FENÊTRES SUR RUE
La Belgique n’a pas attendu la quarantaine et ses effusions de sentiments aux balcons ritualisées pour afficher sa présence à ses fenêtres. En effet, le déploiement de la sphère de l’intime sur rue est une spécialité nationale dont l’infini des possibles a passionné Jean-luc Feixa, Français expatrié à Bruxelles, qui a arpenté le pays à la recherche de ses autels domestiques les plus singuliers. “Au gré de mes trajets quotidiens, j’avais déjà remarqué quelques objets bizarres placés derrière des fenêtres, explique le photographe, originaire de Haute-garonne. Un jour, j’ai vu un groupe d’enfants en train de commenter une construction en Lego. C’était assez fascinant de voir que ces gamins pouvaient échanger pendant plusieurs minutes sur cette installation.” À la manière de cet épisode involontairement dadaïste de l’aventure télévisuelle française récente, où des individus furent contraints de synthétiser leurs différents projets politiques avec un objet-symbole, les installations des riverains belges se révèlent bien souvent ésotériques à première vue: bustes égyptiens, figurines solitaires, armées de poupées, de pandas, memorabilia Elvis ou encore renards empaillés (“Sans aucun doute les plus étranges. J’ai également vu beaucoup de fenêtres avec des portraits de chien, en souvenir d’un animal disparu”), la somme de ces expressions personnelles évoque une grande braderie cosmique (les fenêtres servant même parfois à la vente en direct) autant qu’elle dessine les contours d’un certain esprit belge. “Je ne sais pas bien comment le traduire, mais en gros, ce serait que chaque Belge est au fond un(e) artiste et que toutes ces installations sont, à leur manière, de l’art brut. In fine, ces fenêtres disent quelque chose de leurs propriétaires.”