Pascal Canfin
Le président de la commission environnement du Parlement européen, député européen sur la liste de La République en marche, a un plan pour une relance verte. Promis!
Ancien ministre du Développement du gouvernement Ayrault, ex-directeur général de WWF, l’écologiste Pascal Canfin, désormais député européen sur la liste La République en marche et président de la commission environnement du Parlement européen, dit avoir un plan pour relancer l’économie sans détruire la planète, cette fois. Mais encore?
Vous avez créé une ‘alliance pour une relance verte’, qui milite pour que le Green Deal européen soit placé au coeur du plan de relance post-pandémie de L’UE. Vous pouvez nous en dire plus? Il s’agit de rassembler des décideurs publics et privés, européens et nationaux, pour construire ensemble la première relance économique alignée avec l’accord de Paris sur le climat. Il ne faut pas reproduire l’erreur collective faite en 2009 après la crise financière, à savoir relancer l’économie sans tenir compte des enjeux climatiques. Ça a eu pour conséquence de nous faire perdre dix ans sur le front de la lutte climatique. Or tout le monde le sait, on n’a plus dix ans à perdre.
Mais le Green Deal a déjà été adopté en janvier par le Parlement européen. Pourquoi faudrait-il de nouveau insister dans ce sens? Tout est loin d’avoir été adopté. La loi climat, qui est la première loi européenne à définir comment atteindre la neutralité carbone en 2050 –avec les différentes étapes intermédiaires, la gouvernance, etc.– ne sera votée au Parlement européen qu’en septembre, puis il faudra négocier avec les États… Donc on ne peut pas du tout dire que tout ça est derrière nous. Ensuite, un certain nombre de pays –la Pologne et la République tchèque ont déjà exprimé leurs réticences– et d’entreprises voudraient utiliser la crise du coronavirus pour repousser le Green Deal et remettre l’enjeu du changement climatique à plus tard.
La Commission européenne a également validé des aides d’état aux grands groupes en difficulté, notamment Air France. Il y a des enjeux très concrets: comment relancet-on le secteur automobile et celui de la construction? Comment sauve-t-on le secteur aérien? Ce sont des questions très opérationnelles: quelle prime à la casse? Quel type d’investissement dans l’isolation des bâtiments? Quel genre de garanties publiques? C’est pour ça qu’il faut croiser les expertises publiques et privées pour construire quelque chose d’à la fois ambitieux et opérationnel, auquel on peut croire, car on sait comment y parvenir. Je déteste les grands engagements sans les moyens. Mon statut de président de la commission environnement du Parlement –la plus importante en nombre de députés, mais aussi en termes politiques pour le Green Deal– me donne un rôle pivot dans cette affaire. Sur le sujet particulier d’air France, j’ai beaucoup travaillé avec Élisabeth Borne et Bruno Le Maire pour faire entrer la compagnie dans une logique de transformation de son modèle économique vers la neutralité carbone.
Vous dites détester ‘les grands engagements sans les moyens’ mais, justement, le projet de loi de finances rectificative qui prend en compte ces aides n’a pas inscrit de conditionnalité: comment être sûr qu’il y aura une avancée environnementale? Ce qui a été détaillé, ce sont les premières mesures comme la suppression des vols quand une liaison ferroviaire de 2h30 maximum existe. J’ai le sentiment qu’air France va jouer le jeu, parce qu’elle a compris que la pression sociétale, politique, d’image était bien là. Et si elle ne le jouait pas, alors il faudrait prévoir un dispositif de sanction.
Il y a de quoi être sceptique: la tendance générale est plutôt à l’utilisation de cette crise pour remettre en cause les objectifs environnementaux. Aux États-unis, l’agence de protection de l’environnement suspend ses règlementations. En Chine, la relance se fait avec le secteur automobile… C’est vrai, et c’est précisément pour ça que j’ai fait cette alliance. Pour vous donner un ordre de grandeur, la totalité des aides apportées par les États membres de l’union européenne pourrait s’élever à 2 000 milliards d’euros dans les mois qui viennent. Et pour le fonds de relance au niveau européen, le recovery fund, les hypothèses de travail de la commission tournent actuellement autour de 1 000 ou 1 500 milliards d’euros. On est sur des montants gigantesques, et ça veut dire qu’on n’a absolument pas le droit de se rater. Parce qu’il n’y aura pas de deuxième chance, que ce soit sur le plan climatique ou sur le plan financier.