Society (France)

Duralex fait la loi

Le 21 novembre dernier, Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie, annonçait qu’un prêt de quinze millions d’euros serait accordé à l’entreprise Duralex pour traverser la crise énergétiqu­e. Pourquoi elle?

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Made in France

En politique, on appelle ça “une séquence”. Après avoir inauguré le MIF Expo, le salon du Made in France, le 10 novembre dernier à Paris, porte de Versailles, Bruno Le Maire a annoncé neuf jours plus tard sur France Inter que le tissu industriel serait soutenu: “Nous avons protégé nos entreprise­s pendant la crise Covid. Nous les protégeons face à la hausse des

prix de l’électricit­é et du gaz.” Grand prince, il a ensuite laissé le soin de l’annonce à Roland Lescure, le ministre délégué chargé de l’industrie. Lequel a donc promis qu’un prêt de quinze millions d’euros serait accordé à l’entreprise Duralex, dont l’activité est actuelleme­nt à l’arrêt et les 250 salariés au chômage partiel, la faute à l’explosion du prix de l’énergie, qui représente aujourd’hui plus de 30% de son chiffre d’affaires. La production devrait repartir en avril.

Passion verre Gigogne

Cela fait 76 ans que Duralex fait partie du patrimoine français. Et 76 ans que les enfants des écoles françaises se demandent quel âge ils ont en regardant au fond du verre Gigogne, présent dans toutes les cantines du pays. Des chiffres qui ne dépassent pas 50 puisqu’ils correspond­ent tous à l’un des 50 moules de l’entreprise. Ce verre était prédestiné à devenir une star des cantines: il est 2,5 fois plus résistant aux chocs qu’un verre traditionn­el et si jamais il termine par terre, les morceaux ne sont pas coupants. Après tout, le nom de l’entreprise ne vient pas pour rien de l’expression latine dura lex, sed lex

(“la loi est dure, mais c’est la loi”).

La Chapelle

L’entreprise, située à La Chapellesa­int-mesmin, dans la banlieue d’orléans, n’en est pas à sa première résurrecti­on. Début 2021, déjà, alors en redresseme­nt judiciaire, elle était rachetée par la maison mère de Pyrex, Internatio­nal Cookware, devenue depuis La Maison française du verre. L’aboutissem­ent d’une longue histoire ponctuée de nombreux rachats et soubresaut­s. Fondée en 1927 par le vinaigrier Dessaux, la firme, qui s’appelle alors Société des verreries de La Chapellesa­int-mesmin, est vendue en 1930 à François Coty, qui fabrique des parfums, puis en 1934 au groupe Saint-gobain, qui s’apprête à inventer le verre trempé, et produit alors dans la verrerie des feux d’éclairage et des vitres pour automobile­s. En 1945, changement de braquet, l’entreprise décide de se consacrer à la vaisselle, crée la maison Duralex et lance dans la foulée le verre Gigogne, le modèle iconique de la firme, qui va devenir une star des Trente Glorieuses.

Carrière américaine

Quel produit français peut se targuer d’avoir tourné dans Les Aventurier­s de l’arche perdue, Skyfall, Blue Jasmine et Gangs of New York? Plus récemment, le verre Duralex est même devenu, sans surprise, un objet de design: pour les 70 ans de la marque, en 2016, des designers du studio parisien 5.5 ont imaginé 70 accessoire­s, comme une poivrière, une lampe ou un coquetier. Mais le modèle original a toujours le vent en poupe. Pour preuve, la boutique du MOMA, à New York, vend actuelleme­nt six verres Gigogne de toutes les couleurs pour la modique somme de 61 euros. Le goût de la France. – ANTOINE MESTRES

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