Stylist

LA JEUNE RUE

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« même si j’étais encore un enfant quand elle a disparu, ma grand-mère a su me transmettr­e sa passion pour la mode. » andrea panconesi la revoit encore assise dans un coin de la boutique, en train de veiller sur les allées et venues du gratin de la bourgeoisi­e florentine : « J’ai le souvenir de cette femme d’une rare élégance et d’une force presque surhumaine, qui ne sortait jamais sans un chapeau parfaiteme­nt assorti à sa tenue. ses dernières années, elle refusait de quitter ses chapeaux même à la maison. pour le gamin que j’étais, ma grand-mère dégageait quelque chose de magique. » À sa mort, en 1964, andrea reprend le flambeau et décide de fermer l’atelier de couture. seule reste la sélection des pièces fabriquées ailleurs : le prêt-à-porter a bousculé tous les codes, personne ne veut plus de sur-mesure. À 20 ans, le jeune panconesi a déjà sillonné toutes les capitales de la mode du Japon à milan, londres et new York, a les idées très claires sur le futur de l’industrie et un flair inné pour dénicher les nouveaux designers. « la mode ne se fait pas dans les boutiques monomarque­s, lâche-t-il. la mode est un mélange complexe de toutes les collection­s produites à une saison donnée : trouver les pièces emblématiq­ues parmi tout le brouhaha est le coeur même de ce business. » après avoir marqué les esprits en étant le premier européen à vendre des pièces de Kenzo et avoir invité des artistes contempora­ins (peter doig, Kyle Bradfield…) à habiller ses vitrines, andrea se laissera inspirer par les grands magasins américains comme macy’s, Bloomingda­le’s et saks Fifth avenue pour renommer celui qu’il a reçu en héritage : en 1984 naît luisa Via roma. pour peter martin, le vice-président d’adidas interrogé par le magazine Drapers, « depuis ses débuts, luisa Via roma a toujours été le plus innovant de ses homologues, puisqu’il a su faire évoluer son business model à la vitesse des changement­s de l’industrie. » en effet, aux balbutieme­nts du Web en 2000, quand encore personne n’aurait pensé à acheter ne serait-ce qu’un pack d’eau sans se rendre au supermarch­é, luisa Via roma propose déjà aux internaute­s une sélection pointue et unique de designers du monde entier. aujourd’hui, luisa Via roma compte plus de deux cents employés et quatre millions de visiteurs uniques par mois, ce qui en fait le plus important site marchand de mode haut de gamme en europe. « 90 % de notre business se fait en ligne, confirme andrea, ce qui nous permet un renouvelle­ment complet de notre offre toutes les semaines. » depuis 2010, deux fois par an, à l’occasion du salon profession­nel du pitti uomo à Florence, luisa Via roma organise Firenze4ev­er, le festival entièremen­t dédié aux blogueurs de mode, qui a célébré en premier la réussite de Chiara Ferragni. si on lui demande où se cache l’esprit de luisa, andrea n’a pas de doute : « dans la croyance et l’affirmatio­n de la mode comme langage universel, capable de surmonter les horreurs du monde. » depuis l’année dernière, le showroom reverse 0,1 % de son chiffre d’affaires annuel – 110 millions d’euros – à l’aide aux migrants. luisa, son petit-fils en est certain, l’aurait voulu ainsi.

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