LA FIN DE VOTRE INNOCENCE
Votre storytelling : un soir d’hiver, vous rentriez tranquillement dans votre maison de campagne étouffée de neige et de stalactites de glace. L’air était sec, la nuit tombée et vos pas crissaient joyeusement dans les congères (vous aviez 8 ans, vous aimiez encore la vie). Derrière vous, votre mère ramassait des brindilles pour faire démarrer la cheminée devant laquelle vous iriez tous vous blottir en famille. Au moment de franchir la porte du garage (là où vous pouvez troquer vos vilaines bottes pour vos vilaines pantoufles), vous avez entendu un doux jappement. Et vous l’avez vu : un chien de dessin animé, magnifique husky aux yeux jaunes et fous, roulé en boule à côté du tas de bûches. Manifestement perdu et épuisé, il a convaincu votre mère de passer la nuit à l’abri du froid et des loups (vous étiez sûre qu’ils rodaient à l’orée de la forêt). Nuit que vous avez passée à le couvrir de caresses et de viandes hors de prix et à lui raconter tous vos secrets, qu’il comprenait vachement bien. Mais le lendemain, il a fallu repartir et abandonner cette amitié formidable. Votre mère a tenté de vous convaincre qu’il retrouverait sans problème son chemin, mais Vagabond – oui, vous avez fait l’erreur de lui donner un nom – s’est mis à cavaler la bave aux lèvres derrière la voiture. Vous n’aviez jamais autant crié « Cours, cours » de votre vie (enfin, ça, c’était avant d’avoir vu la vidéo de la BBC sur les bébés iguanes tentant d’échapper aux serpents). Avant que votre mère réussisse à vous calmer en vous persuadant qu’un tel guerrier solitaire n’aurait jamais supporté la vie en appartement et les climats tempérés. Et en vous offrant, pour vous consoler, un hamster. Que vous avez appelé jusqu’à sa mort aussi ennuyeuse que sa vie Le Hamster (pour limiter votre investissement émotionnel). Fact-checking : Vagabond avait de toute évidence la rage et s’est sûrement fait choper dès que vous l’avez perdu de vue par les services vétérinaires. Alors certes, vous êtes passée à côté de votre animal totem mais l’inflexibilité de votre mère vous a surtout permis de ne pas déclencher une épidémie mondiale.