ARCHI JOGGINGS
“L’architecture est rarement démocratique”, lâchait Sarah Ross lors d’un entretien pour le site graphitejournal.com en 2019. Pour dénoncer la prolifération d’éléments architecturaux dit “défensifs” au sein de l’espace public (les bancs anti-sdf étant l’un des cas de figure les plus significatifs), l’artiste a imaginé une parade tenant autant du geste de résistance ludique que de l’utopie stylistique: les “Archisuits”. Ces joggings-matelas, dont les formes ont été conçues dans le but de venir habiter les espaces négatifs des structures urbaines d’exclusion, permettraient ainsi à ceux qui les portent de s’offrir une sieste impromptue le long d’un banc ou de bronzer adossés à une clôture tout en défiant l’ordre établi. “Ces tenues ont été pensées pour être provocantes et pour questionner la façon dont les espaces ont été architecturalement créés pour se débarrasser des gens”, écrit Ross dans le texte de présentation de ses architectures portables, pièces de puzzle ambulantes envisagées “non comme des solutions, mais des spectacles à visée critique sur la manière dont nous nous traitons les uns les autres”. Avec un nombre total de quatre prototypes et élaborées en réaction aux contraintes spécifiques à Los Angeles, les combinaisons anarcho-slacker de Sarah Ross semblent finalement bien inoffensives face au recensement d’architectures hostiles opéré par l’artiste anglais Nils Norman sur son site Dismal Garden. Peintures anti-escalade, rambardes antiskate ou encore dispositifs anti-urine datant parfois du xixe siècle y dessinent, de Bordeaux à Bristol en passant par l’australie, une vaste forteresse à ciel ouvert qui, selon les mots de Norman, viserait à “privatiser l’espace public pour servir les intérêts d’un petit groupe ou d’une classe”. À méditer.