DOUBLE PEINE
par la famille du dessinateur via AFP interposé. Dernier en date, l’avocat Corentin Delobel du barreau de Nice, qui a squatté tous les médias en se faisant passer pour l’ancien conseil du tueur du 14 juillet, une « méprise » suffisamment grave pour que le bâtonnier saisisse le conseil de discipline régional. Le travail de fourmi des enquêteurs de la police judiciaire, jusqu’à dix mobilisés sur chaque dossier suspect, navigue en permanence entre la vérité des relevés téléphoniques (avec lesquels ils vérifient leur position au moment des faits) et des caméras de surveillance et celle, plus humaine, qui prend en compte les incohérences dues au stress post-traumatique. Comme l’explique à Stylist Juliette Méadel, la secrétaire d’état chargée de l’aide aux victimes : « Si elle a subi un véritable traumatisme, une personne peut se sentir victime, même si elle ne l’est pas au sens juridique. Déposer plainte parce qu’on se sent victime, en disant la vérité sur les faits, n’est pas répréhensible. Ce qui est poursuivi, c’est le fait de dire “j’étais au Bataclan” alors que ça n’est pas le cas. » presque un an jour pour jour après la nuit d’horreur, des plaintes arrivent encore au compte-gouttes à la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire. Un délai qui n’a rien d’étonnant : pour chaque faussaire souffrant d’un préjudice imaginaire, il y a des victimes réelles enfermées dans le silence, car rongées par le syndrome du survivant, qui ont besoin de temps pour accepter d’en être un. C’est le cas notamment des forces de l’ordre et des aidants. Si l’infraction des escrocs reste, selon les mots de Maître Laigneau, avocat du Fgti, « moralement intolérable », la machine à fabulations des mythomanes broie tout sur son passage. « pour les rescapés approchés et bernés par ces individus, c’est très dur, confirme Carole Damiani. Ils se sentent trahis dans un moment de grande vulnérabilité. » parmi ceux qui ont connu l’homme au parapluie, encore aujourd’hui il y en a qui refusent d’admettre qu’il pourrait avoir tout inventé. Stéphanie, elle, préfère oublier, à tel point qu’elle a même du mal à retrouver dans sa mémoire le nom de cette victime trop parfaite : « Il avait besoin de se sentir un héros, il disait aussi avoir connu quelqu’un qui était décédé lors du 11 septembre. »