SPHÈRES PRÉCIEUSES
Surplombant des paysages dévastés tels des oeufs cosmiques émergés des entrailles de la terre, les sphères rétrofuturistes du photographe sud-africain Dillon Marsh posent une question tout à fait pragmatique: l’exploitation massive de ressources naturelles limitées est-elle à la hauteur de l’amélioration relative de nos existences? Ces présences énigmatiques, tout droit sorties d’un pulp ou d’une toile de Dalí, représentent en effet le volume total de matière première –or, cuivre, platine, diamant– extraite des différentes mines d’afrique du Sud visitées par le photographe. “J’ai commencé ce projet en lisant des choses sur les premières mines commerciales du pays, qui étaient des mines de cuivre situées près de la ville de Springbok, explique l’artiste.
Les excavations se faisaient encore à la main au siècle, pour que la matière soit ensuite transportée en charrette sur la côte à 150 kilomètres, puis embarquée vers l’angleterre. Je me suis alors interrogé sur le gain réel d’un tel effort.” C’est en s’appuyant sur des archives publiques et des comptes rendus obtenus auprès de la Chambre des mines que Marsh a ainsi calculé le diamètre exact de ses sphères, ajoutées méticuleusement en post-production sur des prises de vue de cratères préparées avec Google Maps, “afin de calculer la distance entre l’objectif et le placement imaginé pour la sphère”.
Si le/la spectateur(rice) reste seul(e) juge de la monumentalité des résultats obtenus, le photographe, pour sa part, ne cache pas les conflits intérieurs qui nourrissent sa série: “Mes sentiments oscillent constamment entre l’admiration pour ce qui a été gagné et la tristesse face au prix à payer. Par exemple, il y a du cuivre dans beaucoup de choses que j’utilise: mon appareil photo, mon ordinateur, ma voiture, mon téléphone et ma maison.” Avant de conclure, résigné: “Je ne pourrais pas produire ce travail sans cuivre, et c’est ce qui fait de cette série une lutte personnelle, en plus d’illustrer un enjeu planétaire.”