SEUL LE CRIME PAIE
les nouvelles cibles semblent, elles, complètement désemparées. Cet été, au moment de constater le vol de 600 doudounes Canada Goose (pour plus de 500 000 euros) par un astucieux inconnu passé par les égouts du magasin en plein coeur du Marais, le gérant de la boutique Ken Claude a déclaré se sentir comme dans « un vrai film ». « Le choc des vendeurs mis en joue par une arme est terrible, avoue la responsable d’une boutique de luxe parisienne. Beaucoup démissionnent après un tel événement, d’autant plus que la seule formation donnée en interne concerne la reconnaissance des profils de clients-voleurs. Au mieux, on conseille de ne pas prendre d’initiatives et ne pas jouer les héros. » Alors, face à la recrudescence des hold-up, en Seine-saint-denis, c’est la police qui prend en charge la formation des commerçants. Le conseil phare ? « Imaginez que vous êtes amoureux de la personne qui vous menace, a raconté le journaliste d’europe 1 qui a pu assister à l’étonnante leçon. Regardez-la attentivement. Observez s’il est plus grand ou plus petit que vous, la couleur de ses yeux, attardez-vous sur son blouson et ses chaussures…» Parallèlement, des comités anti-braquage voient le jour un peu partout, comme le comité Vendôme à Paris ou Cannes Sécurité Prestige, qui se font porteparole des propositions sécuritaires des quartiers du luxe auprès des différentes préfectures. Moins précieux à l’unité qu’une Rolex incrustée de pierres précieuses, les vêtements, en plus de rapporter gros, ont néanmoins l’avantage d’être plus rapidement écoulés sur le marché noir. Seule condition : connaître les dernières tendances. Après le démantèlement en juin 2016 d’un vaste réseau en Italie, coupable du braquage d’une boutique Fendi, les enquêteurs se sont vite rendu compte que les petites mains du crime travaillaient à l’aide d’une liste des courses précise. « Ils ont ignoré les visons au profit d’habits d’une valeur moindre, ce qui confirmerait une commande », analyse une source policière. Pour la revente, Internet fait la joie tant des receleurs que des consommateurs qui, ignorant souvent l’origine trouble de ces objets, n’y voient que du feu. Face à des enseignes de luxe qui préfèrent incinérer leurs invendus plutôt que les solder, ces vols permettent à des générations de fashion victimes de mettre la main sur le dernier objet du désir à des prix somme toute raisonnables. Il faut pourtant rester prudents, surtout si une annonce pour deux montres de luxe de provenance kazakhe venait à être publiée sur Le Bon Coin : disparue des coffres de l’élysée en 2013, le parquet vient d’ouvrir une enquête pour vol et recel de vol. On vous aura prévenue.