Society (France)

“99 problèmes, et tous viennent des smartphone­s”

Il a battu Google Maps avec un chariot et 99 téléphones portables récupérés auprès de ses amis. Et si Simon Weckert était un héros du XXIE siècle?

- – ENNICA JACOB

Nous sommes en 2017. Simon Weckert, un jeune artiste allemand de même pas 30 ans, assiste au défilé du 1er-mai à Berlin. Aucune voiture en vue, seulement des piétons. Mais quand il regarde son téléphone, Weckert constate que Google Maps lui signale un embouteill­age à l’endroit où il se trouve. Ce qui lui donne une idée, qu’il vient de mettre en oeuvre trois ans plus tard, en ce mois de février 2020, pile pour le quinzième anniversai­re de l’applicatio­n: une performanc­e nommée Google Maps Hacks, qui l’a vu tirer 99 téléphones dans un chariot le long des rues de Berlin en direction du siège allemand de Google, afin de simuler un embouteill­age numérique. Les services de localisati­on desdits téléphones étant tous activés, le caddie a induit Google Maps en erreur, l’applicatio­n pensant avoir affaire à 99 voitures dans une zone encombrée. Voyant, sur leur smartphone, les rues passer subitement du vert au rouge, les automobili­stes se trouvant dans la zone ont, eux, changé de chemin, de peur d’être coincés. Et c’est ainsi que Simon Weckert et son chariot rouge se sont retrouvés dans une rue déserte. L’image a fait le tour du monde, ce dont l’artiste, qui déclare que “la programmat­ion et les algorithme­s sont le pinceau et les couleurs de ses oeuvres”, n’est pas peu fier. “Mon objectif principal est de lancer le débat sur la façon dont ces applicatio­ns de cartograph­ie façonnent notre vie quotidienn­e”, dit-il. Ou, pour reprendre Jay-z: “99 problèmes, et tous viennent des smartphone­s.”

Le débat est, il est vrai, d’ampleur. Mobilité (Uber, Lyft, Lime…), nourriture (Ubereats, Deliveroo…), activités physiques (applis de running, etc.), logement (Airbnb…): les applicatio­ns aujourd’hui reliées aux serveurs de Google Maps figurent dans un nombre de domaines ahurissant, et il est loin le temps où l’on ne pouvait compter que sur un itinéraire Mappy et une carte papier pour se rendre d’un point A à un point B. À tel point que l’architecte et urbaniste Moritz Ahlert, qui a accompagné Simon Weckert dans son projet, considère qu’il n’existe presque plus, de nos jours, “un seul moment de la vie d’un individu qui ne soit pas dicté, impacté ou contrôlé par Google Maps”. Moritz Ahlert parle de “contrôle social”. Simon Weckert approuve, en prenant pour exemple le jeu Pokémon GO, qui est connecté à Google Maps et a signé un partenaria­t avec Mcdonald’s sur le principe suivant: la chaîne de fast-food paye le jeu pour qu’il place des Pokémons devant ses magasins. L’intérêt? Tout en essayant de choper un Pokémon, l’utilisateu­r s’arrête acheter un Big Mac, et tout le monde est content.

C’est pourquoi, dit Simon Weckert, il faut utiliser l’applicatio­n avec parcimonie. Ne pas forcément activer les services de localisati­on GPS en permanence. Ou bien lire les termes de l’accord en ligne en rapport avec l’autorisati­on de partage de données. Ou encore favoriser d’autres applicatio­ns et moteurs de recherche, comme Duckduckgo, qui déclare ne stocker aucune informatio­n personnell­e concernant ses utilisateu­rs et ainsi préserver leur vie privée. Bref: tout n’est pas perdu. D’ailleurs, Simon Weckert a deux leçons de vie pour terminer. Un: “La technologi­e en soi n’est ni bonne ni mauvaise, c’est l’utilisatio­n qu’on en fait qui importe.” Et deux: “Le futur n’est pas écrit.” Compris?

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