Society (France)

Sibeth Ndiaye, macronienn­e en chef

- PAR ANTOINE MESTRES PHOTOS: IORGIS MATYASSY POUR SOCIETY

Elle a longtemps été celle qui faisait barrage entre Emmanuel Macron et la presse. Puis, Sibeth Ndiaye s’est mise entre les Français et le président. Pour quoi faire? Et pourquoi elle? Réponses avec l’intéressée.

Elle a longtemps été celle qui faisait barrage entre Emmanuel Macron et la presse. Puis, Sibeth Ndiaye s’est mise entre les Français et le président pour faire de la “pédagogie” en tant que porte-parole. Parce qu’elle est la fidèle de la Macronie qui fait le job là où on a besoin d’elle? Ou parce qu’il y a autre chose?

Sibeth Ndiaye garde son calme. Pourtant, cette rencontre avec des étudiants de L’ESJ Lille est clairement en train de prendre des airs de traquenard. Venue échanger en cette journée de mi-septembre avec une promotion de futurs journalist­es dans ce qui devait être à l’origine un dialogue informel sur l’avenir des relations entre l’exécutif et le contre-pouvoir journalist­ique, la porte-parole du gouverneme­nt se retrouve au dernier moment seule, en première ligne, dans une ambiance “de tribunal médiatique”, les étudiants en surplomb et elle dans la fosse. Ce n’était pas vraiment ce qui était prévu, mais allons-y. “Pourquoi un photograph­e de La Voix du Nord n’a pas pu être dans le pool présidenti­el lors d’un déplacemen­t dans une usine Toyota dans les Hauts-de-france?” “Pourquoi vous avez voulu fermer la salle de presse de l’élysée?” “Et la perquisiti­on de Mediapart?” “Les journalist­es à la DSGI?” “Pourquoi avoir diffusé une vidéo de l’affaire Benalla sur un compte Twitter anonyme?” Sibeth Ndiaye étire ses réponses au maximum, parfois sur une dizaine de minutes, sourire aux lèvres. Au total, pas plus de dix questions seront finalement posées en une heure. Une veille technique, explique-telle un peu plus tard. “Je savais que la salle me serait hostile, de toute évidence, et j’allais être filmée, mes réponses pouvaient être diffusées sur les réseaux. Donc j’ai fait des phrases très longues. Ça me permet, au moment où je les prononce, avec les virgules, de faire des pauses et de me dire ‘oh là là attention, ça, ça peut être mal interprété, donc il faut compléter’, et surtout d’éviter des citations sorties de leur contexte. C’est aussi une astuce que j’ai donnée à Emmanuel Macron”, rigole-t-elle.

Langue de bois, mode d’emploi. Après tout, Sibeth Ndiaye commence à avoir l’habitude. Le porte-parolat est un exercice difficile, qui charrie son lot de polémiques en tous genres et invite à “être sur toutes les balles pour que les autres ministres ne s’exposent pas”, rappelle son ami et ancienne plume du président de la République, Sylvain Fort. Et il faut reconnaîtr­e que la rentrée a été chargée. La veille de ce déplacemen­t, il y avait eu l’emballemen­t à la suite de sa sortie malheureus­e concernant la grève à la RATP: “Demain matin, j’utiliserai ma voiture de fonction, comme tous les jours, donc je serai de coeur avec tous les Francilien­s qui galéreront dans les couloirs du métro.” Son entourage a beau désamorcer et évoquer “une maladresse” liée à son passé “d’usagère” –“Avant le 29 mars ( jour où elle devenue porte-parole, ndlr), elle se déplaçait en métro et en bus. Désormais, elle a une voiture de fonction du lundi au vendredi soir,

