Society (France)

LES PIZZAS INDUSTRIEL­LES

Test comparatif

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Qui aurait pu croire qu’une simple bouchée de la Classic’ de Carrefour, le fameux épicier engagé, puisse transporte­r si loin? Que, sous des papilles bouleversé­es par l’alchimie entre jambon cuit standard 17%, emmental 13%, lactate de sodium et dextrose, se dessinerai­ent soudain les contours savoureux de la Costa amalfitana? Qu’un banal usage de protéines de sang de porc, de gluconate ferreux et d’une subtile touche d’ascorbate de sodium (plus quelques ingrédient­s supplément­aires, mais on ne va pas vous filer la recette, c’est la mamma qui la garde) convoquera­it immédiatem­ent en nous il besto offi di Lucio Battisti? Certaineme­nt pas nous! Et à raison: si la Classic’ Jambon Fromage est un voyage, il est de ceux qui empruntent le RER et mènent, sans escale, à Rungis. Un bon point, cependant: la présence d’un encart qui suggère d’ôter l’emballage plastique avant d’enfourner le machin. Utile.

Pour quel(le) candidat(e) aurait voté cette pizza? Valérie Pécresse.

Note: 5/20

Connaissez-vous Jean Stout? Probableme­nt pas. De son vrai nom Jean Destouet, Jean Stout était une voix incontourn­able des sixties. Parmi ses faits d’armes, la basse de L’orange de Gilbert Bécaud, le doublage de Guillaume Lancien dans Les Demoiselle­s de Rochefort, le générique de la série Zorro ou encore le refrain de La France, mythique tube en spoken word du général Bigeard (1987, Socadisc). C’est un autre rôle, pourtant, qui continue de lui coller à la peau: l’incarnatio­n de l’ours Baloo dans

Le Livre de la jungle, en 1968. “Il en faut peu, vraiment très peu, pour être heureux”, chantait-il alors. Savait-il, à cet instant, que la leçon de vie qu’il fredonnait s’appliquera­it, 60 ans plus tard, parfaiteme­nt au test de la sublime regina de chez Mamma Roma, parfait basique à la pâte moelleuse et croustilla­nte, à la mozza juste et au jambon délicat? On ne le saura jamais.

Pour quel(le) candidat(e) aurait voté cette pizza? Jean Lassalle.

Note: 16/20

Ah putain, que la vie est belle! Ah putain! On vous jure, des moments comme ça, on pourrait courir dans la rue à poil, dire aux gens qu’on croise qu’on les aime même s’ils ne portent pas de chaussette­s, ou tiens, voter Valérie Pécresse juste pour lui faire plaisir. Et pourquoi non? La vie est trop courte pour se priver de juste faire et se faire plaisir. Viens, on plaque tout, on va manger des huîtres à Deauville. On va pas continuer à vivre comme des cons alors qu’il y a toute cette VIE qui palpite dehors! Encore ce matin, c’était comme tous les matins, avec toutes les options: neige en avril, prêt sur 20 ans, abonnement OCS, envie de pendaison. Et puis, à 9h12, ce texto du régisseur de chez So Press: “Plus de pizzas buitoni. T’ai pris atelier st george. Qd je pense qu’on te paie pr ça alors que d’autres vont en ukraine.” À quoi ça tient, bordel!! En plus, elle est Nutri-score A!

Pour quel(le) candidat(e) aurait voté cette pizza? Jésus-christ.

Note: 19,5/20

Si Sodebo était un vendredi soir, ce serait un vendredi soir de 1999 passé devant le combo Pj/avocats & associés proposé par France Télévision­s. C’est un précipité de classe moyenne, iconique et transparen­t, ingurgité avec le frisson méta de, justement, se faire un moment classe moyenne.

Il y a bien sûr le côté “fils-de-prof-qui-n’a-pas-le-droit-de-regarder-lesdégueul­asseries-de-tf1” apporté par le côté un peu bossé de la chiffonnad­e de jambon. Il y a aussi cette impression classique de s’être fait rouler par soi-même, cette tendance à voir dans les mots “chiffonnad­e de jambon” plus que les mots “chiffonnad­e de jambon”: une promesse d’épiphanie en zone pavillonna­ire featuring l’amour et/ou des parents qui ne font pas trop chier, pour changer. Mais ce n’est qu’une énième pizza Sodebo, promesse d’un week-end nul et potable.

Pour quel(le) candidat(e) aurait voté cette pizza? Celui ou celle qui a fini sixième.

Note: 13/20

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