LA MÉMOIRE DANS LA PEAU
“J’aime l’idée d’utiliser le derme comme une surface sensible où viendraient se révéler des photographies”, explique l’artiste plasticien Thomas Mailaender, qui a imprimé directement sur le corps de volontaires aventureux des négatifs provenant du fonds de l’archive of Modern Conflict, à Londres. Comment? En plaçant ses modèles (“Majoritairement des proches ou des gens qui me devaient un service”) sous une lampe UV médicale datant des années 1970, le négatif s’imposant alors sur le morceau de chair brûlée, “un peu comme si des souvenirs venaient resurgir par les pores comme une sorte de maladie”. “Depuis des années, cette fondation amasse toutes sortes de documents autour de la notion de conflit”, poursuit Mailaender, qui a pioché parmi cette “collection infinie” et insolite des artefacts photographiques “empreints de nostalgie”. Si la galerie d’images-coups de soleil de l’artiste marseillais se révèle finalement aussi indéchiffrable que la nature même de sa base de données gigantesque (plusieurs millions de documents allant des armes préhistoriques aux photos judiciaires en passant même par un catalogue illustré de cercueils), son titre, Illustrated People, “pourrait être celui d’un roman de science-fiction évoquant un groupe de gens mystérieusement touchés par une maladie de peau qui trahirait en images leurs souvenirs passés”. Et pour celles et ceux qui seraient tentés de se bricoler des tatouages solaires éphémères homemade, l’artiste prévient: “Je ne conseille évidemment à personne de réaliser cette expérience, car nous connaissons tous les méfaits d’un coup de soleil.” Puis de préciser: “J’ai d’ailleurs été contacté l’année dernière par la ligue du cancer allemande, qui avait l’idée d’utiliser ces images pour une campagne de sensibilisation auprès de son public.” Bien vu.