ÎLE FLOTTANTE
Préoccupé par “la compréhension et la déconstruction des cadres avec lesquels le monde naturel a été défini au cours de l’histoire”, l’artiste franco-suisse
Julian Charrière est parti, en 2013, à la rencontre des icebergs en Islande. Ou plus exactement: il a essayé de les faire fondre au chalumeau. Cette performance aussi spectaculaire qu’absurde, dont les captations photographiques évoquent la grandeur d’une toile de Friedrich revisitée par les Monty Python, est le fruit d’une réflexion sur une bataille sans espoir, celle du “temps humain contre le temps géologique”. “Tout a débuté par une fascination pour les icebergs, entités temporelles erratiques qui projettent le passé dans le futur tout en flottant dans notre présent”, explique Charrière, pour qui ces blocs d’eau solide soumis à l’impact anthropique seraient “devenus malgré eux les effigies du réchauffement climatique”. Longue de huit heures, l’intervention de l’artiste, en équilibre constant sur un glaçon géant affublé de pics à glace (“Il s’agit d’une structure humide et glissante qui ondule dans l’océan”), d’une combinaison de plongée “très inconfortable et encombrante” et de gants “hautement inflammables”, juxtapose de manière faussement naïve la dimension épique de l’entreprise avec la futilité d’une action évidemment vaine. “Avec le froid, l’eau obtenue gelait à nouveau quelques instants seulement après avoir fondu”, confirme l’artiste. Comme dans un film de Werner Herzog et au-delà du dispositif didactique à gros moyens, un ressenti mystique émerge de la mise en scène de cette expédition perdue d’avance, Julian Charrière décrivant sa rencontre avec les icebergs comme une façon de “communier avec quelque chose de très ancien, de fondamental”. Et ce dernier d’appuyer le sentiment de tragédie cosmique se jouant dans ce simulacre d’attaque contre le titan de glace: “On ressent à la fois de la poésie et de l’absurdité dans cette silhouette fragile piétinant et fondant la glace sous ses pieds, générant ainsi des conséquences similaires, à son échelle, à celles de notre espèce sur la planète.”
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