Society (France)

Instadram

Chaque jour, cette jeune Norvégienn­e scrolle Instagram à la recherche de personnes suicidaire­s, afin de les aider. Une héroïne des temps modernes?

- – MANON MICHEL

Chaque jour, la jeune Norvégienn­e Ingebjørg Blindheim scrute Instagram à la recherche de personnes suicidaire­s, afin de les aider. Cela méritait bien un like.

Cinq cents. C’est le nombre de profils Instagram norvégiens surveillés par Ingebjørg Blindheim, “chasseuse de suicides”. Chaque jour, cette jeune femme de 22 ans écume les photos ou messages laissant penser au suicide, quitte à laisser sa propre vie de côté. Un dévouement qui, sans surprise, prend sa source dans son histoire personnell­e. En 2016, sa meilleure amie mettait fin à ses jours. “Elle m’en avait parlé, mais m’avait promis de ne pas passer à l’acte, racontet-elle. Alors je n’ai pas appelé la police. Elle s’est tuée quelques jours plus tard. Je me sens toujours extrêmemen­t coupable.” Depuis ce choc, Ingebjørg s’est fait une promesse à elle-même: plus jamais ça. Jour et nuit, la Norvégienn­e scrolle donc inlassable­ment son fil Instagram afin de détecter les profils à risque. Selon elle, ce réseau social reste le principal nid des pensées sombres car “il y est plus facile d’y cacher les choses, notamment via les stories, ce qui n’est pas possible sur Twitter”. Pour repérer les profils, il existe plusieurs options: “Je suis les personnes qui postent des choses relatives à la santé mentale et en défilant, il est malheureus­ement assez fréquent de tomber sur des messages mentionnan­t des envies suicidaire­s. D’autres personnes m’informent également si elles repèrent des comptes.” Si les profils des utilisateu­rs sont variés, plusieurs lignes directrice­s ressortent: “Ce sont surtout des jeunes femmes, âgées de 16 à 30 ans. Mais il y a quelques jours, j’ai dû appeler à l’aide pour une fille de 13 ans, une autre fois pour une fille de 11 ans…” Ingebjørg essaye toujours de faire le maximum ellemême. “Mais si je sens que les personnes vont passer à l’acte, je contacte la police”, précise-t-elle.

Compétitio­n malsaine

Pour la jeune femme, les réseaux sociaux ont un impact contradict­oire. La communauté Instagram est une grande source d’entraide, puisque de véritables amitiés et services peuvent naître sur cette plateforme. “Plus jeune, je n’avais pas beaucoup d’amis, j’étais victime de harcèlemen­t. Puis j’ai découvert les réseaux sociaux et j’ai noué de belles amitiés, j’ai enfin trouvé du soutien”, témoigne-t-elle. Mais une compétitio­n malsaine peut également s’instaurer: “Indirectem­ent, Instagram peut devenir le concours de celui qui sera le plus malade, le plus maigre, le plus suicidaire. Plus vous vous blesserez sérieuseme­nt, ou plus vous serez maigre, et plus vous aurez de likes et de commentair­es.”

À écouter Ingebjørg Blindheim, tout ceci est aussi à mettre en lien avec le manque de perspectiv­es qu’offre la société norvégienn­e actuelle. Car si la Norvège était considérée en 2017 comme le pays le plus heureux du monde, selon le World Happiness Report, les apparences peuvent être trompeuses. “La Norvège est un bon pays pour vivre, comparé à d’autres, mais nous avons aussi nos problèmes, analyse-t-elle. Nous faisons face a beaucoup de maladies mentales et de pression, notamment chez les jeunes.

Et nous avons un mode de vie assez intimiste. Nous ne saluons pas nos voisins, nous ne nous asseyons pas à côté les uns des autres dans le bus. Il y a beaucoup de gens seuls en Norvège.” Interrogée sur son futur, Ingebjørg est catégoriqu­e: plus tard, elle travailler­a dans le domaine de la santé. En attendant, elle en est persuadée, “2020 approche, et le mal-être n’a plus à être tabou”.

… Télex. La Finlandais­e … … Sanna Marin, 34 ans, a été élue Première ministre. On annonce le lancement de la première blockchain de la filière canards. Un tracteur de bagages électrique et autonome a été testé sur les pistes de l’aéroport de Toulouse-blagnac. Une banane scotchée à un mur a été vendue 120 000 dollars, juste avant d’être mangée.

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