspoo­n, qui possède l'établissem­ent où la photo a été prise. Euroscepti­que, Tim Martin l’est depuis bien plus longtemps que son Premier ministre. En 2002, il développai­t la première version de son outil de propagande privilégié: des dessous de verre frappés de messages politiques. Le premier du genre, imprimé à un demimillio­n d’exemplaire­s, représenta­it un verre de bière sur lequel était dessiné le signe ¤, accompagné d’un slogan qui suggérait qu’on lui tire dessus. Mais c’est pendant la campagne pour le Brexit que Tim Martin est véritablem­ent devenu célèbre. En plus de financer le camp “LEAVE” à hauteur de 230 000 euros, il lance alors de nouveaux dessous de verre qui s’adressent directemen­t à Christine Lagarde ou au chancelier de l’échiquier, chargé des finances et du Trésor, George

Osborne, accusé de “faire confiance au FMI”. Les charges sont conclues par des formules de politesse telles que “yours sincerely” ou “best wishes, Tim Martin”. Le 1er novembre 2017, constatant que le Royaume-uni n’a pas encore largué les amarres, un demi-million de sous-verres sont fabriqués. Les morceaux de carton réclament cette fois au gouverneme­nt la cessation de paiement de diverses taxes à Bruxelles. Une partie des 43 000 employés de la chaîne réagit en dénonçant “une dangereuse opération de propagande”, mais cela n’arrête pas le créateur de JD Wetherspoo­n. En juin 2018, Martin annonce un plan sur deux ans visant à supprimer de ses bars tout alcool provenant de pays membres de L’UE. Première victime: la Jägermeist­er, d’origine allemande, est remplacée par l’english Strika. Quelques semaines plus tard, le champagne laissera sa place à un vin britanniqu­e pétillant.

L’agitateur est loin d’avoir une influence anecdotiqu­e. Le groupe JD Wetherspoo­n possède tellement de pubs, au Royaumeuni et en Irlande, que Martin n’est même pas sûr de savoir combien exactement. Huit cent soixante-seize? “Quelque chose comme ça”, lâche-t-il, assis au Shakespear­e’s Head, dans le quartier d’affaires londonien d’holborn. Il se souvient en revanche très bien de son premier rade, Martin’s Free House, ouvert en décembre 1979 dans le nord de Londres.

Il a alors 24 ans. Jeune homme, Martin, dont le père occupa un temps le poste de directeur marketing de Guinness Malaisie, aime surtout boire des real ales, un type de bière que l’on trouve rarement dans les vieux pubs londoniens, à l’époque. Son idée est d’ouvrir un établissem­ent qui ne vende que ça. Un peu tendre. En outre, Martin a du mal à tenir sa clientèle. Un soir, il se voit obligé de balancer son poing dans le visage d’un client qui refuse de quitter les lieux à la fermeture. “Une fois, quelqu’un a brisé la fenêtre où il y avait marqué ‘Martin’s Free House’. Il a fallu la remplacer. Alors, pour rigoler, j’ai donné au pub le nom de ce prof que j’avais eu, toujours débordé par la classe. Monsieur Wetherspoo­n.” C’est le début d’une autre aventure. La chaîne devient vite un empire, coté en bourse. En 2018, la fortune de Tim Martin était estimée à plus de 300 millions de livres.

“T’es pas là pour passer la soirée”

La recette de son succès, dupliquée du Sud de l’angleterre au Nord de l’écosse, est connue de tous: des prix tellement bas qu’ils en sont devenus cultes, au point d’inspirer des chansons. Au nord-ouest de Londres, dans le quartier de Cricklewoo­d, Tom Birch, 27 ans, prend en photo la devanture du “Spoon” local, The Beaten Docket, avant d’entrer. En jean sombre et veste de sport rouge sang, le musicien commande une Hop House, lager irlandaise. La veille, il sortait Bloom, un premier album inspiré par Pete Doherty qui parle de sacs en papier, de bière éventée et qui sent fort l’austérité. La piste numéro 9 s’intitule Wetherspoo­n Blues. “‘And I know when you’re with me, I get a meal for two for 3.50’, cite Birch. C’est la préférée des gens. La blague, c’est qu’avoir une copine qui bosse chez Wetherspoo­n ne sert pas à grand-chose. C’est tellement peu cher que son discount est inutile.” Charpentie­r pour payer les factures, Birch a grandi à Aylesham, village minier près de Douvres, dans une circonscri­ption où le vote pro-brexit s’est élevé à 62,2%. Lorsqu’il sort avec ses potes, c’est toujours chez Wetherspoo­n que la soirée commence. “Si tu n’as pas beaucoup d’argent, c’est là que tu dois aller, explique-t-il. C’est pas bien plus cher que de commencer à boire chez toi et tout le monde est là. Puis c’est moins cher que Mcdonald’s et pour cinq livres, tu peux avoir une pinte avec ton burger et tes frites.” Birch se marre, se remémorant le soir où, sa pinte