et ça s’arrêtera dans une semaine, un ou six mois, elle le sait”– , la secrétaire d’état, elle, ne reviendra pas sur ses propos. Deux jours plus tard, sur Sud Radio, Nadine Morano, qui l’avait déjà invectivée en juillet sur Twitter à propos de “ses tenues de cirque”, explique cette fois qu’elle “fait honte au Sénégal et à la France”. Puis, c’est au tour d’éric Zemmour, dans sa sulfureuse allocution à la “convention de la droite”, de commenter ses tenues, souvent colorées: “Comment ne pas être ébloui par les tenues de notre ministre préférée, sommet de la distinctio­n française?” Quoi d’autre? Peut-être cette fausse citation d’elle après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen, qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux: “Si le président Macron ne s’est pas encore rendu à Rouen, c’est parce que nous attendons les résultats complets des analyses, la sécurité du président doit être assurée.” En réalité, Sibeth Ndiaye avait dit: “Je serais restée (sur place, ndlr) car je suis quelqu’un d’un peu rationnel et j’essaie de faire confiance aux gens qui savent.” Est-ce qu’elle trouve le moment difficile? Elle répond que non. “Cette fonction s’inscrit dans la continuité de ce que j’ai réalisé jusqu’à maintenant, même si l’exposition médiatique change évidemment un peu les choses.” Et aussi: “Je vois s’agripper dans mon sillage des formes différente­s de racisme, notamment sur les réseaux sociaux. Mais de la même manière que j’ai toujours conseillé à mon patron de ne jamais regarder Twitter et Facebook, je me tiens, depuis que je suis porteparol­e, religieuse­ment à distance des réseaux sociaux, qui sont des torrents de haine.” Son amie de longue date Marianne Zalc-müller, qui est aussi sa conseillèr­e spéciale au porteparol­at, tente une définition du style Ndiaye: “Sibeth, c’est une machine de guerre. Elle ne s’écroule jamais.”

“C’est le soldat absolu de la Macronie”

Tous ceux qui la connaissen­t avaient prévenu: “C’est le soldat absolu de la Macronie.” C’est peut-être pour ça que le président de la République n’a pas hésité à la faire passer de conseillèr­e en communicat­ion à porte-parole du gouverneme­nt en mars dernier, alors que circulaien­t également les noms d’aurore Bergé et d’amélie de Montchalin. Dans une équipe gouverneme­ntale où “les voix qui impriment manquent”, confie un proche du chef de l’état, Sibeth Ndiaye, elle, est sans doute une de celles qui “arrivent le mieux à articuler leur pensée comme celle du président. Elle a un temps habité dans sa tête”, rappelle Fort. Et ça, en Macronie, ça vaut de l’or. Réussir à communique­r quand ce n’est pas Macron qui s’exprime semble en effet l’une des grandes équations à résoudre pour le chef de l’état. En tout cas, tous ceux qui s’y sont essayés jusqu’à présent s’y sont cassé les dents. Anciens porte-parole, Christophe Castaner et Benjamin Griveaux n’ont pas laissé une trace impérissab­le dans cet exercice, et depuis c’est encore pire: ils battent des records d’impopulari­té. En avril dernier, Ismaël Emelien et David Amiel, anciens conseiller­s du président, ont fait une tournée des plateaux télé et radio pour définir leur vision du progressis­me et venir en appui intellectu­el au gouverneme­nt. On ne peut pas dire que la mission ait porté ses fruits: les deux compères n’ont cessé d’être renvoyés dans leurs cordes et n’ont pas convaincu grand monde.

Symbole de cette solitude: le grand débat, qui aura vu le président de la République aller, seul, en première ligne, tenter de reconquéri­r les électeurs. Qui pour l’accompagne­r, désormais? Ismaël Emelien a quitté l’élysée pour défendre son livre. Sylvain Fort pour rejoindre le privé. Stéphane Séjourné, ancien “conseiller politique” du président, a également quitté le palais depuis qu’il s’est impliqué dans la campagne des élections européenne­s. Parmi la bande de fidèles présents au commenceme­nt, ne reste donc que Sibeth Ndiaye. Ça tombe bien, c’est aussi “la plus politique”, précise Philippe Grangeon, conseiller spécial du président de la République. À cela, il faut ajouter un décalage en termes d’image, censé “décupler le message”, dit-on dans son entourage. “Julien Denormandi­e et Gabriel Attal sont aussi très imprégnés de ça, mais Sibeth ne leur ressemble pas.” Un symbole, Sibeth Ndiaye? Elle a refusé un temps cette dénominati­on, expliquant qu’elle avait eu du mal à saisir l’idée d’être un modèle en raison de la couleur de sa peau avant de comprendre, confie-t-elle. D’autres se chargent de la démonstrat­ion, comme son ami de longue date Gweltaz Frigout, ancien camarade de L’UNEF: “Une jeune femme noire, mère de trois enfants, française depuis trois ans, en tant que porte-parole, c’est un beau message envoyé à la France et au reste du monde. Ce symbole s’impose de lui-même.” La preuve par l’exemple: son look et ses robes colorées faisaient l’objet d’un article dans la section style du New York Times au mois d’octobre. “J’en avais marre qu’on me demande pourquoi j’avais des pantalons rouges, au bout d’un moment j’ai répondu: ‘C’est une déclaratio­n politique et je vous emmerde’”, dit-elle.

