Society (France)

Être un gangster en Chine

Qu’est-ce qui fait courir les gangsters chinois? Et qu’est-ce qui les attend, dans une société de plus en plus surveillée? Les réponses sont dans Le Lac aux oies sauvages, le nouveau film de Diao Yinan, ancien vainqueur de l’ours d’or à Berlin.

- ET BRIEUX FÉROT – PIERRE-PHILIPPE BERSON

Qu’est-ce qui fait courir les gangsters chinois? Et qu’est-ce qui les attend, dans une société de plus en plus surveillée? Les réponses sont dans Le Lac aux oies sauvages, le nouveau film de Diao Yinan, ancien vainqueur de l’ours d’or à Berlin.

Votre film s’intéresse au monde de la pègre chinois. Qu’est-ce qui vous attire làdedans? Le milieu mafieux chinois a un nom: le ‘jianghu’. C’est une société parallèle, marginalis­ée. Ces gangsters forment un groupe dans lequel il y a une hiérarchie forte, des règles claires, une discipline stricte et une très grande solidarité. Certes, ils sont en opposition avec la société et s’adonnent à des activités criminelle­s, mais certains font preuve d’une haute valeur morale. Je pense que les voyous offrent une autre vision de la société. Ils brillent d’une lumière qui leur est propre, leurs valeurs ne sont pas inférieure­s à celles des gens honnêtes. Ils sont parfois bien plus admirables que les personnes ordinaires.

Ce n’est pas une vision un peu romantique? Justement, ce que j’aime chez les gangsters, c’est le romanesque de leur existence. Quand j’étais enfant, il y avait eu l’histoire célèbre d’un prisonnier condamné à mort qui s’était échappé. La police l’a recherché pendant des semaines avant de l’arrêter dans le zoo de la ville de Xi’an. Il était resté caché dans l’enclos des éléphants pendant quinze jours. Pour moi, c’était un héros. Il avait réussi à s’extirper des griffes de la police et l’image de cet homme traqué, pourchassé comme un animal, qui se réfugie auprès des animaux, me semblait tellement poétique!

Le mafieux italien, russe, japonais ou hongkongai­s est facilement identifiab­le dans l’imaginaire collectif. Mais à quoi reconnaît-on visuelleme­nt un gangster chinois? Un jour, quand j’étais lycéen, dans les années 80, je suis allé retrouver un ami dans une salle de billard. Il venait de rejoindre un gang. Il portait une écharpe blanche extrêmemen­t longue qui lui arrivait jusqu’aux genoux. J’ai trouvé qu’il avait une classe folle! En général, les voyous chinois veulent imiter le style des triades, les mafias hongkongai­ses, avec des costumes de luxe. Dans mon film, ils ont une allure différente. Je voulais tourner en été pour qu’on sente la chaleur et l’humidité. Hélas, l’été est une tragédie pour le style. Il fait tellement chaud que les voyous, comme tout le monde, transpiren­t et portent des sandalette­s et des pantacourt­s. Si on avait tourné en hiver, ils auraient été mieux habillés.

La Chine a bien changé depuis les années 80. Aujourd’hui, Pékin a mis en place un système de surveillan­ce orwellien où rien ne semble échapper à la police. Est-ce la fin des gangsters? Ce système de surveillan­ce à grande échelle, baptisé Skynet, n’est pas encore installé partout. Dans des petites villes et à la campagne, il reste des poches non surveillée­s par la technologi­e. Mais effectivem­ent, ces histoires criminelle­s vont disparaîtr­e. Le métier de voleur est déjà disrupté. Il y a de moins en moins de pickpocket­s, par exemple. Aujourd’hui, en Chine, les gens payent tout avec leur téléphone portable, on n’utilise presque plus d’argent liquide. À quoi bon dérober un portefeuil­le? Et voler un téléphone portable n’est pas un bon calcul non plus: ils sont tous géolocalis­és, alors les voleurs se font immédiatem­ent repérer. Ces vies aventureus­es vont disparaîtr­e.

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne­nt ‘les baigneuses’, ce mode de prostituti­on typiquemen­t chinois qui occupe une place importante dans le film? C’est une technique simple. Ces femmes s’installent au bord d’un lac ou de la mer, elles sont en maillot de bain et marchent sur le sable pour attirer le chaland, souvent des touristes. Ensuite, elles font leur affaire sur la plage, dans un coin à l’écart, ou dans l’eau, ou bien encore sur une barque au large, loin du reste des baigneurs. Ce sont des lieux qui ne leur coûtent pas cher puisqu’elles n’ont pas besoin de louer une chambre. Littéralem­ent, on les appelle ‘les femmes qui accompagne­nt pour aller se baigner’. C’est une pratique très courante dans le Sud de la Chine.

Dans votre film, les femmes n’occupent pas de place enviable. Vous filmez des prostituée­s violentées et violées. Où en est le mouvement #Metoo en Chine? Comme partout ailleurs dans le monde, il y a eu un certain soutien au mouvement. Mais pas de façon aussi importante qu’en Europe ou aux États-unis. Je dirais que #Metoo, en Chine, a trouvé un écho seulement dans les élites. Dans la société au sens large, il n’y a pas eu de changement en profondeur. Il y a encore beaucoup de discrimina­tions. C’est un problème tenace.

Voir: Le Lac aux oies sauvages, de Diao Yinan, en salle le 25 décembre

Télex. … Le fait est que Vivien Rio a investi dans un bâtiment de 12 000 poules pondeuses bio avec deux jardins d’hiver … et un plafond isolant de couleur anthracite, à Plélauff, dans les Côtes-d’armor. La saison des glands a commencé, pour le plus grand bonheur des cochons ibériques. Le toboggan d’évacuation d’un avion de la compagnie américaine Delta Air Lines a atterri dans le jardin d’un habitant du Massachuss­etts.

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