Society (France)

“C’est le début d’une révolution”

La chanson Baraye de Shervin Hajipour, constituée de tweets ayant été écrits depuis le début de la contestati­on iranienne, est un symbole du mouvement. Neda, l’une des autrices et auteurs des messages choisis, témoigne.

- – HÉLOÏSE ROBERT

Ilest devenu l’une des figures de la révolte. Fin septembre, quelques jours après la mort de Mahsa Amini et le début du mouvement de contestati­on en Iran, le chanteur Shervin Hajipour mettait en ligne sur Instagram une chanson intitulée Baraye, soit, en français, “Pour” ou “À cause de”. Plus de 40 millions de vues plus tard, la vidéo était supprimée et Shervin Hajipour arrêté –avant d’être libéré le 4 octobre. La particular­ité de son morceau? Pour le composer, il avait sélectionn­é de nombreux messages engagés postés sur le réseau social Twitter depuis le début de la contestati­on.

Parmi les autrices et auteurs de ces messages se trouve Neda, une lycéenne de 17 ans. Lorsqu’elle a entendu la chanson, elle a ressenti, dit-elle, “un sentiment étrange et magnifique d’avoir participé à la nouvelle oeuvre de [s]on chanteur préféré”. Elle ajoute que “le fait que cet artiste soutienne [leur] peuple [lui] assure qu’il est la bonne personne à prendre pour modèle”. Les jours suivant la mise en ligne de la chanson, l’arrestatio­n de Shervin Hajipour, officielle­ment accusé de “manifester son soutien aux émeutiers et sa solidarité avec les ennemis en publiant la chanson sur les réseaux sociaux sans en obtenir l’autorisati­on”, l’a scandalisé­e, mais ne l’a pas dissuadée pour autant de continuer à protester. Même s’il est dorénavant difficile de diffuser des messages et de lutter pour la liberté via les réseaux sociaux en Iran, Neda dit en effet qu’avec l’aide d’un VPN et d’une adresse IP, la contestati­on reste possible en ligne: “Actuelleme­nt, nous sommes attaqués par de nombreux cybercrimi­nels pro-régime. Ils s’efforcent d’arrêter cette alliance sur les réseaux, mais nous leur faisons face et nous sommes encore plus déterminés qu’avant. Nous publions les nouvelles des crimes et des manifestat­ions pour que le monde sache à quel type de régime criminel nous sommes confrontés.”

Sur ces mêmes réseaux sociaux, on retrouve de nombreuses vidéos de femmes qui se coupent les cheveux ou brûlent leur hijab en signe de protestati­on contre le régime. À l’origine, dans certains groupes ethniques d’iran, se couper les cheveux est un signe de deuil. Aujourd’hui, ce rituel est devenu le symbole internatio­nal de la colère et de l’émancipati­on pour les protestata­ires. Neda ajoute: “Beaucoup d’hommes iraniens se sont aussi rasé la tête en soutien aux femmes et à ce mouvement.” Elle affirme que les protestati­ons engendrées par la mort de Mahsa Amini sont le résultat de décennies d’abus et d’oppression à l’encontre des femmes: “Cela fait 44 ans que nos corps sont le champ de bataille de gens abusifs et sans pitié au pouvoir. Cette fois, c’est très différent! C’est le début d’une révolution.” Pour la suite, la lycéenne se dit déterminée: “Ces dernières semaines, j’ai été remplie de colère, d’espoir et de tristesse. Mais plus que tous ces sentiments, un sentiment de liberté et de fierté a grandi en moi. Les femmes iraniennes sont dorénavant devenues l’incarnatio­n du courage, de la bravoure et de la force. Contrairem­ent aux époques précédente­s, au lieu de trouver un moyen de fuir ce pays, je cherche des moyens de le libérer.”

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Manifestat­ion en Iran, le 3 octobre dernier.

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