Un soir sans fin
L’angoisse de se retrouver chaque soir face à face, de trouver de nouvelles choses à se dire quand il n’y a –jamais– rien de nouveau dans sa vie. Combien d’amoureux, même transis, la ressentent aujourd’hui, après ces longs mois de vie sous cloche? Les conséquences de la pandémie sur la vie de couple des Français sont mal connues –peu de statistiques existent à ce sujet. Mais les chiffres disponibles ailleurs en Europe indiquent, sans surprise, que le confinement est bien un tue-l’amour: en Belgique, la fédération professionnelle des notaires a rapporté une hausse du nombre de procédures de divorce de 19,3% en juin 2020 par rapport au mois de juin 2019. L’institut de sondage allemand Civey a également constaté une hausse des demandes de divorce d’au moins 10% par rapport à l’année précédente. En France, plusieurs avocats spécialisés en droit de la famille confirment aussi ne pas avoir chômé en 2020. “Il est difficile de donner un chiffre, mais je note une hausse de 10 à 20% des divorces dans mon activité professionnelle. Après des semaines sans pouvoir sortir, les personnes qui me contactent expliquent qu’elles ne supportent plus leur conjoint(e)”, constate Me Laurence Mayer, avocate au barreau de Paris. Son confrère, Me Julien Simonnot, enfonce le clou: “Depuis le mois d’avril 2020, un grand nombre de personnes se renseignent sur les procédures de divorce, exprimant l’intention de se séparer de leur conjoint(e). Mais les couples mariés hésitent à franchir le cap: la crise rend l’avenir incertain sur le plan professionnel comme personnel, et divorcer coûte cher.” Une incertitude qui ne concerne pas que les séparations. Alors que l’on prévoyait un boom des “bébés Covid” conçus lors du premier confinement, imaginant que les couples n’auraient rien d’autre à faire, dans l’intimité de leur logement, que de se reproduire, les premiers résultats tendent à montrer l’inverse. L’étude annuelle de l’insee révèle ainsi une légère baisse des naissances en 2020 (-1,8%). Plus significatif, en Italie, qui s’est confinée dès le 8 mars, l’agence de statistiques ISTAT parle d’une baisse de… 21,6% au mois de décembre, soit exactement neuf mois après l’annonce du premier confinement dans le pays, tandis que le nombre de mariages aurait été divisé par deux lors des dix derniers mois de l’année.