LES CHOCOLATS NOIRS
Réussir un bon chocolat –intense, équilibré, démocrate– n’est pas à la portée du premier département venu. De ce point de vue-là, il serait malhonnête de notre part de minimiser la performance de la marque à l’éléphant, d’autant qu’elle fait le taf dans son coin depuis 1883 sans emmerder personne, ce qui est exceptionnellement long pour une période sans emmerder personne. Donc bravo à elle, sincèrement, bon chocolat. Fallait-il pour autant aller jusqu’à ce “Côte d’or, le plaisir à l’état brut” claironné en majuscules au dos de la tablette? Certes, ses cantons viticoles (Nuits-saint-georges, Gevrey-chambertin) sont plutôt charmants, et OK, il est possible de faire des courses honnêtes sur Dijon (centre-ville), mais quiconque est déjà allé du côté de Montbard ou Châtillon-sur-seine sait parfaitement où placer le curseur du plaisir, entre “état brut” et “état net”.
En 2019, le groupe Lindt se voyait vertement tancé par l’autorité russe de la concurrence (FAS), qui lui reprochait de commercialiser dans son pays des produits dont la qualité présentait des “différences significatives” avec ceux vendus sous la même marque en Europe occidentale. À partir de là, trois possibilités: ou la respectable Lindt n’est pas que cette gentille multinationale toujours à vos côtés dans les coups durs (séparation difficile, problème de boulot, petit creux), mais aussi un organisme cupide, partant du principe qu’un Ruskov, ça boufferait n’importe quoi sous packaging occidental pour se prendre pour un oligarque ; ou bien le FAS ment, mais qui sommes-nous pour douter de la sincérité d’un organe officiel russe? ; ou bien ce Lindt est en fait un chocolat surfait, qui vit sur son nom, et dont l’ingestion compulsive d’une tablette entière vient de nous défoncer le bide. La 3.
Si Emmanuel Macron était une pizza, il serait l’une des audacieuses propositions de la néo-trattoria casual cool East Mamma (on met une petite pièce sur la “Ricotta Et Morty”!). S’il était un cookie: l’un des croustillants rejetons de la cookie thérapie prônée par les trublions Michel et Augustin. Une tablette de chocolat? Plus difficile de répondre à ça, car Emmanuel Macron n’est pas une tablette de chocolat ; mais le sémillant parangon du french entrepreneuriat serait sans doute un extra noir à 70% de la tribu Carré Suisse, fameux disrupteur de chocolat helvète ayant réussi à se faire une place à la force de l’inbound marketing dans l’exigeante galaxie des marques capables de tutoyer un client. Ça vous place un chocolat. “Et le goût?” nous direz-vous, comme si cela avait une importance. À votre avis? Vous avez vu le design du packaging?
La présence de Nestlé Dessert dans ce test vous chiffonne? Vous pensez que c’est un chocolat à dessert et qu’à ce titre, il n’a pas sa place dans le cadre phénoménologique du test comparatif des chocolats à croquer? Bravo, c’est exactement le genre de raisonnement des gens qui disaient à Kanye West qu’il était surtout un producteur, pas un rappeur. Ces gens-là, on aimerait bien les voir, maintenant que Kanye West est devenu complètement fou à force de perfectionner son flow parce qu’il voulait prouver au monde qu’il fallait arrêter de mettre des gens dans des cases. C’est ça que vous voulez pour Nestlé Dessert? Qu’il devienne taré à force de gens comme vous qui le privent de la possibilité de s’épanouir dans le dessert et dans la croque? Alors qu’il est délicieux dans les deux config’? Vous mesurez la portée de vos actes, parfois, ou quoi?