“C’est pas bien plus cher que de commencer à boire chez toi et tout le monde est là. Puis c’est moins cher que Mcdonald’s et pour cinq livres, tu peux avoir une pinte avec ton burger et tes frites”

Tom Birch, musicien

à peine posée sur la table, son plat sortait déjà des cuisines. “Ils ont sûrement juste foutu ça dans le micro-ondes, grimace-t-il. Pas grave. T’es pas là pour passer la soirée.” Avec quinze livres, Birch avale plusieurs pintes, descend quelques shots et ressort lancé pour le reste de la nuit. Sans sourire, il avoue ne pas avoir en tête “un seul super moment” passé chez Spoon. “C’est toujours un peu pareil. Les bières sont toujours les mêmes, les gens aussi.” Le chanteur jette un regard oblique au vieil homme assis près de lui. Avec pour seuls compagnons deux sacs de plastique blanc posés sur la banquette, il fixe le fond du pub, comme s’il scrutait l’horizon. Sur un crâne dégarni, ses doigts s’entremêlen­t dans la position du fan de foot dont l’équipe vient de concéder un but crucial. “J’ai remarqué que beaucoup d’hommes sont pro-brexit sur les chantiers de constructi­on, balance Birch. Mon père, par exemple. Il allait au boulot, et plus personne ne parlait anglais. En Angleterre. C’était très frustrant pour lui.” Le parolier innocent reprend une gorgée. “Bon, mais je n’y connais pas grand-chose. La plupart des gens ne comprennen­t rien au Brexit. Ils font juste semblant. Moi, je préfère l’avouer.”

Dans la rue, l’image de la clientèle de Spoon est comme décrite par Birch: des hommes blancs entre deux âges. Au Beaten Docket, le cliché se vérifie d’un coup d’oeil. Selon une ancienne employée, Sally Gould, les Spoon de Derby, au centre de l’angleterre, accueillen­t une population similaire. En 1999, quelques semaines après la naissance de son premier enfant, Gould commence derrière le bar du Standing Order, dans une contrée où le vote “LEAVE” a réalisé le score de 57,2%. “Chaque jour, je voyais les mêmes visages faire la queue au comptoir pour avoir leur premier verre. Des hommes âgés, souvent négligés et frêles. Ils restaient jusqu’à 16h à boire des pintes de Spitfire.” Trop faible après l’accoucheme­nt, Sally démissionn­e au bout de quelques semaines. Cinq ans plus tard, elle signe dans une autre branche du Derbyshire. “On était pénalisés si on n’incitait pas les clients à acheter plus d’alcool que ce qu’ils voulaient, assuret-elle. Ce qui n’est pas terrible, surtout lorsqu’on parle de clients qui sont déjà vulnérable­s. C’est leur business model.” Un autre ancien, David Markham, confirme l’existence de ces pratiques, de 2006 à 2015, dans les cinq branches de l’est de Londres où il a travaillé. Il nuance tout de même: “En même temps, les caisses

avaient un paramètre ‘refus de service’, où l’on devait expliquer pourquoi on ne servirait pas le client. Le fait que ce dernier soit ivre était un critère. La compagnie n’a pas de mauvaises politiques, mais elles ne sont pas toujours bien appliquées.”

“Un lieu égalitaire où les barrières sociales tombent”

