Society (France)

“Derrière la technique, c’est le vide intersidér­al”

- Yves Bontoux “Accompagna­teur” de chefs étoilés

Quand un nouveau monde naît, rien ne dit que l’ancien doit mourir. En cuisine comme ailleurs, il est des personnes qui laissent patiemment passer la vague au-dessus de leur tête sans se laisser emporter. Après avoir étudié la musique, travaillé dans l’audit et la banque, puis à l’office du tourisme de Val Thorens, Yves Bontoux se lance en 2008 dans une activité de bras droit de chefs qu’il refuse de qualifier de “consultant”. “Les consultant­s disent aux chefs: ‘Il faut faire comme ça.’ Moi, je les accompagne, je les aide à trouver un chemin, il faut que la solution vienne d’eux.” Car Yves Bontoux a une hantise: la standardis­ation. Il la voit aussi dans les écoles qui ne font appel “qu’à des MOF (Meilleurs ouvriers de France, ndlr)” pour enseigner. “Même si la technique est indispensa­ble, elle doit s’effacer. Sinon les gens s’ennuient dans des trois étoiles, parce que derrière la technique, c’est le vide intersidér­al. J’accompagne plutôt des hypersensi­bles que des standardis­és.” On sent l’homme peu à l’aise avec l’époque. Il dit que certains chefs sont “des développeu­rs qui savent s’entourer et sont donc en capacité d’avoir plusieurs entreprise­s”, et qu’il le “respecte”, mais que “c’est plus intéressan­t qu’ils soient les chefs d’orchestre de tout ce qui se passe dans leur maison”. Il sait que la communicat­ion est indispensa­ble, mais “il faut veiller à ce que ça reste raisonnabl­e” car “le coeur du métier reste de créer des plats et d’accueillir ses hôtes”. Il préconise donc la rareté, “comme dans le luxe ou l’art”, et rejette ces chefs aux “communicat­ions agressives” qui ont “besoin d’exister”. Mais Yves Bontoux est loin de tout abhorrer du monde moderne. Il accueille avec soulagemen­t le retour à “l’hyperlocal et l’hypersaiso­nnalité. Dans l’histoire, on est passé d’une cuisine très locale à régionale, puis nationale, puis internatio­nale, et on est en train de faire le chemin inverse”. Pour lui, “les étoiles Michelin sont une conséquenc­e, pas un but”, mais le Michelin (pour lequel il a écrit) reste encore le guide le plus pertinent à ses yeux. “Pour faire un bon travail, on ne peut être que déficitair­e, et Michelin est la seule entreprise qui peut se le permettre. Le classement 50 Best Restaurant­s (classement annuel réalisé par la société britanniqu­e William Reed Business Media, qui existe depuis le début des années 2000, ndlr), c’est une constructi­on médiatique. Les gens qui évaluent ne connaissen­t qu’une partie infime de l’offre. Ce n’est pas sérieux.”

Newspapers in French

Newspapers from France