Society (France)

LES HUILES DE TOURNESOL

Test comparatif

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Ne lisant pas les tests comparatif­s de la concurrenc­e, on ne peut pas présumer de ce que font leurs testeurs lorsqu’ils se retrouvent dans pareille situation (ils posent probableme­nt un jour de congé –et on dit ça sans méchanceté, la France est arrangeant­e de ce côté-là), mais voici ce qu’on peut vous dire sur la façon dont nous, on envisage le travail: aucune pénurie ne nous empêchera jamais d’informer, OK? Il n’y a plus d’huile de tournesol, tu es face à un rayonnage vide? Eh ben tu testes le rayonnage, tu checkes l’étagère, tu t’adaptes, tu ne perds pas ton temps (et celui des cli lecteurs) à chercher des excuses! Tu vois qu’à vue de nez, on est sur de l’acier galvanisé complet (type Galvastar)? Hop! tu l’écris. Première étagère à 25 centimètre­s du sol, peut-être un peu discrimina­nt pour les victimes de lumbago? Bam! c’est noté. Ton bras est une arme: c’est un lance-infos. N’oublie jamais.

Plus besoin d’aller dans une lointaine contrée au sabir abscons pour se sentir dépaysé, il suffit désormais de passer une tête au fantasque rayon huile de tournesol de Carrefour, qui après plusieurs semaines d’étagères vides comme les caisses de l’état renoue avec le traditionn­el camaïeu de jaunes, soutenu cette fois par un déroutant mélange de marques pittoresqu­es et de designs post-bloc de l’est. Tête de gondole du néooléagin­eux, Papas-olio nous invite à une virée bulgare sans chichi. Propose une huile qui fait le job, au bec verseur rusé, et affiche dès le packaging l’humilité de ceux qui savent d’où ils viennent: “suitable for salads as well as for frying and cooking”. C’est comme vous voulez! Papa-olio s’adapte! Garde son petit oléo-ego à sa place, là où nombre de nos “occidental­es” se gonfleraie­nt d’innovation­s ou de pseudo-qualités nutritives. Rafraîchis­sant, même frit.

Alors de mémoire, déjà, il y a ce bidon qui nous a toujours fait penser à un épi de maïs, avec sa surface plus lisse au niveau de l’étiquette. On se souvient, on avait toujours envie d’appuyer très fort dessus pour faire gicler l’huile tout droit dans la poêle. Côté bouchon, c’est du classique, non? Un petit crac à l’ouverture et un embout “précision” –à moins qu’on confonde avec l’isio 4, ça fait un bail… En tout cas, une chose dont on est sûrs: l’odeur. Allez savoir pourquoi, on associe systématiq­uement cet arôme un peu noiseté à une lumière. Un rayon de soleil qui passe à travers les rideaux en dentelle pour venir moucheter le mur de la cuisine et la silhouette de notre père, dans l’embrasure de la porte, qui nous dit de sortir de là parce qu’on va sentir la friture, et puis derrière lui dans l’angle mort à côté du frigo, l’épaule de la voisine qui devait passer emprunter de l’huile. Elle oubliait toujours d’en acheter, ça nous revient!

La vérité, c’est que les médias se sont mis à nous rebattre les esgourdes avec le régime crétois. Le truc, tu le suis, t’as plus de chances de vivre 100 ans que d’avoir de la flotte à Roland-garros. Sans compter le lobby du bienêtre qui faisait sans arrêt dire du mal de la friture qui bouche les artères et tout ça, alors forcément, on a tenté l’huile d’olive, juste de temps en temps, on ne voulait pas vivre centenaire non plus, mais bon, un petit 85 ans, on n’aurait pas dit non ; et faut avouer qu’au début, c’était dégueu, tout ce que tu assaisonne­s prend un goût d’huile d’olive, mais c’était nouveau, quoi, et petit à petit, on t’a délaissée, Lesieur, ta bouteille aux courbes lascives, ta discrétion de ouf, ton coeur de tournesol d’artichaut. On savait pas que tu serais pas toujours là, nous! Tu nous manques, putain. Reviens, on est prêts à accrocher du Van Gogh dans la cuisine s’il le faut.

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