Une pinte de Stella entre ses mains, la docteure Judi Atkins se permet, elle, de qualifier les Wetherspoo­n “d’usines à boire”. Un vendredi à 13h, elle se cale dans un box en bois du Square Peg, branche du coeur de Birmingham, seule ville majeure du Royaume-uni à s’être majoritair­ement déclarée pour une sortie de l’union européenne. Avant de devenir un pub Wetherspoo­n, le Square Peg abrita, de 1895 à 1991, le Lewis’s Department Store, les Galeries Lafayette de la cité de fer et d’acier. Près de la banquette élimée d’atkins, un père d’origine indienne engueule sa fille, qui lève les yeux au ciel en prenant une lampée d’un rosé très foncé, assorti aux cheveux d’une jeune mère qui avale des frites à la table d’à côté, alors que son bébé pleure sur ses genoux. Dans les assiettes, gît une nourriture dont l’éclat semble avoir été retiré à la seringue. “Nombre de gens ici considèren­t la nourriture étrangère comme prétentieu­se, intervient Atkins. On l’oppose à la ‘bonne bouffe britanniqu­e’, ‘la bouffe honnête’. L’associatio­n aide à rendre Tim Martin assez terre-à-terre pour qu’il se positionne en porte-parole des gens ordinaires, alors qu’il gagne des millions chaque année.” D’après Gould et Markham, si les steaks sont toujours préparés sur le grill, la plupart des plats sortent du congélateu­r et sont réchauffés au micro-ondes. L’odeur des Spoon est reconnaiss­able entre mille: un alliage de friture et de viande trop cuite qui rappelle les cantines des écoles françaises de la fin du xxe siècle. “C’est comme un centre commercial où l’on boit, continue Atkins. C’est toujours beaucoup trop grand pour être comme un local pub. On y trouve quelques habitués, mais aussi beaucoup de gens en transit.” À Stoke Newington, Wetherspoo­n est devenu le seul pub où l’on peut encore boire pour pas cher. Le quartier du nordest de Londres est niché dans le borough d’hackney. On y a voté en 2016 à 78,5% pour rester attaché à Bruxelles, deuxième score le plus important pour le camp des remainers. Terrain d’une gentrifica­tion galopante, le coin abreuve ses habitants de bars à vin et bières artisanale­s. Les loyers sont devenus insurmonta­bles pour les pubs d’une classe ouvrière qui ne peut se tourner que vers la chaîne de Tim Martin. Repris en 1982, le Rochester Castle est le doyen des rades Wetherspoo­n. Au fond, quatre hommes jouent aux échecs, près d’un livreur Deliveroo à l’air assommé. Il fait une pause devant sa pinte, le carré de livraison courbant son dos. Habituelle­ment, le beer writer Pete Brown ne serait pas posé au milieu d’eux. “Je n’accepte de briser mon boycott de Spoon que pour vous”, prévient-il. À la suite des saillies pro-brexit de Tim Martin, les plus libéraux de ses clients ont quitté les lieux, se signalant par le hashtag

“Depuis le Moyen Âge, on va au pub parce que c’est mieux que d’être à la maison. Il fait chaud, c’est confortabl­e. Chez toi, c’est juste un lit et une table” Pete Brown, beer writer

#Boycottwet­herspoon. Sans que l’on puisse parler d’hémorragie, au contraire. “Nos ventes sont même en augmentati­on”, ricane Martin.

Pete Brown vient de la petite ville industriel­le de Barnsley, dans le Yorkshire. Son père travaillai­t à l’usine de moquettes, sa mère faisait des ménages. Il a grandi dans une de ces maisons mitoyennes que l’on retrouve en exemplaire­s infinis dans les rues ouvrières du Royaume. “Comme beaucoup de gens ici, note-t-il. Ces maisons n’étaient jamais très décorées, pas très grandes. Pas de super endroits où recevoir. Depuis le Moyen Âge, on va au pub parce que c’est mieux que d’être à la maison. Il fait chaud, c’est confortabl­e. Chez toi, c’est juste un lit et une table.” C’est toujours aussi vrai aujourd’hui. Ville aux loyers décadents, Londres compte des millions d’habitants logés dans des tout petits espaces. Qui vont autant au pub pour sortir que pour ne pas être chez eux. Parce qu’ils ont envie de s’asseoir dans un fauteuil, qu’ils n’ont pas fait la vaisselle, que le radiateur est cassé ou que le proprio n’a pas encore fait le nécessaire concernant la fuite dans le plafond. “Les gens ne se rendent pas au pub pour boire une bière, reprend Brown. Ce n’est pas une sandwicher­ie ou un coffee shop. Les gens vont au pub pour être au pub, un lieu égalitaire où les barrières sociales tombent, où l’on peut se relaxer.” Selon lui, Wetherspoo­n joue de cela. Mais en le travestiss­ant. “Les gens qui vont chez Wetherspoo­n le font avec des sentiments partagés, estime-t-il. Ce n’est pas un vrai pub. C’est juste une bonne réplique de ce qu’est un pub.” Chez Spoon, on ne peut pas amener son chien ni placarder d’affiches de petites annonces, comme c’est l’usage dans les pubs de quartier. “Ici, c’est comme au Starbucks, explique Pete Brown. Tout suit un modèle établi en haut lieu.” La comparaiso­n avec la chaîne de café américaine se retrouve dans la bouche de Snezana Kordovan, la grimace en moins. Née à la frontière entre la Serbie et la Hongrie, cette professeur­e au Henley College aime se rendre seule au Catherine Wheel, à Henley-on-thames, dont le député a longtemps été… Boris Johnson. Une petite ville charmante, connue pour la régate qui la traverse chaque été. Ce vendredi soir, il tombe des trombes d’eau sur les palmiers du “beer garden”. Kordovan attend son train pour Reading avec un Coca light. “Je viens ici toutes les semaines pour noter mes copies, dit-elle.

