YUSHI ET LES GARÇONS
“Je crois que je suis fatiguée de voir des femmes nues”, lâche la photographe Yushi Li, dont les mises en scène de mâles blancs en tenue d’adam sont une réponse autant critique que candide à l’hégémonie du male gaze dans la tradition picturale occidentale. Ou comme le résume plus simplement cette étudiante chinoise du Royal College of Art à Londres: “J’aime les hommes, donc c’est finalement naturel pour moi de travailler sur ce désir.” Recrutés tant bien que mal sur Tinder (“La plupart ne m’ont pas répondu ou bien me demandaient de coucher avec eux en échange”), ces hommes dénudés, compagnons de chambre dociles et ingénus de la photographe, forment un harem domestique fantasmé sur lequel elle règne en maîtresse du jeu imperturbable –et invariablement habillée. Citant la peinture de maître (Le Bain turc d’ingres revisité autour d’une pool party) comme le soft porn arty et cru d’un Richard Kern, ces rêveries érotiques Airbnb, qui visent à voir par‑delà “la dichotomie existante entre l’homme actif et la femme passive”, se jouent également d’un autre pilier du patriarcat: l’objectification sexuelle de la femme asiatique. “En me montrant ainsi vêtue face à ces hommes caucasiens nus, explique la photographe, je voulais retourner sur mes modèles le regard exotisant d’homme occidental que j’ai pu constater à l’égard des femmes asiatiques comme moi, souvent considérées comme délicates et soumises.” Avant d’ajouter: “Je suis très heureuse que les femmes aient désormais davantage de liberté pour créer leurs propres histoires, exprimer leurs propres désirs et se présenter comme bon leur semble.”