HAIR POSTER
Parce que la société chinoise serait devenue au cours des dernières années “de plus en plus intolérante face aux esthétiques et valeurs différentes”, le photographe Alex Huanfa Cheng a décidé de ressusciter l’une des sous-cultures récentes parmi les plus emblématiques de son pays d’origine, mais aussi les plus honnies: les Smart Kids. Critiqué pour “sa vulgarité et son ancrage rural”, ce mouvement adolescent, né sur Internet à la fin des années 2010, se distingua notamment par la flamboyance capillaire de ses adeptes, dont le port de l’iroquois passé à la moulinette pastel du style seapunk de l’époque traduisait une volonté d’émancipation socio-culturelle au sein d’un environnement ouvrier. “Je viens d’un village du Hubei où il y avait beaucoup de Smart Kids, mais je ne leur parlais pas, car tout le monde les considérait comme des voyous, se remémore le photographe, désormais installé à Paris. Ces gamins étaient très innocents. On les a traités comme des hérétiques et mis au ban de la société car ils ne se conformaient pas aux valeurs sociales dominantes.” Éteint en 2013 après de “nombreuses arrestations vicieuses”, le courant Smart Kids s’offre une nouvelle incarnation dans l’oeil fasciné d’huanfa Cheng, qui a imaginé un “faux documentaire” fonctionnant autant comme un lookbook kaléidoscopique –s’y croisent pêle-mêle des références glam, mod, emo ou encore goth et manga– que comme un hommage complice (“Quand je suis arrivé de ma campagne à l’université de Pékin, je me teignais aussi les cheveux pour apparaître comme un dur”) aux accents contestataires. “Beaucoup de ces personnes ont souffert de cyberharcèlement et de discrimination, poursuit Huanfa Cheng. La Chine est aujourd’hui de plus en plus conservatrice, interdisant les tatouages et les cheveux teints à l’écran, se positionnant contre les styles androgynes et harcelant les communautés LGBT et féministes.” Et de citer, pour conclure, un dénommé Luo Fuxing, fondateur de la culture Smart et désormais coiffeur:
“La liberté esthétique est le début de toutes les libertés.”