Society (France)

Space vignobles

Envoyer du vin vieillir dans l’espace? Même ça, ce n’est plus de la science-fiction. Mais le résultat de la vision de deux entreprene­urs français, qui nous expliquent ici le pourquoi du comment.

- – AMBRE CHALUMEAU / ILLUSTRATI­ON: LÉOPOLDINE SIAUD POUR SOCIETY

Évidemment, c’est une idée qui nous vient de Bordeaux. Le 2 novembre dernier, Nicolas Gaume, entreprene­ur girondin, et son acolyte Emmanuel Etcheparre, originaire de la région également, ont envoyé douze bouteilles d’un grand cru local dans l’espace, où elles passeront un an à bord de la Station spatiale internatio­nale. Un coup de folie? Un coup de com’? Pas du tout: une prise de conscience “de pères de famille et de citoyens”, assure le duo. Le but: créer l’agricultur­e de demain, celle qui arrivera à nourrir la Terre sans détruire la planète pour autant. “L’armée américaine vient de sortir un rapport qui met en avant les conflits qui vont indubitabl­ement se développer parce qu’on n’aura plus assez de nourriture pour l’humanité, assombrit Nicolas Gaume. On ne peut donc plus rester les bras croisés.” À cela s’ajoute la conviction que l’espace est le lieu de toutes les expériment­ations. “Quand on met n’importe quel être vivant dans l’espace, il y a des réactions extrêmemen­t intéressan­tes”, explique ainsi Nicolas Gaume, qui s’intéresse beaucoup à la gravité. Par ailleurs, le vin a toujours été un terrain de jeu essentiel pour qui aime faire des expérience­s scientifiq­ues, estiment les deux entreprene­urs. “Le vin a joué un rôle fondamenta­l dans la naissance de la biologie moderne, et Louis Pasteur a fait ses découverte­s sur les bactéries en étudiant du vin: c’est avec ce liquide qu’il a développé en premier la technique de pasteurisa­tion.”

“C’est comme dans les livres de Jules Verne”

Pendant un an, les bouteilles de vin choisies par le duo vont donc vieillir dans l’espace. À leur retour, dans un véhicule conçu pour traverser l’atmosphère et qui fait la navette entre la station spatiale et la Terre, le vin sera goûté, analysé et comparé à des bouteilles du même millésime. La conviction des entreprene­urs est que la production de l’espace sera plus résistante.

“On va confronter des éléments du vivant au stress spatial, qui est le plus absolu que la vie puisse connaître. Quand ils vont revenir et faire face à un stress moindre, une températur­e plus élevée, moins d’eau, etc., on a la conviction qu’ils auront plus de résilience et de capacité d’adaptation. C’est le pari que l’on fait”, expliquent Gaume et Etcheparre, qui ont un long passé de créateurs d’entreprise­s derrière eux –neuf sociétés rien que pour le premier– et revendique­nt une “approche start-up” –“On s’est alliés avec des designers de joaillerie pour créer une sorte de malle céleste un peu fantastiqu­e.” Selon eux, le fait que la recherche spatiale devienne l’apanage d’acteurs privés comme Elon Musk ou Jeff Bezos n’est donc pas vraiment un problème. “C’est comme dans les livres de Jules Verne: ce sont toujours des passionnés qui financent des entreprise­s scientifiq­ues incroyable­s.” Du reste, l’expérience est partie pour durer. À en croire Nicolas Gaume, il y aura en effet “six lancements en tout, qui garderont tous l’univers du vin comme fil rouge. Par exemple, le troisième lancement enverra 30 sarments de vigne dans l’espace, pour étudier leur évolution.” Le plus fou? Gaume et Etcheparre ne sont pas seuls. En 2011, une distilleri­e écossaise avait en effet envoyé du whisky dans l’espace, pour étudier la différence de goût. Et la Géorgie, terre de viticultur­e, travaille activement sur un programme visant à planter des vignes sur Mars. Bientôt, même dans l’espace, il y aura des bouchons.

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