MONTAGNE D’EMMERDES

Nerveux, intelligent et soigneusement claustrophobe : le genre de thriller sans bavure dont la Corée a le secret.

Un tunnel flambant neuf s’écroule sur un honnête businessman qui, miracle, survit, et suscite une opération de sauvetage d’ampleur nationale. Parmi les cartes postales du grand atlas cinéma, la Corée fournit peut-être la mieux définie : un cinéma de genre noir, acide, truculent, où cols blancs veules et détectives amers se croisent dans les nuits boueuses, assurant un flux tendu de partitions impeccables d’où émerge de temps à autre une fulgurance visionnaire à la The Host. Alors certes, Tunnel ne déboule pas comme un challenger apte à détrôner ses plus illustres ancêtres, mais plutôt un héritier assumé, sur-conscient – comme un thriller coréen en kit, à monter soi-même. Ustensiles : une culture de genre à l’état brut, la commedia des bons et des mauvais hommes, un pamphlet vitriolé discrètement glissé sous la table (presse, politique, prédation financière…), et puis ce bête film de monstre qui plane comme une basse continue, un bourdon. Car l’histoire n’est rien moins que l’effondrement d’une montagne sur un pauvre type, et l’humanité qui s’agglutine autour pour tenter, dans un élan prométhéen, de l’extirper vivant des entrailles de la Terre. Ce que Tunnel exécute alors est à deux doigts de l’exercice de bon élève mais bon, faudrait-il se retenir d’aimer des travaux si humblement respectueux de ce qu’on peut le plus sainement attendre d’un film : un programme émotionnel, intelligent mais pas cuistre, réjouissant sans faux pas ni coup d’épate ? Voilà de quoi voir la lumière au bout. T.R.

Tunnel de Kim Seong-hoon avec Ha Joon-woo, Doona Bae. Durée : 2 h 06.