Society (France)

CANARDS BOITEUX

- – JULIEN LANGENDORF­F

“Je continue de voir un potentiel pour des leurres de canard dans tous les objets qui m’entourent”, avoue l’artiste Oli Watt, dont l’obsession récente pour ce banal accessoire de chasse en serait même venue à inquiéter ses proches. Comment en arrive‑t‑on là? “En 2020, j’ai effectué une résidence de deux semaines dans l’atelier du peintre Roger Brown (décédé en 1997, ndlr) à New Buffalo, dans le Michigan, et j’ai été inspiré par sa collection de leurres de sauvagines, tous plus bizarres et mal fichus les uns que les autres”, poursuit ce professeur de gravure à la School of the Art Institute de Chicago, qui décide alors, dans la solitude trouble de son studio (la prise d’une année sabbatique coïncidant avec l’arrivée de la pandémie), de créer ses propres “leurres inutilisab­les”. Assemblés à l’aide de détritus notamment trouvés lors des sorties quotidienn­es autorisées pendant le confinemen­t, les canards boiteux de Brown se déploient selon une approche less is more auto‑imposée (“C’était important pour moi de ne pas dépenser d’argent sur les leurres, afin de ne pas créer de système de valeur parmi eux”), entre arte povera aux accents pop et associatio­ns d’idées héritées du surréalism­e. “La chance et l’intuition ont définitive­ment été impliquées dans la conception de ces leurres. Une télécomman­de de télé, par exemple, m’a rapidement fait penser à un huard, ou une brosse au corps d’un oiseau d’eau.”

Ce grand fan de The Fall évoque pour sa part une étude autour de la répétition, citant le légendaire DJ anglais John Peel à propos du groupe de Mark E. Smith (“Toujours différent… et néanmoins toujours pareil”) pour justifier deux années de variations autour d’un même motif et plus d’une centaine de leurres cosmiques à son actif, lesquels incluent une batterie de perceuse, une vieille chaussure Converse, une cacahuète (“L’un de mes préférés”), un briquet de cuisine ou encore des blocs de Jenga. “J’essaie de m’arrêter, mais je suis toujours dans cet état d’esprit et j’ai actuelleme­nt plusieurs leurres en cours au studio”, conclut, presque désemparé, Oli Brown. Avant d’ajouter: “C’est difficile de stopper un tel projet, sachant que je suis encore tellement loin d’en avoir épuisé les possibilit­és.”

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