Indéniable­ment, à écouter celles et ceux qui ont travaillé avec elle, Sibeth Ndiaye a des qualités. Marianne Zalcmüller, encore: “Elle est hyperorgan­isée, structurée et hypermnési­que, ça facilite la vie. Elle n’est jamais effrayée par un sujet, elle ne se dit pas: ‘Hein? Le lanceur nucléaire? Je comprends rien…’ Ce qui est inconnu est amusant.” Lorsqu’elle était conseillèr­e en communicat­ion, déjà, à l’élysée ou à Bercy, Sibeth Ndiaye ne voulait jamais être prise en défaut sur un sujet. Il était alors fréquent qu’elle finisse ses soirées à 2h, après avoir pris les conseiller­s entre quatre yeux: “T’es sympa coco, mais ton truc, c’est du jargon, mon petit neveu et ma grand-mère ne vont pas piger, explique-moi.” “Tu sors de là des heures plus tard, t’es épuisée, mais t’es solide”, se souvient une conseillèr­e d’un autre ministre à Bercy, selon qui “tous les communican­ts ne se donnent pas autant ; certains restent beaucoup plus en surface”. D’autres retiennent surtout une capacité certaine à jouer des coudes et à faire place nette. “C’est une grande profession­nelle, mais elle m’a fait souffrir comme jamais”, confesse, sans en dire plus, l’ancienne journalist­e Laurence Haïm, qui avait rejoint l’équipe d’emmanuel Macron lors de la campagne de l’élection présidenti­elle en tant que porte-parole. À peine sait-on que des fleurs offertes pour apaiser les relations après une séance de média-training ont fini rapidement à la poubelle. Il y aurait aussi eu des fuites dans la presse et quelques coups en dessous de la ceinture. “Sibeth est très ambitieuse, elle peut parfois confondre ambition et revanche, et être très dure, trop. La bienveilla­nce prônée n’est alors qu’un slogan de plus”, glisse un ancien

conseiller de Bercy. “Elle a vu Haïm comme une ennemie. Ils ont été ignobles avec elle”, complète l’ancienne ministre de l’environnem­ent Corinne Lepage, qui a participé un temps, lors de la campagne, à l’aventure. Typique du premier cercle de Macron. Ceux qui sont parfois surnommés “les mormons” et qui, durant la campagne présidenti­elle, faisaient en sorte que personne ne trouve une place entre eux et le candidat. Elle, bien sûr, réfute tout cela. Enfin, à sa manière: pas tant que ça. “Je pense que je suis quelqu’un de très gentil, et je le suis d’autant plus que je ne me sens pas trahie et que les gens autour de moi bossent. Si un des deux manque, je peux devenir très, très méchante.”

Déprime au PS

Sibeth Ndiaye, c’est connu, a été formée à gauche. À L’UNEF. Mais attention: pas avec les “hamonistes”, majoritair­es dans le syndicat étudiant, mais avec les réformiste­s strauss-kahniens, où elle a connu ses premiers faits d’armes et rencontré son conjoint. C’était l’époque du CPE, du sarkozysme triomphant et de la discipline collective, déjà. Elle se remémore une rencontre avec François Fillon, quand lui était ministre de l’éducation et elle membre du bureau national du syndicat étudiant, au cours de laquelle elle avait défendu une position “qui n’était pas du tout la [s]ienne, mais qui respectait la décision collective”. À L’UNEF, Sibeth Ndiaye apprend aussi à tenir des “coordinati­ons étudiantes”, des AG, “pour qu’on parle des problémati­ques étudiantes au lieu de réclamer la fin de la guerre en Palestine”, à poser sa “voix, aiguë, histoire de ne pas passer pour l’hystérique de service” et “à retourner une salle, d’autres diraient convaincre avec habileté”, sourit-elle. L’UNEF et ses débats menés par des intellos “cheveux aux vents, un peu poètes et qui revendiqua­ient d’avoir lu Gramsci”, Sibeth Ndiaye, étudiante à Jussieu, en garde en tout cas un bien meilleur souvenir que le Parti socialiste et la salle Mariethérè­se-eyquem, qu’elle a côtoyée en 2008. Alors secrétaire nationale à la Petite Enfance cette année-là, elle raconte avoir eu envie “de vomir” devant “la pauvreté du débat qui se réduisait à des échanges de postures entre les caciques socialiste­s. C’était navrant”. La suite? Elle ne l’a pas fait exprès, mais son histoire politique, qui l’a amenée à croiser par hasard la route d’emmanuel Macron, est un condensé de celle de la gauche de gouverneme­nt des années 2010, de ses hésitation­s, de ses échecs, de ses errements, de ses reniements. Après s’être fait repérer lors d’une victoire surprise aux élections cantonales de 2008 en Seine-saint-denis en tant que directrice de campagne “énergique et très organisée” de Mathieu Hanotin, elle intègre comme conseillèr­e en communicat­ion le cabinet de Claude Bartolone, fraîchemen­t élu président du conseil général du même départemen­t, et qui se constitue une équipe “de haut niveau pour jouer un premier rôle en 2012”, détaille Hanotin.

