GÉNÉRATION ZAPPING
Comme diraient les Marseillais (ceux qui sont actuellement en Afrique du Sud) «tout peut aller très vite». En atteste l’essor de la «viral food», tendance observée par le site américain Grub Street. En gros, tous ces nouveaux lieux qui ouvrent les uns après les autres, qui surfent sur la food trendy du moment (burger, coffee-shop avec barista moustachu), et à fort potentiel instagrammable (inspiration déco à la clé). Et dans lesquels se ruent autant les médias que les badauds, craignant d’accuser un syndrome de Fomo (fear of missing out, ou la peur de louper quelque chose). Le problème, au-delà d’un instinct grégaire manifeste, c’est que galvanisé par l’immense privilège de faire la queue pendant des heures pour tester le nouveautruc-à-la-mode, plus personne ne songe à être agacé par un service aussi expéditif que les swipes à gauche pour bazarder les profils sur Tinder. «On va forcément davantage parler d’un nouveau lieu que de la nouvelle carte d’un resto établi depuis des années, regrette Kilien Stengel, professeur à l’institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation et auteur gastronomique. L’effet de surprise, c’est ce qui attire la clientèle et qui motive les entrepreneurs à ouvrir successivement de nouveaux concepts de restaurants et ainsi revaloriser à chaque fois la forme plutôt que le fond. Ces lieux ont adopté un rythme de restauration rapide qui s’intéresse peu à la clientèle.» Et peu importe que les clients aient l’impression qu’on la leur a faite à l’envers: un bad buzz, ça reste un buzz (ce n’est pas Martin Shkreli qui nous contredira). Sans compter que ce je-m’enfoutisme des serveurs pour la clientèle ne nuit en rien à la course à la rentabilité: «Les restaurants branchés du moment et touristiques, par exemple, mentionnés dans des guides, génèrent des flux permanents de clients. À quoi bon être sympa?, confirme