Stylist

LE CHOIX DES ARMES

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les seules femmes à sortir « en cheveux » sont les ouvrières. Pour les autres, le chapeau est un accessoire indispensa­ble. Les modèles de Luisa se vissent sur les têtes de la haute, et elle va régulièrem­ent admirer le travail de ses collègues lors des événements mondains les plus courus. Son destin l’attend un jour de printemps à l’hippodrome de Longchamp. Dans la foule, un Italien guette cette femme élégante qui se désintéres­se totalement du sort des chevaux. Il s’appelle Fortunato Andrei et travaille aussi dans les chapeaux, à Florence, où il fabrique des jolis modèles avec la paille réputée de la région. C’est le coup de foudre : les deux chapeliers se Contre toute attente, Luisa finira par retrouver son mari au rez-de-chaussée d’une maisonnett­e où il vend des chapeaux, un commerce qui lui a valu une notoriété discrète et lui a permis de renflouer les caisses. Le couple reste dans la capitale argentine quelques années avant de revenir à Florence, où Luisa décide d’ouvrir en 1930 la fameuse boutique de la Via Roma, devenue rapidement le repaire d’une clientèle habituée à « changer de couvre-chef au moins trois fois par jour : le matin, à l’heure du thé et le soir, observe Andrea. Mais ma grand-mère avait d’autres idées en tête, elle avait un réel esprit entreprene­urial, une vision, des valeurs… » Cependant, les projets de Luisa se cognent contre l’histoire : alors que sa fille Olga vient de se marier, la guerre éclate et Florence voit débarquer une armée de volontaire­s chargés de protéger les monuments historique­s des possibles ravages des bombardeme­nts. Les statues sont enveloppée­s dans des sacs de sable ou des cages en fer, les églises sont scellées et enfermées dans des armures bétonnées, leurs précieux vitraux retirés et cachés à la campagne. Pour Luisa, la mode devient un geste de résistance ; elle décide de ne pas fermer les volets de la boutique de la Via Roma pour continuer à égayer les centaines de femmes qui ont vu partir leur époux au front. C’est donc dans une ville ravagée, où tous les ponts ont été détruits par les Allemands en fuite, qu’elle décide de proposer à la vente des robes du soir produites sur mesure dans un petit atelier de couture créé de toutes pièces, mais aussi des vêtements et de la lingerie qu’elle sélectionn­e soigneusem­ent auprès des couturiers éparpillés un peu partout dans ce fief du textile. Sans le savoir, son business devient le modèle des buying offices qui verront le jour plus tard

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