À L’OMBRE DES AVIONS
“J’adore regarder les avions, il y a une vraie décharge d’adrénaline lorsqu’on se retrouve debout juste en dessous.” Si le jeune photographe britannique Bertie Taylor (@bertietaylor sur Instagram) a conservé son émerveillement enfantin pour ces chariots célestes émetteurs de CO2, un sens de la curiosité pragmatique l’a amené à s’interroger sur le quotidien de celles et ceux qui vivent à proximité immédiate de l’aéroport de Heathrow, à Londres. “Quand l’avion est en descente finale et que l’environnement terrestre devient visible, je me demande toujours à quoi peut ressembler la vie à côté d’une piste d’atterrissage”, explique celui qui se débrouille toujours pour être assis côté hublot. La suite: “En faisant une rapide recherche sur Internet, j’ai découvert que Myrtle Avenue, à Feltham, se trouvait littéralement à 100 mètres de l’aéroport.” Cette aberration infrastructurelle, qui contraint les résidents à intégrer le bruit des réacteurs à des conversations continuellement hachées (“Les avions décollent et atterrissent toutes les 45 secondes environ”), devient sous l’objectif de Taylor un déploiement d’imagesanomalies irréelles, dominées par une présence abyssale permanente –les avions passant à dix mètres seulement au-dessus des toits. Malgré tout, la résilience semble régner au sein de la zone résidentielle aux prix par ailleurs relativement élevés compte tenu de la situation atypique, entre arrangements informels (“l’aéroport a payé pour l’installation de double vitrage dans certaines maisons”) et accoutumance résignée. “À première vue, Myrtle Avenue ressemble à n’importe quelle autre rue anglaise, puis soudain un A380 apparaît et on a l’impression qu’il va arracher les toits, conclut le photographe. C’est un endroit très étrange. La plupart des gens arrivent à Heathrow pour aller visiter Big Ben ou Buckingham Palace, mais je trouve cette attraction touristique beaucoup plus intéressante, pour être honnête.”