La valeur d’un homme
DES ÉLÉMENTS HUMAINS ENCORE MOINS FACILES À MODÉLISER ET À DOMPTER QUE LES FLUX AÉRO
DES MONOPLACES.
Comment juger la valeur d’un pilote de F1 ? Le mercato déjà bien lancé pour 2025, les incertitudes des uns et des autres, les atermoiements et les déboires de la filière Red Bull (voir p. 134) illustrent la difficulté de l’exercice.
Chacun se dit que faire courir les 20 pilotes avec des machines identiques fixerait les choses. En est-on si sûr ? C’est plus ou moins ce qui se pratique en F2 et, en fonction de l’organisation des écuries, des stratégies et des réglages, les hiérarchies qui en ressortent ne se retrouvent pas forcément lorsque les jeunes pilotes formés en F2 débarquent en F1. La question de l’environnement, du soutien, de la psychologie, des stratégies, joue directement sur la performance des intéressés.
Car même à monoplace égale, la performance visible des pilotes ne reflète pas nécessairement leur potentiel. Parlez-en à ceux qui ont partagé le garage des plus grandes stars de la discipline. La focalisation de l’attention vers un des deux pilotes d’une écurie peut coûter des dixièmes à l’autre, sans que sa vitesse ne soit en cause.
Le « deuxième » pilote doit alors faire preuve d’un autre talent, extra-sportif, pour ramener de l’écoute de son côté du stand. Certains y sont parvenus et quelques écuries y ont été sensibles, comme en 2007 quand Hamilton a débarqué chez McLaren, alors théoriquement aux mains du roi Alonso. Ou que ce même Hamilton s’est vu confronté à Nico Rosberg chez Mercedes. C’est sans doute ce que réussit aujourd’hui à accomplir Sainz chez Ferrari. Il est douteux qu’une approche aussi ouverte soit possible à brève échéance chez Red Bull.
Entre ensuite en considération la manière dont chaque pilote évolue au cours de sa carrière. Aurait-on imaginé, il y a quelques années, que Carlos Sainz tienne ainsi en respect le brillant Charles Leclerc ? Pouvaiton penser, avant son retour chez Aston Martin, que le vétéran Alonso serait encore à ce point performant et bagarreur ? Ou que Ricciardo, multiple vainqueur de grands prix, motivé et dans la fleur de l’âge, souffrirait face au modeste Tsunoda ?
Finalement, voilà bien ce qui fait le sel de la Formule 1 : l’imprévisibilité du facteur humain. Aussi entraînés et précis soient-ils, les pilotes actuels ne sont pas des machines. Les éléments multiples qui contribuent à leur performance en piste sont encore moins faciles à modéliser et à dompter que les flux aéro de leurs monoplaces. Il reste donc une part d’incertitude impossible à maîtriser dans cette discipline que l’on dit corsetée par la technologie. Sachons nous en réjouir !