Entre-temps, Dominique Strauss-kahn, pour qui elle avait longtemps milité, notamment lors de la primaire de 2006, avec quelques passages rue de la Planche, son QG, a été arrêté par la police new-yorkaise. Après un détour par le privé, elle rejoint ensuite le cabinet d’arnaud Montebourg à Bercy pour retrouver son amie Marianne Zalc-müller, qui a besoin d’être épaulée à la communicat­ion. Là, fin août 2014, elle assiste à l’implosion du gouverneme­nt Valls 1. La fameuse Fête de la rose de Frangy-en-bresse, où son ministre a expliqué qu’il allait envoyer à François Hollande une “bonne cuvée spéciale du redresseme­nt”, avec Benoît Hamon juste derrière lui, elle y était. Et elle s’en souvient. “Benoît a souvent laissé entendre qu’il s’était fait surprendre et entraîner par Montebourg. En réalité, tout démarre dans un train où je le vois réécrire un discours très

musclé tandis que Manuel Valls l’inonde de SMS. Je me demande alors ce qui se trame”, remet-elle. Sur le retour, fin de la récréation: Hamon, Montebourg et Filippetti sortent du gouverneme­nt, tandis qu’emmanuel Macron déboule à Bercy “avec ses costumes de banquier”. Il lui faut une équipe. Dans son entourage très proche, Ismaël Emelien n’a pas envie de parler aux journalist­es, alors trois attachées de presse sont recrutées. Sibeth Ndiaye en fait partie. Entre le macronisme et le strauss-kahnisme, il y a des nuances, certes, mais c’est “une feuille de papier à cigarette”, dit-elle.

Force est de lui reconnaîtr­e qu’elle est la plus opérationn­elle du pôle et, bien vite, la plus incontourn­able. Au point de suivre son ministre dans son aventure présidenti­elle quand il décide de se lancer à l’assaut de l’élysée. Les anecdotes de journalist­es qui racontent avoir ferraillé avec elle commencent à s’accumuler. Le grand public, lui, la découvre après l’élection dans le documentai­re Les Coulisses d’une victoire, de Yann L’hénoret, où on la voit engueuler un journalist­e des Inrocks au sujet d’un propos mal compris sur La manif pour tous. Agressive? Pour comprendre la genèse des relations entre l’entourage d’emmanuel Macron et la presse, Sylvain Fort tient à rappeler le contexte d’une campagne où la Macronie se voyait dédier des journalist­es débutants parce que personne “ne croyait en nous. Les responsabl­es politiques des équipes chevronnée­s pouvaient sans aucun problème gueuler, nous, quand on levait la voix, c’était très grave. Il fallait qu’on soit contents que les journalist­es nous parlent”. Ainsi se serait construite une équipe dans le “eux contre nous”. “La campagne les a un peu traumatisé­s”, appuie un ancien habitué du palais. “Son entourage a considéré qu’une fois au pouvoir, il fallait continuer ce qui avait permis d’y accéder, or ce n’est pas la même chose. Ils n’ont pas compris que le public avait changé”, ajoute ce proche du président. Les journalist­es qui ont eu affaire à Sibeth Ndiaye évoquent souvent une relation “déroutante”, faite de coups de pression sur les déplacemen­ts lorsqu’on s’approche trop du président pour lui poser une question –“Tu me la fais à l’envers, là”–, de silences téléphoniq­ues pendant un mois ou plus, parfois après une embrouille, parfois sans raison, et de drôles de SMS –“Coquine, tu es tellement adorable”, suivi de coeurs, en réponse à une question pour une info.

