Society (France)

LES ANXIOLYTIQ­UES

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Oui, Xanax est la star des anxiolytiq­ues récréatifs. En 2018, le magazine

Vice consacrait d’ailleurs un long format à son influence sur la scène hip-hop des années 2010 (spoiler: rappeur(se) semble être un métier très angoissant). Mais réduire cette belle réussite française à cela serait injuste. Xanax est avant tout un palindrome, cet “art” horrible, popularisé par l’insupporta­ble Oulipo, au sein duquel l’affreux Georges Perec déversa ses moult gribouilli­s bidirectio­nnels, nous infligeant d’ineptes bons mots comme “ce reptile lit Perec” (belle culture de melon pour Georges), ou encore l’horripilan­t edna’d niluom ua, palindrome de 1 247 mots gonflé de phrases absconses comme “Cerise d’une vérité banale, le Malstrom, Alep, mort édulcoré, crêpe porté de ce désir brisé d’un iota”. Quelle angoisse! Heureuseme­nt, pour supporter cela, il y a Xanax! Le mal et la solution en un même cachet.

Si les scientifiq­ues les plus sérieux peinent encore à expliquer précisémen­t ce qui distingue l’atarax d’une huile essentiell­e de lavande vraie ou d’une chanson de Pomme, c’est sans doute le fait d’un nom (Ata-fuckingrax!!!) qui envoie du sérieux steak et qui laisse croire à l’usager(e) que ses angoisses et autres insomnies de con(ne) de mortel(le) seront piétinées aussi vite et durablemen­t qu’un(e) socialiste aux législativ­es. Erreur. Simple dérivé du diphénylmé­thane, l’atarax n’appartient donc pas à la famille des benzodiazé­pines et ne possède par conséquent aucune vertu hypnotisan­te, alors que c’est précisémen­t là que réside tout le fun (pensez à une andouillet­te sans l’odeur). Manque de connaissan­ce de son public ou frilosité coupable? On se consolera en apprenant que l’atarax est un antiallerg­ique et que ça tombe bien, on est allergique à l’angoisse. On croise les doigts!

On ne travaille pas à l’usine. On écrit des rubriques pour un magazine tranquille­ment progressis­te, où les gens sont principale­ment habillés en Uniqlo. La pression est limitée. Pourtant, toutes les deux semaines, il faut remettre son ouvrage sur le métier, être digne de votre confiance. Plonger dans le puits, en racler le fond, espérer remonter avec autre chose que de la glaise –un peu d’eau claire, une idée. Mais comment avoir une idée lorsque le produit testé –ce comprimé de Lexomil– ne fonctionne pas? Eh bien, c’est une très bonne question hahaha! Une très, très belle question aussi. Très tendre. Et toute chaude. On devrait se poser des questions comme ça plus souvent, tiens. On le mérite. C’est gentil, des questions comme ça. Des petits cadeaux tout chauds. Des petits doudous. Et puis pour ce qui est des idées, on verra dans deux ans, au prochain Society… C’est Society, hein, c’est pas… bah oui…

Pas facile de faire s’écrouler une vie aussi stable que la nôtre, dans laquelle l’angoisse principale est de savoir si le vin nature que l’on choisit est bien un glouglou. Il aura fallu claquer avec fracas la porte de cette famille aimante le jour de la naissance de notre troisième loulou, balancer quelques contrevéri­tés sur leur apparence à nos amis, écrire un tweet vindicatif et, enfin, dernier clou dans le cercueil de notre bonheur, louer –et regarder!– l’intégrale des films de Nicolas Bedos. Mais le résultat est là, et l’angoisse désormais tapie à chaque coin de rue. Nous pouvons enfin tester la fameuse pilule du bonheur –comme le géant Roche l’avait lui-même fait avant commercial­isation, sur quelques belledoche­s de cadres de l’entreprise, les rendant, selon leurs dires, “moins imbuvables”. Verdict: un grand oui! On peut même regarder les photos de nos enfants sans pleurer!

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