“Les chefs ont besoin de s’exprimer devant leur public”
Au commencement, il n’y avait que les chefs. Puis les métiers de la cuisine ont quitté la cuisine. En France, on estime que tout a commencé en 1998 lorsque Sylvie de Laveaucoupet, épouse d’alain Passard, a pris en charge la communication de son mari et de ses comparses du “groupe des huit”, les Marc Veyrat, Pierre Gagnaire ou encore Olivier Roellinger. Vingt ans plus tard, la graine a germé dans tous les sens, donnant naissance à une multitude de métiers périphériques, qui vont de l’attaché de presse au bureau de tendances. Emmanuelle Gillardo est responsable du pôle “Taste & Travel” chez 14 Septembre, une agence de “stratégie d’influence” s’attaquant aussi à l’architecture et au design. “Aujourd’hui, c’est devenu quasiment indispensable de faire appel à une agence pour remplir son restaurant sur la durée, juge-telle. C’est un univers tellement concurrentiel qu’on a besoin de ça pour gagner du temps, faire du ciblage et atteindre les bonnes personnes.” Créée en 1997, 14 Septembre a vite flairé le filon. Un an plus tôt, Pierre Gagnaire devait fermer son restaurant de Saint-étienne pour raisons financières et tentait de se refaire à Paris. “On a écouté son histoire et on lui a dit: ‘Mais Pierre, vous êtes un artiste.’” De là est née une conception de la “stratégie d’influence” bien précise: “On travaille davantage sur l’identité des chefs que sur celle des restaurants, parce que les chefs peuvent aller ailleurs, s’exporter à l’international. Ils deviennent des personnalités à part entière, au-delà de leurs restaurants. Pierre Gagnaire ou Pierre Hermé sont des marques, ils sont de plus en plus visibles. C’est aussi pour ça que les restaurants ont des cuisines ouvertes, parce que les chefs ont besoin de s’exprimer devant leur public.” Au fur et à mesure, ils sont tellement sortis de leurs restaurants qu’ils sont devenus les égéries de marques qui n’ont plus grand-chose à voir avec la gastronomie. “Il y a quelques années, reconnaît Emmanuelle Gillardo, on n’aurait pas imaginé qu’un chef comme Yannick Alléno ait des affinités avec une marque de montres comme Hublot. Mais c’est parce qu’il a une vraie ‘communauté’.”