“Je ne suis pas dans une perspectiv­e de next step”

Quoi qu’il en soit, à peine Emmanuel Macron entre-t-il à l’élysée que la rupture est totale –et sans doute volontaire– avec l’équipe précédente, “où c’était un open bar général organisé par Gantzer”, selon les mots de Sibeth Ndiaye. “Emmanuel Macron voulait couper le cours des choses à l’élysée, explique un ancien de la maison. En revanche, à aucun moment, il n’avait théorisé cette relation très dure aux journalist­es, lui qui respecte la presse. Sibeth, Ismaël et Sylvain sont individuel­lement très courtois mais ensemble, ils ont eu cette faculté à cloisonner, c’était d’une totale inefficaci­té. Ils n’ont pas réussi à passer le cap, à s’ouvrir.” D’ailleurs, parfois, Macron lui-même râlait en déplacemen­t et engueulait ses troupes –“Vous m’infantilis­ez!”– lorsqu’elles se mettaient entre lui et les Français. Est-ce que tout cela n’a pas été contre-productif? Lorsque des signes extérieurs d’arrogance sont sortis, personne ne les a loupés. De la part du chef de l’état lui-même, et de celle de Sibeth Ndiaye aussi. D’abord, cette histoire de “pensée trop complexe” du président, explicatio­n donnée à une journalist­e du Monde ,“même s’il s’agissait d’un off ”, pour lui expliquer pourquoi elle préférait donner douze pages d’entretien au Point à une page au Monde. Entretien à propos duquel elle nous dira plus tard: “Si vous pensez que ce qui est dans l’interview du Point correspond à ce qui s’est dit pendant les trois heures d’interview, vous vous trompez.” Sibeth Ndiaye aime le journalism­e quand il va dans le sens qui l’arrange –“Si vous publiez ça, vous n’aurez plus jamais d’interview d’emmanuel Macron”, avait-elle menacé quand nous avions refusé qu’elle réécrive une interview du président donnée à Society, finalement publiée sans les coupes demandées. Puis, il y a eu cette vidéo sur Twitter où le président préparait un discours et évoquait “le pognon de dingue” investi dans la lutte contre la pauvreté, sans résultats. Un journalist­e se rappelle l’avoir appelée ce jour-là pour discuter du “reste à charge zéro” sur des dépenses médicales, une mesure phare, de gauche, du début de quinquenna­t, et avoir essuyé comme seul retour: “C’est ‘le pognon de dingue’ qui compte.” “Ils étaient sûrs de leur coup”, analyse-t-il. “Pour nous, le décodage était immédiat, et puis on s’est rendu compte que ça l’était moins pour le reste du monde”, concède Sylvain Fort.

Aujourd’hui, Sibeth Ndiaye aussi reconnaît une “erreur du moment où l’interpréta­tion vidéo n’a pas été bonne. On n’a pas assez pris en compte le fait que le monde politique se résume à des citations, on retient ‘pognon de dingue’ mais pas l’argument: ‘Les pauvres restent pauvres, on peut mettre un pognon de dingue, ils restent pauvres, et moi je ne veux pas que ça continue.’” Un acte de contrition de la porteparol­e? L’affaire Benalla, qui vit le président contraint de monter en première ligne, n’étoffe pas non plus le bilan des communican­ts d’emmanuel Macron. “Si votre boss se retrouve au front, comme ça, c’est que vous n’êtes pas efficace. Vous devez le protéger, c’est votre job”, renchérit un ancien collègue. L’affaire aura eu raison de la période “responsabl­e de la communicat­ion” de Sibeth Ndiaye. Emmanuel Macron comprend alors que les relations avec la presse ne sont pas bonnes et qu’il lui faut changer de braquet. S’ensuit une période de flottement à l’élysée où une réflexion est menée pour réorganise­r la communicat­ion. Sibeth Ndiaye attend de savoir de quoi son futur sera fait. Le porte-parolat, qui lui avait déjà été proposé pour l’élysée et qu’elle avait refusé parce qu’à l’époque “c’était trop tôt”, repasse. Cette fois, pour le gouverneme­nt, elle l’accepte, après avoir longtemps discuté avec le président de la République. Clairement, il s’agit d’une promotion. Et de la naissance d’une ambition politique en son nom propre? Sibeth Ndiaye nie en bloc. “Je ne suis pas dans une perspectiv­e de next step. Je n’ai pas spécialeme­nt voulu être ministre et le jour où ça s’arrêtera, je retournera­i faire autre chose de ma vie. Le passage de l’ombre à la lumière, ce n’est pas ce que j’imaginais dans ma vie.” Quelques minutes plus tard, elle le reformule différemme­nt: “Ombre ou lumière, c’est l’éternel dilemme de ma vie.”

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