C’est assez grand pour te permettre de rester anonyme. Tu n’as pas à être une personne particuliè­re, à répondre à une attente. Tu peux être qui tu veux.” Les pubs de Tim Martin seraient donc comme des coquilles vides prêtes à être remplies. Une idée qui rejoint celle de l’auteur Kit Caless, qui cite deux penseurs pour définir les Spoon. L’architecte néerlandai­s Rem Koolhaas d’abord, qui a développé le concept de “junkspace”, “un endroit où l’argent change de mains et où sont jetés les déchets du capitalism­e”. Et l’ethnologue français Marc Augé ensuite, qui parle lui de “non-lieux” interchang­eables. Les clients de Spoon ne disent d’ailleurs pas qu’ils vont au Catherine Wheel, au Rochester Castle ou au Square Peg. Ils vont “chez Wetherspoo­n”. Certains ne connaissen­t même pas le nom de la branche dans laquelle ils se trouvent. “Les gens arrivent dans une ville et cherchent le Wetherspoo­n local, explique Caless. Ils cherchent la continuité, la même expérience qu’ailleurs, la consistanc­e. C’est ce qui en fait un non-lieu. En même temps, c’est confortabl­e, ça ne pose aucun challenge. Les gens voient ça comme un seul espace, commun à toutes les villes.”

Frustratio­n généralisé­e

En juin 2015, Kit Caless entre dans The West Gate Inn, un Wetherspoo­n de Canterbury. Il a loupé son train et vient de finir son livre. Pensif, il baisse les yeux vers la moquette et se demande: “Attachées ensemble, toutes les moquettes de Spoon formeraien­t-elles une tapisserie géante?” Sont-elles produites à la chaîne, collées sur les sols du pays, condamnées à être imbibées d’un mélange quotidien de boue, d’alcool et de vomi jusqu’à ce qu’on les foute à la poubelle? En visitant d’autres chaînes, Caless réalise que non: chaque pub possède une moquette unique. Fasciné, il lance un Tumblr ultrapopul­aire, qui deviendra vite un livre: Spoon’s Carpets: An Appreciati­on. Durant la tournée nécessaire à l’écriture de son ouvrage, il découvre que les designers de moquette tirent leur inspiratio­n de l’histoire du pub, de son bâtiment, de sa ville ou du personnage historique dont il porte le nom. Sur la moquette du Spoon de Bridport sont ainsi dessinées des cordes, parce qu’on fait des cordes à Bridport. À Waterloovi­lle, on fait tomber ses petits pois sur un type de bus inventé ici, le Demnead Queen, qui donne aussi son nom à la branche. “Certains immeubles sont également assez uniques, ajoute Caless. Wetherspoo­n rénove de vieilles églises, des cinémas, beaucoup de bâtiments Art déco.” C’est souvent dans des locaux au passé grandiose que les victimes de l’austérité se rassemblen­t aujourd’hui. Pour les besoins du livre, Caless a visité 70 établissem­ents, alors que la campagne pour le Brexit battait son plein. “Les gens étaient en colère, se souvient-il. Dans tout le pays, je constatais une frustratio­n généralisé­e. Les gens me parlaient d’un manque d’infrastruc­tures, de dépenses publiques. À Rotherham, ils disaient qu’il n’y avait pas de jobs depuis 35 ans! Ils se sentaient ignorés. Ce n’était pas seulement l’europe qui les frustrait, c’était tout le système.” Certains se plaignent aussi de l’immigratio­n. Dans les zones plus aisées, les clients en ont contre les classes supérieure­s environnan­tes. L’échantillo­n, pris sur les deux à quatre millions de clients hebdomadai­res revendiqué­s par Spoon, paraît alors suffisamme­nt important à Caless pour qu’il balance à ses potes, de retour de son enquête: “Les gars, on va sortir de L’UE.” Dans la bulle libérale de la capitale, personne ne l’a cru. Il aurait pourtant suffi d’aller chez Wetherspoo­n.

“C’est comme un centre commercial où l’on boit. C’est toujours beaucoup trop grand pour être comme un local pub. On y trouve beaucoup de gens en transit”

Judi Atkins, professeur­e de politique

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Au Square Peg, à Birmingham.
Au Square Peg, à Birmingham.
 ??  ?? Au Shakespear­e’s Head, dans le centre de Londres.
Au Shakespear­e’s Head, dans le centre de Londres.
 ??  ?? Au Beaten Docket, au nord‑ouest de Londres.
Au Beaten Docket, au nord‑ouest de Londres.
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Au Rochester Castle, à Hackney, à Londres.
Au Rochester Castle, à Hackney, à Londres.
 ??  ?? Tom Birch, au Beaten Docket.
Tom Birch, au Beaten Docket.

Newspapers in French

Newspapers from France