De la graine à l’emploi
Née d’un mouvement collectif et citoyen, l’association Halage a créé, au milieu des années 1990, un chantier d’insertion pour nettoyer et aménager les berges de Seine de L’île-saint-denis. Puis en 2018, elle a lancé Fleurs d’halage, un parcours d’insertion dans la production responsable de fleurs coupées pour accompagner des personnes marginalisées du marché du travail et réhabiliter les sols pollués d’une ancienne friche industrielle. Avec en plus un objectif ambitieux: être le catalyseur d’une filière de la fleur inclusive, locale, éthique et solidaire en France. Un projet qui a notamment pu voir le jour grâce à la finance solidaire.
La pénibilité du travail sur les chantiers du BTP, Sacha en sait quelque chose. Il a écumé plusieurs missions comme celle-ci avant de comprendre qu’il voulait trouver une activité physique, certes, mais aussi psychologiquement apaisante. Un jour, on lui propose Fleurs d’halage, un parcours d’insertion lié à la production éthique et responsable de fleurs de saison. Il accepte. Six mois plus tard, l’employé de 36 ans dit s’épanouir dans son nouveau quotidien. “Chaque jour, j’ai des tâches différentes à faire, que ce soit des préparations, planter des semis ou tailler les fleurs. Il n’y a rien de répétitif. Et puis travailler dans la nature est assez stimulant”, raconte-t-il. Sacha compte parmi les seize salariés en CDD d’insertion qui travaillent tous les jours dans les fermes florales de Fleurs d’halage, guidés par une équipe encadrante. Entre 20 et 30 personnes y sont formées chaque année au métier d’horticulteur(rice) urbain(e).
Initié par l’association Halage, qui oeuvre pour l’insertion dans les espaces verts du département de Seine-saint-denis, et soutenu par les financements solidaires du Crédit Coopératif, Ecofi, France Active et Mirova, le projet Fleurs d’halage a éclos en 2018. Cette année-là, une friche industrielle avec des sols pollués aux hydrocarbures et métaux lourds est mise à disposition de l’association. Le maraîchage est impossible, alors Rustam, un des salariés en insertion et horticulteur dans son ancienne vie, propose de faire de la fleur sur ce site contaminé. Grâce aux nombreux citoyens qui ont décidé de déposer leur épargne sur des placements solidaires, le projet peut être financé et Rustam devient encadrant au jardin du curé de L’île-saint-denis, l’un des trois sites d’horticulture d’halage. “L’un de nos objectifs, c’est de révéler et valoriser les savoirs et savoir-faire des personnes invisibilisées ou en situation de précarité”, précise Julie Haddad, chargée de projets de Fleurs d’halage. Nombreux sont les salariés en parcours d’insertion dans les équipes espaces verts dotés de compétences en horticulture et agriculture, et qui sont désormais mobilisables. “La fleur est un objet très valorisant et beau qui permet aux personnes éloignées de l’emploi de retrouver une dignité. Beaucoup sont ravies de savoir que les fleurs qu’elles cultivent sont exposées
au Ritz ou à la Fashion Week”, sourit Julie Haddad. Avec son équipe, la chargée de projets a aussi veillé à répondre à l’une des problématiques rencontrées sur les chantiers d’insertion espaces verts: la quasi-absence de femmes. Fleurs d’halage emploie aujourd’hui une équipe totalement paritaire. Dans la continuité de la démarche de préservation et de restauration de la biodiversité sur le territoire local menée par l’association, Fleurs d’halage a banni tout produit chimique, cultive uniquement de la fleur locale et s’est donné pour mission de structurer et développer une filière de la fleur française. Pourquoi? Parce que 85% des fleurs coupées vendues en France sont importées. Conséquences: une empreinte carbone importante et une traçabilité floue, tant sur les modes de production et leurs impacts sur les sols que sur les conditions de travail des personnes qui les font pousser. Parmi les seules quatre fermes florales disséminées en Île-de-france, Fleurs d’halage est la plus grande, avec sa soixantaine de variétés sur 6 500 mètres carrés.
En attendant, un bouquet de projets bourgeonne déjà. Julie Haddad envisage de doubler la surface de production d’ici 2025, de créer une bourse aux fleurs et, avant tout, de développer la vente en direct. “Participer aux marchés de Noël sera une super occasion pour nos salariés en insertion de vendre leurs créations de composition florale”, se réjouit-elle. Et de leur offrir de nouvelles compétences. Pour en savoir plus, la Semaine de la finance solidaire se tient du 7 au 14 novembre partout en France. Rendez-vous sur www.finance-fair.org.