BEAUX DE JOUR
“Comme une grande partie de la culture américaine semble être destinée à la population ‘bro’, je pensais que ce serait drôle d’essayer d’objectiver les hommes afin de mettre en lumière l’ubiquité du regard masculin”, explique la peintre américaine Klaire Lockheart, qui revisite la figure de l’odalisque en troquant les créatures de harems chères à Ingres ou Boucher pour un florilège de mâles moyens capturés dans leurs tanières d’ados attardés. Exécutés avec un style académique visant à tourner en dérision les motifs patriarcaux de ces “vieux artistes morts et privilégiés”, les “Brodalisques” de Lockheart tiennent autant de la parodie critique que d’un tour d’horizon consciencieux (“J’ai voyagé parfois plus de 1 500 kilomètres pour rencontrer mes modèles”) des différents royaumes domestiques réservés à l’épanchement contemplatif de testostérone. Au programme de ces “man caves” à peine modifiées (“Seulement quelques draperies ici et là pour accentuer l’effet dramatique des scènes”), des dudes lascifs en bermuda et flip-flops perdus dans leurs rêveries depuis des canapés-écrins fonctionnant comme des pastiches de mise en scène orientaliste et agrémentés d’éléments symboliques traditionnels que sont ici les paquets de chips, bouteilles d’alcool et autres dinosaures gonflables. Et si les muses à goatee ne tombent jamais le gilet Cochiwan, la raison ne serait pas forcément à chercher du côté du postulat artistique. “Des directeurs de galeries locales m’ont prévenue que si je peignais des hommes nus, je n’aurais pas le droit de les exposer”, déplore la peintre, qui invoque la présence, dans ces mêmes institutions, de nus féminins, apanage exclusif des hommes. “La plupart des gens semblent découvrir que les artistes femmes sont largement sous-représentées, mais c’est un problème vraiment facile à résoudre.” La solution? “Je suis déterminée à peindre davantage de Brodalisques.”