“Il n’y avait que des hommes blancs”
Elle connaît par coeur les critiques adressées au classement World’s 50 Best Restaurants, tout comme les éléments de langage pour y répondre. Après avoir travaillé chez Unilever, Lancôme, Wonderbra ou encore Relais & Châteaux, Hélène Pietrini est devenue en avril 2016 directrice de l’institution créée quatorze ans plus tôt par le magazine anglais Restaurant. Le succès fulgurant du nouveau grand prix de la gastronomie mondiale, qui fait la part belle à des restaurants espagnols ou danois, n’est alors pas très bien accueilli dans l’hexagone. On l’accuse d’être manipulé par son sponsor, San Pellegrino, ou de favoriser le buzz à la qualité. Finalement, tout est rentré dans l’ordre et en France comme ailleurs, certains établissements seraient désormais prêts à tout pour passer une tête dans les 50 meilleurs restaurants du monde. “En 2016, lorsque Alain Passard a reçu un prix, on entendait les mouches voler dans la salle. Aujourd’hui, les chefs français viennent tous réseauter dans nos évènements”, image-t-elle. Que s’est-il passé? D’abord, Hélène Pietrini est allée voir les critiques culinaires et chefs français “un par un”. Ensuite, le renouvellement générationnel a fait sa part. “Les jeunes chefs français sont plus ouverts, moins obsédés par les étoiles, estime la directrice. Il n’y a plus seulement la voie royale. Ils peuvent aussi aller en stage chez un chef péruvien.” Depuis cette année, la parité est aussi de mise dans le jury, et les restaurants sont illustrés par des photos de plats plutôt que de chefs. “Quand on regardait la liste, il n’y avait que des hommes blancs, justifie Hélène Pietrini. On a créé un prix de la meilleure femme cheffe, parce qu’il y en a encore besoin. Et c’est le deuxième prix dont les journalistes parlent le plus.” Avec les inconvénients de la starification: “Certains s’épuisent. Après avoir gagné le prix en 2017, Ana Ros répondait à trois heures d’interview par jour, et en a accordé 500 en un an…”