BROOKLYN DE BÀZ
Aller à New York sans mettre un pied à Manhattan? C’est possible. Mieux, voilà l’assurance d’un voyage unique centré sur le quartier le plus changeant, dynamique et vivant de la Grosse Pomme: Brooklyn. La preuve par dix.
Il faut le voir pour le croire: le seul gorille de Brooklyn n’est pas retenu en cage. Pour caresser ses poils bleus et planter votre regard dans ses yeux rouges, oubliez le zoo de Prospect Park et rendez-vous au numéro 261 de la rue Moore, dans le quartier de Bushwick. Pas d’inquiétude: bien qu’il mesure trois mètres, il passe l’intégralité de ses journées à avaler de la pizza margherita et une cannette de Budweiser. Ce primate-là est inoffensif, car il s’agit d’un graffiti réalisé sur les murs en tôle du vrai ovni culinaire du coin, la pizzeria Roberta’s. Là-bas, le quidam pensera d’abord pénétrer dans une déchetterie ou un squat laissé aux hobos. Raté: créée en 2008, la “meilleure pizzeria” de Brooklyn est désormais fréquentée par Jay-z, Beyoncé et Bill Clinton pour la qualité de ses produits –pâte ultrafine, légumes cultivés sur place–, dans un décor resté dans son jus tout en meubles de récup. Optez pour la Bee Sting: tomates, mozzarella, basilic, soppressata, chili et miel, et un tiramisu en dessert, pour une addition à 36 dollars.
Difficile de visiter Brooklyn, 180 kilomètres carrés –plus que Paris–, 18 lignes de métro et 2,6 millions d’habitants, sans mentionner l’offre culinaire de son quartier le plus branché, Williamsburg, allant du tout récemment étoilé restaurant The Four Horsemen aux tortillas traditionnelles de For All Things Good. “Quand quelqu’un vient en ville, je l’emmène toujours à ces deux endroits, glisse Garrett Oliver, mémoire vivante et maître brasseur de la Brooklyn Brewery, autre institution du quartier. La variété de maïs qu’ils utilisent pour faire les tortillas contient des saveurs que l’on ne retrouve nulle part ailleurs aux États-unis.” L’adage vaut également pour la microbrasserie Brooklyn Brewery, située au
79 de la 11e rue Nord, dont la visite de 45 minutes et la tasting room aux plus de quinze bières font voyager les papilles et apprennent tout de la confection d’une bière de qualité.
Pour la nourriture de l’esprit, rendezvous à la St. Ann’s Warehouse, ancienne église reconvertie en 1980 en salle de spectacle, “à l’intersection du théâtre et du rock and roll”, entre David Bowie, Lou Reed et Hamlet. Un autre chouchou de Garrett Oliver. Culture toujours, les amateurs de rap iront au 226 St. James Place, à Clinton Hill, maison originelle de Notorious B.I.G., pour flâner dans les rues qui ont vu grandir la légende. Son ancien barbier est à la retraite, mais l’établissement Respect for Life vous offrira une coupe honnête au milieu des photos de Biggie. Deux kilomètres plus à l’ouest, la chorale de l’église Brooklyn Tabernacle, six Grammy Awards au compteur, officie trois fois par dimanche lors de la messe donnée au Loew’s Metropolitan Theatre. En sortant, rien de mieux qu’un trajet en métro jusqu’au “Woodstock de la nourriture”, le marché à ciel ouvert de Smorgasburg, qui attire jusqu’à 30 000 personnes à Prospect Park. Enfin, un cocktail à base de mezcal dégusté au bar La Milagrosa permettra de terminer la journée en beauté: là-bas, un faux décor de lavomatic cache une réminiscence des fameux speakeasy new-yorkais, ces bars clandestins datant de la Prohibition. Et quelle est la boisson préférée de Garrett Oliver après la bière? Le mezcal, bien sûr! Il y a 20 ans, on disait aux nouveaux arrivants: “No one moves to New York City to live in Brooklyn.” Aujourd’hui, personne ne voyage à New York pour rester à Manhattan.