Olfactions de science-fiction
De leur côté, les auteurs de science-fiction ou architectes utopistes ne se sont guère laissé mener par leur nez, souligne Darran Anderson, auteur de Villes imaginaires (éditions Inculte, 2018). Lorsque les odeurs s’infiltrent entre les pages de ce road-trip poético-érudit passant des utopies antiques aux cités de l’avenir, « elles assument une fonction critique. L’odeur de chou bouilli et de vieux paillasson de la première scène du 1984 d’orwell renforce l’impression de totalitarisme sinistre et de dégradation humaine. Dans Le Meilleur des
Mondes d’huxley, les pulsions et la créativité ont été sacrifiées à la stabilité et à une forme synthétique de bonheur, symbolisés par l’orgue
à parfums et le cinéma sentant ». Dans ce roman de 1932, l’art olfactif révolutionnaire envisagé par les futuristes, contemporains d’huxley, s’est mué en opium du peuple… « Mais la dystopie ne pue pas forcément, signale Darran Anderson. L’absence d’odeur peut être d’aussi mauvais augure que le silence. Pendant des siècles, nous avons repoussé les aspects rebutants de la vie métropolitaine aux marges de la cité – tanneries, abattoirs, dépotoirs… Lorsqu’un lieu est stérile et immaculé, nous devons nous demander s’il n’a pas d’équivalent inversé ailleurs dans la ville. Une cité qui sent le pré alpin peut être une cité qui a des choses à cacher. » Bref, si nos trottoirs embaument plus souvent le métro un lendemain de match que l’ajax Fête des Fleurs, c’est qu’on ne vit pas encore tout à fait sous l’oeil de Big Brother.
L’absence d’odeur peut être d’aussi mauvais augure que le silence