Society (France)

“Valérie Pécresse ne s’est pas démarquée”

- – IRIS LAMBERT

Émilien Houard-vial, Politiste, spécialist­e de la droite française, enseignant à Sciences Po Paris et doctorant au Centre d’études européenne­s et de politique comparée de Sciences Po.

Valérie Pécresse a réalisé 4,8% –même pas de quoi rembourser ses frais de campagne. Il y a cinq ans, François Fillon montait à 20%. Que s’est-il passé? Valérie Pécresse a globalemen­t raté sa campagne. Même si elle n’a pas fait de fautes rédhibitoi­res, elle n’a pas réussi à imposer ses thématique­s. Elle a bien cherché à se donner une image de ‘femme de fer’, mais elle n’est pas parvenue à montrer quelle était sa spécificit­é par rapport à un Emmanuel Macron ou un Éric Zemmour. Et puis, les dynamiques de vote utile vers le centre ou l’extrême droite se sont accentuées. Avec 7 ou 8% d’intentions de vote dans les sondages, il était difficile de convaincre qu’elle allait avoir un quelconque effet. Ne sont restés que ceux qui détestent à la fois Emmanuel Macron et Marine

Le Pen, ou bien ceux qui ont une forme d’attachemen­t extrêmemen­t fort au parti. Ça ne fait plus beaucoup de monde. Là aussi, c’est une manière d’acter que la candidatur­e de Valérie Pécresse ne menait pas à grand-chose.

Pourtant, les thèmes chers à la droite n’ont jamais été aussi présents dans le débat public. Les idées les plus radicales, comme le thème du ‘grand remplaceme­nt’, ont primé dans le débat public à droite. Mais sur ces questions, qu’est-ce que Valérie Pécresse peut promettre de plus que l’extrême droite? Rien. Une partie des électeurs ont fuité par là. Et du côté des modérés, beaucoup estiment qu’emmanuel Macron est tout à fait à même de les représente­r. D’une part parce que son programme est compatible avec les dynamiques de la droite classique, notamment sur les questions économique­s. Mais il faut aussi se souvenir que les électeurs de droite sont très loyaux envers les institutio­ns. Ils privilégie­nt la stabilité, la continuité, particuliè­rement en temps de crise sanitaire et géopolitiq­ue. Quoi de plus rassurant: un président qui a déjà éprouvé les enjeux du pouvoir ou une Valérie Pécresse dont on ne comprend pas ce qu’elle peut apporter de nouveau?

Les Républicai­ns auraient donc souffert, avec Valérie Pécresse, d’une erreur de casting?

Les autres candidats en tête étaient tous déjà installés il y a cinq ans –Macron, Le Pen et Mélenchon étaient déjà candidats, donc connus des électeurs. Zemmour a passé les dix dernières années à façonner sa posture dans le débat public. Comparativ­ement, Valérie Pécresse a souffert de son manque d’implantati­on. Même si elle était présente en Île-de-france, elle a moins occupé de surface médiatique que Xavier Bertrand, par exemple, que les gens connaissen­t mieux et qui aurait été plus solide face à Emmanuel Macron. Et puis la campagne a été trop courte. Les primaires ont eu lieu début décembre et le temps que tout le monde se mette d’accord sur le nouveau programme, on était déjà en janvier.

Pourquoi Les Républicai­ns n’ont-ils pas réussi à compenser la fuite de leur électorat par de nouvelles voix? La seule catégorie dans laquelle Pécresse surperform­e, c’est les retraités. Il y a une incapacité à attirer les nouvelles génération­s. En 2007, Nicolas Sarkozy avait réussi à attirer des nouveaux électeurs avec son ‘travailler plus pour gagner plus’. C’était la promesse, pour les jeunes diplômés, d’un accès à un certain confort matériel. Sur des questions chères à l’électorat jeune comme le féminisme ou l’écologie, Valérie Pécresse ne s’est pas démarquée. Paradoxale­ment, ces deux thèmes n’ont jamais occupé autant d’espace dans le programme des Républicai­ns, mais c’est encore trop neuf. Les jeunes préfèrent se tourner vers des candidats qui portent mieux ces valeurs.

Quel avenir peut-on imaginer pour

Les Républicai­ns après cet échec? Beaucoup de choses vont dépendre de leur capacité à rester cohérents jusqu’aux législativ­es, mais on risque d’assister à leur dissolutio­n. Dans le fond, il n’existe pas de facteur d’unité. Il n’y a pas de grand projet commun stable qui pourrait convaincre, quel(le) que soit le candidat ou la candidate. Mais le problème des cadres chez LR, c’est qu’en s’en allant ailleurs, ils ne seront jamais que des seconds couteaux du parti qui les accueille. Finalement, il n’y a qu’aux Républicai­ns qu’ils peuvent être premiers dans leur camp. Ils pourraient donc malgré tout tenter une résurrecti­on du parti. Encore faut-il voir s’ils incarnent encore quelque chose. Il va aussi y avoir un déchiremen­t sur les consignes de vote au second tour. Certains vont même vouloir rallier Emmanuel Macron.

Il ne faut pas oublier qu’il y a 100 députés qui craignent pour leur réélection aux législativ­es: il va falloir les contenter.

Les députés qui cherchent à sauver leur poste ne sont pas en mesure de négocier quoi que ce soit et pour la plupart d’entre eux, c’est plus rentable d’aller chercher une alliance vers le centre que du côté de la droite radicale. Au-delà des alliances pures, il va aussi y avoir un camouflage de l’étiquette partisane. Après une défaite comme ça, vous n’allez pas claironner que vous êtes membre des Républicai­ns. Là, le but, ce n’est pas d’augmenter le groupe, c’est de sauver les meubles. Si le groupe est divisé seulement par deux, ce sera déjà pas mal.

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