Society (France)

IL Y A TROIS RÈGLES, ET TROIS SEULEMENT.

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Pas d’avocat, pas de chocolat et surtout, surtout, pas de courants d’air. Ainsi, lorsque Alan ouvre la porte d’entrée du pavillon, il accueille avec un grand pas en arrière. “Certains aliments sont toxiques pour elle. Mais le pire, ce sont les courants d’air… Ça, ça peut être fatal en un instant”, explique-t-il. “Elle”, c’est Baby, une perruche de 22 ans sagement perchée sur l’épaule gauche d’alan. “Vous allez voir!” s’enthousias­me le sexagénair­e, béret bleu turquoise et chemise traversée d’une cravate rouge. Il jette une oeillade à Baby et lui dit: “Fake news!” Pas de réaction. “Fake news!” Toujours rien. Alan décoche un sourire crispé. Déçu, il espérait accueillir ses visiteurs avec le mantra préféré de Donald Trump, qu’il tente d’enseigner à Baby depuis plusieurs semaines. Mais Baby est d’humeur timide. Ou peut-être est-ce l’air de Dallas, où Baby, Alan et sa femme, Jean, vivent par intermitte­nce depuis quelques mois dans une drôle de communauté. Derrière eux, une dizaine de personnes affalées sur des fauteuils et un grand canapé en L. Certains regardent leur téléphone, laissent le temps s’écouler en silence. Pas Micki. Cette minuscule Texane, 20 années D’US Air Force au compteur, s’active aux fourneaux pour nourrir le groupe, dont les membres s’appellent entre eux “La Famille”. Sur la messagerie Telegram, elle avait annoncé un brunch, alors ce matin, c’est bacon pour toute le monde. Rapidement, une odeur de lard et une épaisse fumée envahissen­t la pièce. Baby a-t-elle droit au bacon? “Pas bon pour sa ligne”, blague Alan, qui reprend vite son sérieux, car après le chocolat, l’avocat et les courants d’air, une quatrième règle s’impose finalement: Alan a pour mission d’enregistre­r sur son téléphone toutes les discussion­s des membres de La Famille avec Society. Par paranoïa, un peu, mais surtout parce qu’ils ont signé des accords de confidenti­alité avec ce qu’ils appellent “L’administra­tion”.

Ils n’ont pas le droit de parler de L’administra­tion, par le biais de laquelle ils ont tous accouru à Dallas. En réalité, c’est la toute première fois que des membres de La Famille s’ouvrent à des journalist­es, alors Micki intervient lorsque Stacie ouvre son cahier recouvert d’autocollan­ts “Trump” et rempli de lignes de calculs: “Je ne voudrais pas que tu te mettes toi-même en danger, que tu leur montres des choses que tu n’as pas le droit de montrer.” Pendant qu’elle rappelle Stacie à l’ordre, sa poêle laisse échapper un filet de graisse de porc sur la gazinière. Réaction chimique, flammes. L’incendie ne sera évité que grâce à une bonne dose de bicarbonat­e de soude. Il se peut que plus tard, La Famille se rende à “L’arche”, une salle de conférence­s du gigantesqu­e hôtel Hyatt Regency, désignée ainsi en référence à l’arche de Noé. Plusieurs fois par semaine, L’administra­tion envoie à ses ouailles une note via Telegram, avec l’heure de début des “sessions” qui s’y déroulent. “Ce qui se passe dans L’arche doit rester dans L’arche”, tranche Micki. “Si on révèle des choses, on se fait virer, embraye Alan. Ce qui compte, c’est la vérité, mais aussi la confiance et l’honnêteté. On est tous testés en permanence. Ne rien révéler, c’est une manière de passer le test et ça signifie qu’on nous en apprendra davantage. On nous donne des miettes, et si on se plaint, on arrête de nous en donner.”

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